Un hôpital ferme notre village. Ses patients sont des enfants. Menés par les ambulances, à peine issus de l'utérus maternel. Lukacs y est garçon de salle. C'est ainsi que j'ai appris comment certains parents jettent leurs enfants, ici, à l'extrème pointe de notre pays, à peine leurs premiers cris poussés. Des parents terrifiés. Vaincus. Un formulaire. Une signature. Et les ambulances de la grande ville les conduisent ici, continuer ou finir leurs brèves, brèves vies.
Nous n'avons pas de quoi soigner nos enfants. Les pays de l'Ouest nous envoient des boîtes de médicaments entamées. Un jour, pourtant, nous rejoindrons l'Union européenne. Certains remèdes sont périmés. Les généreux donateurs précisent qu'ils agiront quand même sur nos organismes privés de médecine. En occident, il semble largement admis que l'organisme d'un Hongrois diffère de celui d'un Français. Sur nous, les médicaments périmés fonctionnent. Les anciennes puissances coloniales retrouvent un peu de leur superbe en s'inventant de nouveaux nègres à humilier.