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3.79/5 (sur 24 notes)

Nationalité : Italie
Né(e) à : Saronno , 1977
Biographie :

Enzo Gianmaria Napolillo est un écrivain italien.
Il vit entre Côme et Milan.

Source : feltrinellieditore.it
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Bibliographie de Enzo Gianmaria Napolillo   (4)Voir plus

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Citations et extraits (6) Ajouter une citation
Puis, un matin, Giulia et Salvatore découvrent le
monde qui est de l’autre côté. Un réveil violent qui
les propulse hors de l’adolescence et les catapulte dans
l’âge de la maturité, qui ne peut leur apporter que
douleur et connaissance. Une frontière physique qui
opère une distinction entre les pensées circulaires qui
sont les leurs et la prise de conscience d’être là, et de
n’être plus là l’instant d’après. Il n’est pas facile d’identifier
la naissance d’une crevasse qui fissure un mur de
façon ténue et le divise petit à petit.
La plage de Punta Tonnara est isolée, difficile
à atteindre. La mer est agitée par des courants
sous-marins qui luttent pour l’emporter et rendent
les baignades dangereuses. Un sentier de terre,
entouré de ronces et de chardons, creusé dans la
falaise, est l’unique passage accessible depuis la terre.
Il n’est pas signalé, caché par de grands rochers qui
paraissent tombés du ciel un million d’années auparavant.
Calcaire et nature africaine, âpreté et fragilité. Un paysage lunaire, balayé par un vent continu,
inhospitalier, inconnu des touristes. Dans le ciel, les
nuages gris laissent filtrer par moments des rayons du
soleil qui illuminent l’écriteau de bois portant gravée
l’interdiction de baignade.
Giulia et Salvatore sont seuls, leurs pieds s’enfoncent
dans un mélange de sable et de galets. Ils se
poursuivent, le vent dans la figure, se chatouillent, se
laissent tomber l’un sur l’autre, avec légèreté.
La poitrine de Giulia se gonfle et se dégonfle vite
contre celle de Salvatore. Ses cheveux fouettent leurs
visages, se faufilent dans leurs bouches. Le tissu léger
de sa jupe se soulève malicieusement contre ses jambes
à lui.
« Peut-être…, dit Salvatore, le regard changé.
— Quoi ?
— Je ne sais pas.
— Dis-moi », insiste Giulia, qui a compris et veut
la même chose, avec la même intensité.
Salvatore cherche des mots qui n’existent pas tandis
qu’il se perd dans les yeux languissants de Giulia.
Lorsqu’il est sur le point de dire quelque chose, une
chose quelconque qui pourrait briser l’instant et les
conduire ailleurs, elle le fait taire d’un baiser.
Ils reprennent des parcours intimes tenus secrets,
dans l’écho des vagues qui viennent mourir sur le
rivage.
Ils ressentent une urgence qui les déconcerte, ils
froissent leurs tee-shirts, découvrent leur désir du bout
des doigts. Ils en ont parlé dans leurs lettres, ils se
sont posé la question mille fois avec une audace rassurante,
dans l’ignorance que le moment les prendrait au
dépourvu, et les trouverait néanmoins prêts.
Ils se déshabillent ; et, au milieu de leurs soupirs, les
mains sur les nuques, ils vivent les émotions qu’ils ont
espérées. Dans leur nudité exposée, ils complètent, avec
les pièces manquantes, la géographie de leurs corps.
Un grain de beauté caché par le maillot, la rondeur
des seins, la rugosité des poils. Et leur différence dans
les façons de se vouloir, de se conquérir et de se céder.
Pionniers à la déroute, pourtant dotés de tous les
moyens pour avancer avec assurance ; improvisateurs
d’une musique ancienne, mais pas moins surprenante
pour autant. Partie d’un projet sans direction préalable,
qui laisse désarmés, tandis que l’on cherche une sorte
de sens dans une étendue sans fin.
Dans le calme qui suit, le retour à la réalité les
trouve à bout de souffle. Giulia laisse échapper des
larmes, qui lui remplissent les yeux, et se blottit contre
Salvatore. Il lui demande ce qui se passe, ce qui ne va
pas, incapable de reconnaître le bonheur, la rupture
d’une digue qui ne voulait plus résister.
Les premières gouttes de pluie les tirent du rêve ;
elles effritent les murs d’air coloré qu’ils ont peints avec soin. Ils perdent le contact avec le temps, mais pas avec
les pôles qui les attirent. Ils se rhabillent, cherchent
des confirmations de l’état des choses qui, même s’il
est apparemment le même, ne peut qu’avoir changé.
Et pourtant, le gouffre est déjà ouvert et les
engloutit, le désespoir les a encerclés et, comme un
habile prédateur, se manifeste à l’improviste.
Le vent se lève, le premier orage annonce la fin de
l’été avec un sourd grondement provenant de la mer.
Salvatore aperçoit quelque chose dans l’eau, près
de la rive, quelque chose de noir qui roule dans un
mouvement de va-et-vient, comme un sac. Un sac
doté de bras et de jambes, que les vagues écartent, lui
donnant l’apparence d’une marionnette qui les salue.
Ce n’est pas un touriste mais quelqu’un qui n’est pas
d’ici, l’un de ceux qui viennent de loin et que l’on n’a
jamais vus sur l’île.
Un jeune garçon à la peau sombre comme le
charbon, aux vêtements déchirés et arrachés.
Le bout de plage qui sépare Salvatore et Giulia du
rivage se transforme en sables mouvants, où chaque
pas exige énergie et renoncement, que l’on ne peut
atteindre sans faire preuve d’un courage certain.
Ils s’approchent, terrorisés, les yeux rivés sur ceux
du jeune garçon, qui ne voient plus et sont blancs,
révulsés. Giulia pousse un cri aigu, tremble ; et, sur son
visage, une ombre emporte l’enfance et l’adolescence.
