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Citations de Frankétienne (15)


 Frankétienne
Le rêve est incontestablement le premier des chemins qui conduisent à la liberté. Rêver, c'est déjà être libre.
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Je m’envertige

Que pourrais-je écrire que l’on ne sache déjà ?
Que devrais-je dire que l’on n’ait déjà entendu ?
J’écoute ma voix baroque dans le miroir enflé de litanies sauvages.

Batteur battant aux appels de ma ville
rappeur frappeur à l’ivresse de mes tripes
je délire et je tangue au fatras de ma langue à roues cycloneuses.

Je dérape aux zigzags de mes mots à dentelles d’ouragan
mes paysages écrabouillés au tournoiement du vent
coïncidence et connivence
mes affres et mes balafres
mes joies et mes vertiges au tressaillement du masque
mon ombre écartelée d’oubli et d’épouvante.

Mes amours me reviennent amalgame d’utopie et de tendre
violence quand je mange mes silences.

Je m’envertige à contempler ma ville debout
hors des vestiges de l’ombre
entre pierre et poussière
entre l’or invisible et la boue des ténèbres
entre ordures et lumière
je nage inépuisable
je suis de Port-au-Prince
ma ville enfouraillée de nuits intarissables
ma ville schizophonique bavarde infatigable.

Je conjugue mon cauchemar et je module mon insomnie à ma façon. Ma ville en moi. Au fond de moi. Dans ma tête.
Et dans mes tripes.

Ma ville déchue déraillée/débraillée
ma ville en chute baladeuse
ma ville mélange de crépuscule et d’aube
ma ville défloration et perdition
ma ville en dérangement perpétuel
ma ville en panne de tout
ma ville miracle au quotidien.
Ma ville folie sublime et pathétique toute flamboyante en
paradoxes déconcertants.

Et bien sûr ça fonctionne dans la graisse exceptionnelle du chaos
ça pète de vie et d’énergie
ça roule dans le mystère
ça bouline dans les ténèbres
ça tourne dans l’immobilité du temps et l’inertie des gouffres
ça brûle ça boule ça bouleboule ça bouge ça danse ça piaffe ça grogne ça hurle ça jazze ça grage ça rappe intensément quand j’auditionne au-delà de mes fenêtres dévergondées l’âcreté des nuits sanglantes et l’âpre diction des pluies métissées de vents fous.
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 Frankétienne
Mwen se echantiyon yon ras k'ap boujonnen, min ki pa ko donnen.
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Haute philosophie de la lame qui tranche. Je confie mon coeur blessé à la chirurgie savante des araignées du temps. Doigts d'horloge glissant sur la toile de l'oubli. Psychiatrie empirique. Les vents nocturnes lisent avec rudesse les sentences des arbres malades de solitudes. Lecture anarchique. Ce n'est que déluge de mots pour si peu de gestes. La source ne raconte qu'aux pierres discrètes ses aventures souterraines. Le temps s'épaissit dans l'absence obscure sous les picotements de l'impatience. Les démangeaisons de l'âme en proie au désespoir. J'attends toujours quelqu'un qui ne vient jamais, ou qui revient différemment que j'y pensais. Pourtant je bénis la course des feux imaginaires. je me lave de mes larmes. Je mets ma douleur en quarantaine. Puis, je tente de rire en marge de moi.
Fausse liberté, le verre anéantit la révolte des poissons de l'aquarium. Moi, j'enrage contre la mémoire neutre des miroirs frivoles et la cécité des parois de verre. Je dis la puissance de mes yeux sur les lacs, sur la mer, sur les fleuves et sur toutes les régions où vit un peuple de miroirs bavards.
Nous avons vécu si longtemps dans une aire enténébrée que nous ne savons plus en quoi le rêve se distingue du réel, ni la cécité du sommeil. Nos paupières sont cousues de fil invisible. Progéniture au visage sans yeux. Ne pouvant et ne voulant rien, que valons-nous vraiment ? Il faudra que vienne la lumière, telle une immense et brutale armée de bistouris.
Battre la générale ! Sonneries. Tambours. La tempête me révèle la profondeur du coeur. La complexité de la vie.
Par présomption, je m'étais pris pendant longtemps pour un dieu vivant. Beau. Terrible. Je m'étais cru volontiers une force irrésistible. Fleuve viril. Lumière féconde. Vent puissant. Vague houleuse labourant la mer. Bourradant navires, épaves et corps noyés. Je m'étais cru forêt touffue. Chaîne de montagne. Batterie d'orages. Séisme irriguant, de mon sang, les veines de la terre. Avalanche de silex éclatés. flamme brûlante. Bouche dévorante. Eclair Tranchant. Amas de nuages gonflés de pluie. Avalasse irrésistible.
Longtemps, superbe, je m'étais cru dieu magnifique à pouvoir coucher tout seul la vie. Solitude effroyable! Je n'ai connu, à la limite, que la faiblesse et la vulnérabilité du simple mortel isolé dans l'échec. J'ai appris alors l'humilité pour éviter l'humiliation. Je m'initiai douloureusement à devenir un homme parmi les homes. J'ai souffert. Je souffre encore de vire. Mais j'accepte la vie minuscule des gouttelettes d'eau et des grains de poussière, s'ils contribuent à la croissance de l'arbre. Et aujourd'hui plus que jamais, me reconnaissant brin d'herbe fragile, je vibre au moindre bruit de pas dans un sentier ténébreux. Et mêmement frêle au frisson des étoiles, je frémis comme fleur de lune au soupçon d'une voix nocturne.
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la source ne raconte qu'aux pierres discrètes ses aventures souterraines.
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Un silence



