Merci Bernard : émission du 22 mai 1983
Au programme de l'émission les sketches suivant : "Reconstitution"; "Fridax"; "Connaissez vos droits"; "Tourtereaux"; "Nouvelles brèves"; "Torture"; "Message personnel"; "Le cadeau de Merci Bernard"; "Insultes sur terre battue ";Et la une du
journal "Merci Bernard " : "Le Ministre des WC renvoie son chef de cabinet" (auteur
TOPOR, RIBES,
GEBE).
Je sais. Je ne traverse pas dans les clous.
Je poste une critique dans les citations.
Mais parfois, rarement, une réédition est plus qu'une réédition.
Et ce magnifique album, qu'on se le dise, n'est pas une réplique du livre publié, en 1972, dans la "Série bête et méchante" des éditions du Square.
C'est une sorte de panorama élargi de "l'An 01".
On y retrouve des pages publiées préalablement, en 1971, dans "Il est fou" et, en 1977, dans "cracher dans l'eau ne fait plus de ronds".
On y retrouve le livre publié en 1973, augmentée de plusieurs pages antérieures et postérieures à l'édition originale.
Car l'An 01 avait continué dans "Charlie" la route que Gébé avait commencé dans "Pilote"...
Mais l'An 01, c'est quoi, au fait ?
Pour les plus jeunes, pour ceux qui n'ont jamais vécu que dans un monde où tout est interdit, déconseillé, pour ceux qui sont nés en même temps que l'interdiction de fumer et que l'interdiction de parler sans avoir eu la parole, peut-être est-il utile de rappeler que l'An 01 est un livre indispensable, un film qui ne l'est pas moins, une formidable aventure collective et une véritable "Utopie".
Il demande un petit effort d'imagination.
On arrête tout, on réfléchit et c'est pas triste ...
"Et si au lieu de faire un pas en avant, comme le demandent les tacticiens de la société nouvelle, nous faisions un pas sur le côté ?
- Un pas de côté et tu t'assoies à côté de ta chaise de bureau ...
- Un pas de côté, à la chaîne, tu n'es plus en face des trous, tu boulonnes dans le vide ...
- Au cinéma, tu n'es plus en face de la caisse et tu entres sans payer.
Au poil ! ...
Il s'agit de chercher des trucs pour sortir de l'ornière.
Par exemple, échanger les appartements, échanger les maisons, échanger les autos, pour commencer ...
Gébé est un poète, un utopiste.
Avec cette bande-dessinée, il a posé, des centaines d'années trop tôt, la première pierre du monde où l'homme sera beau, intelligent et généreux.
Il nous l'a offerte comme un programme du spectacle que l'on admirera demain, comme un mode d'emploi de ce que, si l'on était raisonnable, l'on devrait faire dès aujourd'hui.
Merci Gébé pour ce petit moment d'intelligence et d'espoir ...
Par Gébé, un petit bouquin âpre et sans pitié.
Gébé regarde et "voit".
Pourtant, à la différence de beaucoup, il n'est pas irrémédiablement pessimiste.
Je crois que ça l'ennuierait d'ailleurs ...
Ce qu'il dénonce, fustige, cloue avec des punaises acérées dans notre rétine, ce sont les menteurs, les tricheurs, les tueurs camouflés et les escroqueurs patentés.
Chez lui, pas de ces dénonciations à grands cris qui soulagent, d'abord, ceux qui les poussent.
Sa voix reste "presque" neutre, mais on n'a pas fini de l'entendre vibrer en soi, ce "presque" là !
L'allègre dénonciation des gros magnats, le psychodrame du décervelage contemporain, le voilà devant nous, propret, affreux, effrayant, rendu, vomi, exactement résumé en quelques dessins.
C'est la chasse et les chasseurs pris pour cibles et c'est irrésistible.
Quelques pages plus loin, un haut le coeur, car voici que s'avance le "détecteur nettoyeur" des champs de bataille ... etc ... etc ...
Gébé est, se veut, imperturbable.
Pourtant, parfois son coeur fait "boum" ! et dans le coin du dessin qui nous montre un condamné à mort entraîné par deux gardes-chiourmes, il griffonne : "dire qu'il y a des fumiers pour faire ce boulot !".
Et puis, à la fin, il y a cet aveu qui fait de lui un ami (je ne lui dirai pas de vive voix, on a sa pudeur) :
"Car moi le sang me fait pas bicher.