Salvatore s’agenouille, prend par les épaules le jeune
garçon, qui est raide et froid, léger comme les feuilles
d’aggloméré qui protègent en hiver le bateau de son
père. Il le tire des flots, fixe pour toujours les traits de
son visage, sa bouche pleine d’eau ; puis, obéissant à
une impulsion, même s’il sait que cela ne sert à rien,
il le tourne sur le côté, et de sa main ouverte, lui tape
dans le dos. Il murmure « Allez ! » tandis que tout
espoir lui échappe des doigts et que sa tête se vide, lui
lestant d’un terrible poids l’estomac.
Un autre hurlement de Giulia l’ébranle à nouveau
– sa voix est brisée ; du bras, elle désigne quelque chose
qui flotte au large.
« Il y en a d’autres, Salvatore. »
Elle le secoue, prise d’une panique qui lui tire
comme jamais les traits du visage.
Salvatore se lève ; et la mer n’est plus celle qu’il
connaît, ni bleue ni azurée, mais parsemée de taches
noires – hommes, femmes et enfants.
Il crie lui aussi, dans l’absurde espoir que ceux-là ne
sont pas des corps mais des personnes encore à même
de répondre, de prendre magiquement possession de
leurs poumons et de se mettre à nager vers la rive.
Il entre dans l’eau, mais la mer le repousse ; une vague
plus forte que les autres lui fait perdre l’équilibre.
Il retourne auprès de Giulia, en plein désarroi et
qui a maintenant perdu toute maîtrise d’elle-même, et la supplie de courir le plus vite qu’elle peut, d’aller
chercher de l’aide. Elle réagit avec une promptitude
inattendue, sans poser de questions, ne jetant qu’un
rapide regard, trop dense pour être reçu et interprété.
Et une pensée partagée de remplir l’espace, de les
bouleverser et de les rendre proches et intouchables
tout à la fois.
Personne ne les avait préparés à la mort.
Giulia pédale alors que ses jambes lui font mal et
que l’air sèche ses larmes. Elle abandonne son vélo
dans l’allée d’une maison de vacances et fait irruption
sur la terrasse d’une famille en train de déjeuner et de
rire. Giulia ne sait plus parler, seulement crier.
Elle crie « À l’aide ! », elle crie d’appeler les secours,
elle crie qu’il y a des morts en mer, qu’ils doivent cesser
de manger, de rire – que ce n’est pas juste. Puis se laisse
tomber, et croit pouvoir oublier.
Salvatore parcourt la plage en tous sens, voudrait
être allé avec Giulia, ne pas l’avoir laissée seule. Il se
sent inutile, coupable d’être vivant, de ne pas savoir et
de ne pas comprendre.
Un bruit dont l’intensité va croissant le contraint
à regarder en l’air. Un hélicoptère passe et repasse
au-dessus de sa tête, et soulève des nuées de sable.
La plage s’anime, envahie par des villageois, par
leurs mots et par leur silence. Quelqu’un soulève le
jeune garçon noir et l’emmène. D’autres apportent des cordes, forment une chaîne humaine et récupèrent les
corps. Des femmes pleurent tandis qu’elles étendent
des draps sur les cadavres d’autres femmes. Les sirènes
de la police et de l’ambulance s’arrêtent sur la route et
ne parviennent pas à couvrir le bruit du vent, les gémissements
des morts. Des médecins et des infirmiers
secouent la tête : ils ne sont eux aussi que de nouveaux
témoins. Des hommes en uniforme marchent sur le
sable avec leurs chaussures cirées.
Un homme, un ami de son père, prend Salvatore
par un bras et l’éloigne.
Dans le ciel gris, dans les gouttes de pluie, dans les
voix et dans les façons d’agir, un pressentiment naît
et croît. L’impression que l’on n’est qu’au début d’une
réalité de plus vaste ampleur, incontrôlable.
À la fin, on dénombre soixante-seize morts ; et, là
où il n’y a pas de survivants, il revient à ceux qui sont
témoins de ne pas oublier.
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Non si sono incontrati per caso, non è stato il destino a farli conoscere, ma i vicoli dell'isola e lo spazio che si apre appena usciti dall'abitato, che sbilancia e lascia senza fiato. Raccontano sia per questo che le case sono state costruite una vicina all'altra, che sia nella vicinanza che si può placare la paura dell'infinito. E stando vicini un ragazzo e una ragazza non hanno altre difese che unirsi.

Hanno giocato insieme con la palla nella piazza, e a nascondino nei locali della scuola elementare. Hanno visto le stesse facce, ascolto le stesse parole, e condiviso matrimoni e funerali. Non è difficile immaginarli mano nella mano a Punta Caladritta, intenti a scoprire nuovo sguardi dentro di loro.
Un'isola è libertà e prigione.
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Nous, nous sommes dans les lettres. Nous n'aurions aucune chance dans le monde réel, moi ici et toi là. Si nous nous entendions, nous perdrions la signification de notre éloignement.
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Ils savent tous maintenant qu'être innocent n'importe guère, qu'être inoffensif ne donne aucune assurance de salut et que, pour survivre, il faut combattre.
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Et puis il y a un mot nouveau, expression du stupide dépit d'hommes sans coeur ni cerveau. Répété et disséqué, qu'explicite parfaitement qu'il contient.
Refoulement.
Refouler les grandes barques dans les eaux internationales, une procédure simple aux effets immédiats. L'incarcération, la torture, l'exploitation, sans aucune protection, des migrants dans leur pays d'origine.
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A la fin, on dénombre soixante-seize morts ; et là où il n'y a pas de survivants, il revient à ceux qui sont témoins de ne pas oublier.
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