Dominique Strévez La Salle

Généralement, il produisait le peu de résultats qu'on attendait de lui avant l'heure du dîner, ensuite il tombait dans le vortex des médias sociaux, le Grand Scroll où des nouvelles de la Syrie côtoyaient des articles de Vice News sur le bleaching anal au Brésil.

J’étais un romantique foutu, ma propre grande cause, ma propre tragédie à rejouer toutes ces nuits où je m’endormais en regardant l’autre moitié du lit: toute ma solitude de vieille âme qui m’avait fait écrire des poèmes à la Rimbaud où je pleurais mon amour piétiné par le genre humain! (L’été précédent, j’avais refoulé mon «amour» dans les isoloirs du club Pigalle où Sheila dite la Hongroise rougissait de ma tendresse anormale… Je dois être le seul à lui avoir flatté les cheveux, mordillé les oreilles, à l’avoir serrée fort, fort… Elle me payait des verres, imaginez ça! Une danseuse! Elle me payait des verres. Je devais faire pitié en sacrament.)

(...) c'était néanmoins le début d'une période de grande liberté automobile dont seuls les enfants ruraux d'Amérique connaissent toute l'importance.

Visiblement un expert, Stéphane Antoine ne voulait pas raconter les siens, mais il répétait avec un air de vendeur de porte-à-porte : c'était le fun en crime, les wet dreams.

Vers dix-onze heures, les clubs vidéo, casse-croûtes, dépanneurs où travaillait la jeunesse au salaire minimum s'éteignaient un par un et il y avait une grande migration digne d'être narrée par Charles Tisseyre : quatre-roues et trois-roues et motocross grimpaient dans les collines et les jeunes de la campagne étaient debout sur les pédales, excités d'être au centre du monde pour une fois.

Pendant un cours d'enseignement religieux, un gros policier éducateur leur avait rendu visite, il disait que l'enfer de la drogue était un enfer où on entrait doucement, sans même savoir, comme les grenouilles qui trempent dans l'eau chaude et qui ne savent pas, tant que l'eau bouillante ne les a pas tuées.

Gabriel n'était pas certain de savoir précisément ce que ça voulait dire, avoir le coeur gros comme le monde; ça semblait une expression assez juste pour décrire son oncle Burt, lequel était généreux comme un enfant qui vous offre son souper au fur et à mesure qu'il bave dessus.

Elles vivaient une amitié adolescente, typiquement intense et sans compromis : était-ce la seule vraie forme d'amitié, où tout trouvait pardon au sein du clan, alors que le moindre écart dans les cercles extérieurs était magnifié jusqu'à des proportions bibliques?

Elle savait que Jason n'était pas un intellectuel; c'était, après tout, un ami de Martin, et ce n'était pas, non plus, comme si elle préférait les bolles; par contre, il y avait une limite à se draper dans sa fierté de tata.

(...) faites un effort, madame Latreille, votre petite-fille s'en vient vous voir!, s'exclamait-elle sur ce ton disneyesque qu'on emploie d'instinct pour parler aux petits vieux aussi bien qu'aux enfants des étrangers.