Un silence
ou un cri
à vif
en moi
hors de moi
je suis la bouche de mon œil.

Tu ne me connaîtras jamais
j'habite l'envers de ma peau
de l'autre côté de moi-même.

Par le miroir suspendu à ma voix
par la clef agrafant nos regards
je te baptise ô mon amour
et je te possède !
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"Chaque jour, j'emploie le dialecte des cyclones fous. Je dis la folie des vents contraires.
Chaque soir, jutilise le patois des pluies furieuses. Je dis la furie des eaux en débordement.
Chaque nuit, je parle aux îles Caraïbes le langage des tempêtes hystériques. Je dis l'hystérie
de la mer en rut.
Dialogue des cyclones. Patois des pluies. Langage des tempêtes. Déroulement de la vie en spirale. Fondamentalement la vie est tension. Vers quelque chose. Vers quelqu'un. Vers soi-même. Vers le point de maturité où se dénouent l'ancien et le nouveau, la mort et la naissance. Et tout être se réalise en partie dans la recherche de son double. Recherche qui se confond à la limite avec l'intensité d'un besoin d'un désir et d'une quête infinie. Des chiens passent - j'ai toujours eu l'obsession des chiens errants - ils jappent après la silhouette de la femme que je poursuis. Après l'image de l'homme que je cherche. Arpès mon double. Après la rumeur des voix en fuite. Depuis tant d'années. On dirait trente siècles.
La femme est partie. Sans tambour ni trompette. Avec mon coeur désaccordé. L'homme ne m'a point tendu la main. Mon double est toujours en avance sur moi. Et les gorges déboulonnées des chiens nocturnes hurlent effroyablement avec un bruit d'accordéon brisé.
C'est alors que je deviens orage de mots crevant l'hypocrisie des nuages et la fausseté du silence. Fleuves.Tempêtes. Eclairs. Montagnes. Arbres. Lumières. Pluies. Océans sauvages. Emportez moi dans la moelle frénétique de vos articulations
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 Frankétienne
DEFINITION EXTRAITE D'UN DICTIONNAIRE POETIQUE PLUS RICHE ET PLUS NUANCE QUE LE LAROUSSE, LE ROBERT ET LE LITTRE REUNIS : Le GENOU est un jeu d'articulations éphémères et chimériques du Je au Nous, à travers une série de grincements cacophoniques et une succession d'inflexions musicales jusqu'au silence nocturne le plus pur.

La voyance est un châtiment des dieux.
un brasier de supplice au mitant des ténèbres.

Les écrivains, exception faite d'une très infime minorité de créateurs littéraires, ont toujours été esclaves d'une sémantique réductrice et prisonniers d'une syntaxe normative stérilisante.

