Jacques Estager

HALTES, MANQUES



la vie sur cette terre, en chemin, pour voir le soleil Soleil
bercée, pleurée, la vie sur l'autre terre pour la voir Soleil riée,
soleil bercée, jusque pour la voir la vie quitter l'autre monde,
également ne lui est-il pas une fée, un nom, j'acques ou
j'attends

HALTES, MANQUES



le feuillage attend le retour de l'hiver de toujours en allée : il
ne neige plus, il ne fait que plus froid, l'hiver est de retour au
feuillage. Je l'ai découvert, que l'hiver est le feuillage : qui est-
elle la révélation du froid sinon le bleu immaculé du ciel ‒ si
bleu qu'il n'est que l'autre et que moi de la révélation.

HALTES, MANQUES



les êtres, la nuit avant ma venue, le ciel, la nuit avant ma
respiration, moi avant moi-même et la nuit avant que je sois
enfin le même, après jamais la nuit, et qu'un corps. Il passe,
et la rivière, sous l'eau des feuillages et le soleil couchant, et
moi, vient le soir au long de la rivière le même temps qu'im-
mobile elle passe, et qu'immobile sera la nuit et que je serai
immobile après ma respiration. Et toujours les êtres seront
avant moi, déjà je respire le silence

HALTES, MANQUES



le chant des respirations est une nuit sur la fresque et sur qui
la regardent : moi, seul, et ma vie seule et la nuit. Et moi
j'invente le chant des respirés, de qui nous embrassons qui
nous embrassent, car le chant est fugitif des respirations qui
nous respirent encore pour cette nuit et puis c'est la fresque
des respirés qui j'aurai lors pris dans les mains la pierre
comme on entre dans sa propre maison : sans sa propre
respiration. Alors j'aurai dormi la tête sur elle comme on
regarde du ciel sa propre maison. C'est là quand nous
sommes seuls ensemble, dit ton inconnu, ou la seule toi, dite
mon inconnue qui entre mon chant de mes respirations sans
moi comme on entre sa propre maison

HALTES, MANQUES



neiges j'approcherai des yeux
du monde dont je ne serai rien
ce sera la porte du jardin,
ou j'acques et j'attends
la fée n'a pas touché terre
qui a touché le cœur de la terre,
le creux de la terre sous la neige
apparue pour toujours disparue de toujours