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4.38/5 (sur 8 notes)

Nationalité : États-Unis
Né(e) : 1933
Biographie :

Historien américain, spécialiste de l'histoire moderne du Cambodge.

Il est aussi professeur d'histoire du Sud-Est asiatique et directeur de recherches au Centre d'études sur le Sud-Est asiatique, Monash university, Melbourne, Australie (en 1992)


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Les cruautés de la prison et du champ d'exécution de Choeung Ek correspondent tout à fait à ce que Kelman et Hamilton (s'inspirant des travaux de Stanley Milgram et d'autres historiens) ont appelé les "crimes d'obéissance". Les tortionnaires et les bourreaux de S-21 obéissaient, instinctivement ou non, à des ordres donnés par des individus dont ils acceptaient l'autorité sans contestation, en partie parce que la remise en cause de celle-ci aurait pu entraîner leur propre mort. A propos de la Shoah, Zygmunt Bauman écrivait que "les inhibitions morales contre les atrocités brutales tendent à s'éroder" lorsque la violence est autorisée, quand elle devient une routine et quand les victimes sont déshumanisées. Tzvetan Todorov soutient également ce point de vue. De plus, quand ils blessaient et tuaient, un grand nombre d'interrogateurs et d'exécuteurs pensaient qu'ils agissaient selon une morale supérieure et une discipline plus globale que tout ce qu'ils avaient connu auparavant. Isolés, contraints, terrifiés, mais tout-puissants, ces jeunes hommes se transformèrent en armes terrifiantes. Les plaisirs qu'ils tiraient de leur propre cruauté augmentaient parfois leur satisfaction de survivre et de recevoir l'approbation de leurs supérieurs.
(Page 167)
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Pour compliquer encore les choses, nous devons nous rappeler que les employés des camps nazis et de S-21 n'étaient pas fondamentalement brutaux ou autoritaires. La plupart étaient des hommes et des femmes ordinaires, et souvent peu instruits, à qui l'on avait assigné des tâches extrêmement violentes. Il est impossible de dire quelle fut la part de choix délibéré, de pressions des pairs, d'obéissance et d'ambition. Ce que nous savons des employés de S-21 indique en général, comme le suggèrent les recherches de Browning, leur aspect ordinaire et banal. Liés à des gens qui leur ressemblaient, respectueux et soumis devant leurs responsables, les employés de S-21, comme leurs prisonniers, étaient piégés à l'intérieur d'un scénario sans pitié.
(Page 177)
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La prison de Tuol Sleng fut abandonnée dans la précipitation le 6 janvier 1979, au moment de l'arrivée des troupes vietnamiennes qui envahirent le Cambodge et chassèrent les Khmers rouges de Phnom Penh. A cette occasion, Douch semble avoir été confronté, pour la première fois à l'obligation d'abattre lui-même des prisonniers : les onze derniers qui s'y trouvaient encore. La fuite des révolutionnaires n'entraîna aucun répit dans la poursuite des massacres.
(...) En dehors de Tuol Sleng, on évalue aujourd'hui, disséminés dans tout le pays, environ 20 000 charniers, pour un nombre qui excède les 2 millions de morts.
(Page 8)
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Le nombre de prisonniers exécutés à Choeung Ek chaque jour variait de quelques douzaines à plus de 300. Ce dernier chiffre fut enregistré en mai 1978, à l'apogée des purges de la zone Est. En général, "une fois par mois ou toutes les trois semaines, deux ou trois camions" partaient de S-21 pour Choeung Ek. Chaque camion comprenait trois ou quatre gardiens et de 20 à 30 prisonniers "effrayés et silencieux". Quand les camions arrivaient sur le site, se rappelait Huy, les prisonniers étaient rassemblés dans un petit bâtiment où l'on vérifiait leurs noms d'après une liste d'exécution auparavant préparée par Suos Thi, le chef de la section de documentation. Quelques listes de ce type ont été conservées. Les prisonniers étaient ensuite emmenés par petits groupes vers des fossés ou des trous que des travailleurs stationnés en permanence à Choeung Ek avaient creusés un peu plus tôt. Him Huy continuait ainsi, d'un ton très détaché :
"On leur ordonnait de s'agenouiller au bord du trou, Ils avaient les mains attachées dans le dos. On leur tapait dans le cou avec un essieu de char à boeufs en fer, parfois un seul coup, parfois deux [...] Ho surveillait les exécutions, et je prenais en note les noms. Nous ramenions ces noms à Suos Thi. Aucun nom ne devait manquer."
Him Huy se souvenait de prisonniers criant : "S'il vous plaît, ne me tuez pas, euy !" Il se rappelait qu'il avait dit à un prisonnier qu'il savait que, s'il ne le tuait pas selon les ordres, il serait lui-même exécuté.
(Page 170)
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Une autre série d'expériences conduites aux Etats-Unis au début des années 1960 par Stanley Milgram nous en offre un autre aperçu.
(...) Aucune électricité n'était transmise par les boutons sur lesquels professeurs appuyaient, et les étudiants étaient des acteurs embauchés par Milgram.