Une seule minute dans la vie d'un être humain est plus dense et plus riche que toutes les bibliothèques du monde entier.
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 Frankétienne
Je ne reconnais ...plus ma terre, jadis rebelle, aujourd'hui travestie, soumise à la terreur des ombres, endormie dans la moelleuse routine in subversive.
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S’évader
  
  
  
  
S’évader
contourner l’obstacle
franchir le mur par la porte du miroir.
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Chaque samedi matin, Rita s'approvisionne en vivres au marché (...) L'invariable litanie alimentaire à laquelle s'accroche Gédéon : le riz aux grains longs, le maïs-moulu de Saint-Marc, le haricot rouge, la viande de boeuf, le petit-salé, la banane, la pomme de terre, l'igname, les légumes. Pas de musardise. acheter en un tournemain. En cours de route, Rita regarde les gosses de son âge s'amuser en pleine rue. Désir fou. Le rythme de son coeur s'accélère. Brusquement jaillies du fond de sa conscience, l'image et la voix de Gédéon font surface. Les réprimandes. Les injures. Crispation de l'âme. Crainte. Aigreur. Chagrin. Et elle retient difficilement ses larmes. Parfois Rita regarde les pancartes, les enseignes qui foisonnent dans les rues. Ne sachant pas lire, elle ne comprend pas. Elle ne comprend rien. Les lettres de l'alphabet, telles des mouches, des fourmis, des maringouins, des libellules, des vonvons, des vingt-quatre-heures, des papillons, des couleuvres (...) s'entrelacent dans une danse étincelante dont Rita ne parvient jamais à dégager le sens. Pourtant, chaque fois qu'elle regarde ces sortes de signes, elle frissonne des pieds à la tête, transportée dans un ailleurs lointain, jusqu'aux frontières de l'inconnu. Ensuite, elle dégringole, plonge aux fond des mers où elle rencontre la Maîtresse-des-eaux.
-Ô belle Sirène ! Emporte moi sur ton dos
- Les ignorants et les analphabètes n'entrent pas dans mon royaume
- Et s'il m'arrive, ô Sirène, de retrouver ton peigne, en cherchant, en recherchant, en fouillant partout ?
- Tu cesserais de regarder à travers des bouteilles noires. Tu sortirais des ténèbres. Tu saurais sur quel pied danser.
- J'ai soif de lumière. Je te supplie, ô Sirène, de me conduire dans ton royaume de clarté. Tends-moi la main, je t'en prie, belle Sirène !
- Apprends à tracer des vêvês. Apprends à écrire. Je te porterai sur mon dos. Je t'emmènerai dans mon palais d'or et de lumière.
Rita éprouve un vertige hallucinant, avec la sensation qu'un moulin lui broie la cervelle. Les avertisseurs d'un camion retentissent. Elle sursaute près du trottoir, et reprend ses sens. Arrivée au marché, elle s'empresse d'exécuter les achats, pour regagner aussitôt la vieille maison de Gédéon. Reprendre l'interminable calvaire. Gravir et descendre l'escalier, plusieurs fois par jour. Cuisiner. Servir la nourriture et l'eau. Balayer la cour. Nettoyer les chambres. Lessiver. Repasser les linges. Epousseter les meubles. Cirer le parquet. Torréfier le café. Avaler des flots d'injures. S'étioler dans un coin. L'existence de la petite Rita se ramène au fond à grimper une échelle à laquelle manqueraient plusieurs barreaux. Sa vie, un épouvantable mât-suiffé.
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 Frankétienne
Je dis que l'homme est fondamentalement un créateur.
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 Frankétienne
Tout rêve est nocturne,même à midi
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La lumière creuse les masques sans un cri
  
  
  
  
La lumière creuse les masques sans un cri.
Douleur plus durable que le feu,
ma discordante déchirante.

La nuit s’infléchit vers les blessures
qui saignent entre la muraille à effacer
et le regard à supprimer.

Des chrysalides bougent lentement sur un chemin boiteux
raturant les nourritures archaïques
sous les chuchotements imperceptibles d’une aube lointaine.

Gardons l’œil en éveil
à travers le balbutiement des lucioles de solitude.
Vivre/survivre dans la jungle à la terreur des chimères.

Faute de lumière, apprenons à mûrir
en suçant le miel occulte des ténèbres.
Les feux du désir peu à peu mangent la nuit.
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Pourquoi veux-tu que la nuit



Pourquoi veux-tu que la nuit soit faite précisément pour
dormir ?
Déclos tes paupières opaques
brise l'étau qui t'engourdit les reins
dépelotonne ta voix
pour la chasse aux mystères.
Un mauvais sang pèse sur nos nerfs.
L'impatience en nous
comme un lait tourné.
Quelle excitation !
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