Le séisme majeur de sa vie, il le doit à sa fille Christine, son unique enfant. Presque cinq ans qu'il ne l'a pas revue ! Elle est partie sur un coup de tête, à vingt ans, quelques semaines après le décès de sa mère, victime d'un cancer. Une rupture fracassante, avec des cris et des larmes. Une avalanche de reproches, de part et d'autre. Chez elle, l'irrépressible désir de "vivre sa vie"... Depuis cette fracture, plus de nouvelles, pas même un coup de fil.
Cette enfant, il n'a guère pris le temps de l'aimer. Il grimpait l'échelle sociale et se passionnait pour son emploi. Ses dossiers prenaient plus d'importance que ce qu'il appelait "les enfantillages". Avait-il seulement la fibre paternelle ? Il se persuadait que la sollicitude d'une mère suffirait à Christine et que son rôle à lui consistait à leur donner du bien-être, en finançant !
Jérôme Dupin a désormais pour ambition de vivre à sa guise. La soixantaine venue, il entend, selon une formule qu'il affectionne, "cultiver son égoïsme". Non pas qu'auparavant, sa générosité envers autrui ait été proverbiale ! Non... Pas plus dans le domaine des sentiments qu'en celui du portefeuille. Mais avant, il subissait des contraintes et avait des devoirs. La société les impose, qu'il s'agisse de la famille ou de l'activité professionnelle. L'homme et le citoyen en tenait compte.
Leur amitié commence [entre Bouilhet et Maupassant]. Elle va se prolonger plus d'une année, tantôt à Rouen, tantôt à Croisset. Bouilhet retrouve en sa juvénile présence toute sa fraîcheur de poète, celle de ses vingt ans. Il initie Guy au travail du style, à l'art du vers. Quelquefois Gustave [Flaubert] s'en mêle, mais il ne montre ni la même patience, ni la bienveillance de Louis. Et puis, le poème, ce n'est pas de son ressort.
Un père fouettard ? Non pas. Mais un glaçon. Un père pour l'état-civil bien plus que pour l'affection.