C'est pour ça que je cherche des trucs. Des trucs pour sortir de l'ornière, pour sortir des rails. Sans douleur !" ...
(extrait de "On a bien aimé" par Guy Vidal - chronique du 604ème numéro de "Pilote", le journal qui, en juin 1971, s'amuse à réfléchir)
Vous z'avez pas inventé la roue, mais le chapeau vous l'avez trouvé, Hein !
Fiche technique - Genre : Fiction encéphalo-politique - Lieux de l'action : à l'extérieur des gens et à l'intérieur de leur tête (région des hémisphères cérébraux) - Moyen d'expression : la bande-dessinée, conçue comme un film à faire - Objet : montrer comment l'élargissement de la Conscience Provoquée, peut modifier le comportement individuel et social et conduire irréversiblement au changement de consensus politique d'une nation.
J'ai retrouvé mon p'tit copain et l'institutrice m'aime bien ...Trinlinlin,
Je me sens fort comme l'Atlantique avec ma plume, plume magique ...Tralalique,
Je crache le feu, je tords le fer, j'suis l'être le plus extraordinaire ... Tralalère ...
C’est ainsi que se passe la vie pour les introvertis. On leur parle. Le temps qu’ils sortent de chez eux pour répondre, il n’y a plus personne.
Dire qu'il suffirait que dans chaque pays les gens retirent à une poignée d'entre eux le droit de leur donner des ordres pour qu'il n'y ait plus de guerre, ni d'armée, ni torture, ni raison d'état, ni diplomatie imbécile. Plus de gugusse au dessus de nos têtes.
Les riches couvrent les mers de mazout.
Les pauvres se baignent dedans. Les pauvres n'ont pas de rancune
Ils m'ont tapé sur la tête
Je ne me rappelle plus pourquoi
Ni même si ça m'a fait mal
Parce que j'en suis mort
Qu'est-ce que j'étais déjà
Travailleur immigré philosophe
Résistant caché dissident notoire
Ou bien animal à fourrure
Je m'appelais comment déjà
José Abdel Argentino
Arabica Jan Patochka
Ou bien alors bébé phoque
Ils m'ont tapé sur la tête
Je ne me rappelle plus pourquoi
Ni même si ça m'a fait mal
Parce que j'en suis mort
M'a-t-on assommé pour mes idées
Ou pour faire de moi un manteau
Pour de l'argent ou la couleur de ma peau
J'ai un bout d'os dans la mémoire
Quand leurs pieds chaussés m'ont cerné
Etais-je allongé dans des draps
Ou bien couché sur la banquise
Ou est-ce que je sortais d'un café
Je suis mort dans la rue de l'Ouest
Sur la glace du Nord ou chez les flics de l'Est
Ou dans la Pampa des casquettes
A coup de triques noires
Est-ce que je rêve de vengeance
De têtes policières éclatées
De têtes de chasseurs sanglantes
De têtes de racistes en purée
Ou bien est-ce que je vois des têtes
Emerveillées d'elles-mêmes
Emerveillées de leur dedans
Et se découvrant nouveau monde
Je suis mort répondez pour moi
Je m'appelais Jan Patochka
Argentin et bébé phoque arabe
Maintenant ça me revient.
Casse-têtes
Texte écrit à la fin des années 1970
Résolution 1
- On arrête tout
Résolution 2
- Après un temps d'arrêt total, ne seront ranimés - avec réticence - que les services et les productions dont le manque se révélera intolérable. Probablement : l'eau pour boire, l'électricité pour lire le soir, la T.S.F pour dire "Ce n'est pas la fin du monde, c'est l' AN 01, et maintenant une page de mécanique céleste".
Résolution 3
- Les individus ne consentant plus à déléguer leurs pouvoirs, toutes les formes d'autorité, ainsi que les hiérarchies de toutes natures, perdront leur emprise avec leur raison d'être, très naturellement et sans douleur.
Résolution 4
- Le temps d'arrêt sera mis à profit par tous pour acquérir la somme des connaissances recensées au 1er de l' AN 01, somme considérée comme indispensable pour pouvoir décider de la suite et du cours à donner, en toute logique, aux actions collectives futures...
(extrait des "Aspirations collectives de résolutions prenant effet à partir du 1er de l' AN 01 et applicable par accord tacite et collaboration libre de toutes les personnes vivantes ce jour et après" - Chapitre "Ils l'ont fait")