La reine tertiaire n’eut pas le loisir d’apporter sa réponse. Une vibration d’alerte, qui s’était propagée depuis le sommet de la monade, venait d’atteindre leur niveau. Les étudiantes réagirent avec calme et discipline et regagnèrent le quartier de sécurité qui leur était affecté.
Dans la fréquence d’oscillation du sol et des murs, la reine tertiaire détecta un commandement de rejoindre ses Sœurs au 128e étage, à plus de 70 mètres au-dessus de la surface, pour une assemblée antennaire.
Elle prit l’initiative d’inviter T1978 à y participer et lui signifia sa volonté en tâtant son abdomen à son passage. Cette dernière, dépourvue d’ailes à ce stade de sa croissance, s’accrocha à une des pattes arrière de sa reine, et aussitôt, le singulier équipage s’envola vers le sommet de la monade, en empruntant un large canal d’aération. Le poids et la taille de T1978 représentaient alors le septième de celui de R15, le centième de celui de la Reine Principale, fondatrice de la colonie ; ils tripleraient avant le cycle prochain.
— « Je donnerais tous mes livres pour celui-ci » déclara R15, la reine tertiaire, en sécrétant un jet volatile d’acide carboxylique aux jeunes étudiantes, dissipées et stériles, qu’elle accompagnait au 37e sous-sol. Bien que son attention eût depuis longtemps dérivé de l’objet du cours vers les autres artéfacts qui ornaient la vaste cavité, T1978 reçut le message chimique et nota le subtil rappel à l’ordre qu’il contenait. Sa difformité contrastait violemment avec la morphologie insipide de ses sœurs. Elle rejoignit le groupe et ouvrit ses récepteurs olfactifs.
En cheminant pas à pas dans la venelle, je raccommodai le tissu déchiré de mon âme, stoïque face à l'écroulement des choses extérieures, comme parvenu à ce degré d'impavidité qu'explore et sublime le poète intranquille, ce rêve où l'on devient enfin soi-même...