(...) A de rares exceptions près , les expériences ont montré, comme Alan Elms l'a écrit, que "deux tiers d'un échantillon d'Américains moyens étaient prêts à électrocuter une victime innocente jusqu'à ce que le pauvre homme crie grâce et continuaient à le faire longtemps après qu'il fut devenu silencieux.
Dans une autre étude, John Darley suggère que l'obéissance des professeurs était intimement liée à la présence des expérimentateurs à qui l'on demandait de valider l'usage supplémentaire de violence. Abandonnés à leur choix personnel, selon Darley, les professeurs n'auraient pas administré les chocs électriques. En cela, il y a une grande différence , comme il le défend vigoureusement, entre les enseignants de Milgram et les personnes qui commirent certaines atrocités. Il ajoute néanmoins que la socialisation des individus dans une plus grande violence peut n'être qu'une question de temps.
(Pages 178 et 179)
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En 1977, alors que les purges s'intensifiaient, S-21 se remplit, tout comme le cimetière qui se trouvait juste à côté. La même année, un cimetière chinois près du hameau de Choeung Ek, à 15 kilomètres au sud-ouest de la capitale, fut utilisé comme champ d'exécution, les prisonniers importants étant toutefois toujours assassinés dans la prison. Situé près d'un dortoir d'experts économiques chinois, l'électricité y avait été installée afin d'éclairer les exécutions et de permettre aux gardiens de lire et de signer les listes de condamnés. C'est à cet endroit que les détenus qu'avait vus Nhem En étaient envoyés pour y être "écrasés" ou "jetés". Après la découverte du site en 1980, celui-ci fut transformé sous la direction des Vietnamiens en un site touristique où, jusqu'à aujourd'hui, on peut trouver des morceaux d'os et d'habits près des trous d'ensevelissement dégagés.
(Page 169)
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Les différentes tortures mentionnées dans les archives ou par les survivants sont décrites dans la liste qui suit :
Coups
avec les mains
avec un gros bâton
avec des branches
avec des fils électriques noués
brûlures de cigarettes
chocs électriques
forcé de manger des excréments
forcé à boire de l'urine
forcé à manger
pendu la tête en bas
tenir les mains en l'air toute une journée
enfoncer une aiguille dans le corps
se prosterner devant une (des) image (s) de chiens (à partir de 1978)
se prosterner devant le mur
se prosterner devant la table
se prosterner devant la chaise
arracher les ongles
griffer
bousculer
suffocation avec un sac plastique
tortures avec de l'eau
immersion
gouttes d'eau sur le front
Cette liste n'inclut pas de nombreuses tortures décrites dans les peintures de Van Nath.
(Pages 158 et 159)
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Nous avons également vu que l'aspect totalitaire et la minutie rythmant la vie de la prison s'inspiraient de plusieurs modèles du XXe siècle liés aux pratiques communistes - les grands procès de Moscou et les purges des années 1930 ou les campagnes de "rééducation" de la Chine maoïste et du Vietnam communiste - et aux systèmes modernes de surveillance. De manière plus lointaine, S-21 s'inspirait également de la conception de la "justice révolutionnaire française". Dans les années 1790, la justice révolutionnaire trouvait sa dynamique, sur le plan sémantique, dans les néologismes "contre-révolution" et "contre-révolutionnaire", qui permettaient une énorme marge de manoeuvre. Le sens de ces deux mots pouvait en effet changer d'un jour à l'autre. A S-21, le mot "ennemi "connaissait la même élasticité.
(Page 180)
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Parfois, les pulsions sadiques s'exprimaient librement, comme l'ancien garde Son Moeun l'écrivit dans sa confession :
"Après avoir été affecté comme gardien de ce prisonnier [dans la "prison spéciale", au sud de Tuol Sleng], j'ai vu les [interrogateurs] le battre, et, quand les interrogateurs sont partis, je me suis glissé à l'intérieur et l'ai aussi battu, je l'ai poussé, lui ai donné des coups de pied et des coups de poing sans retenue, jusqu'à ce que le prisonnier dise : "Qu'est-ce que vous faites ? Vous êtes en train de me tuer !"
Peu après, ce prisonnier (Bun Than) mourut des blessures infligées par les interrogateurs et ce gardien. Ses aveux restèrent incomplets.
(Page 143)
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Ce régime khmer rouge du Kampuchéa démocratique (KD), dirigé par un ancien instituteur utilisant le pseudonyme de Pol Pot, fut renversé par une invasion vietnamienne en janvier 1979. 1,5 million de Cambodgiens étaient alors morts de malnutrition, de surmenage et de maladies mal diagnostiquées ou mal traitées. Au moins 200 000 autres personnes, et peut-être encore plusieurs milliers, avaient été exécutées sans aucun procès en tant qu'"ennemis de classe". En tout, à peu près un Cambodgien sur cinq mourut à cause de ce régime. La plupart de ces victimes étant des Cambodgiens (ou khmers), l'historien Jean Lacouture forgea le terme d'"autogénocide" pour décrire ce phénomène.
(Page 13)
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