Thomas A. Harris

La réalité, pour certaines personnes, est plus large que pour d'autres parce qu'elles ont plus regardé, plus vécu, plus lu, plus expérimenté et plus pensé. Ou bien leur réalité est simplement différente de la réalité de quelqu'un d'autre.

Considérons combien il est difficile pour un petit garçon de deux ans de comprendre ce qui se passe lorsque sa mère change périodiquement et totalement de personnalité. De nombreuses raisons peuvent provoquer cette sorte de changement. L'une est l'alcoolisme. La mère a un "haut". Elle dorlote son enfant, le caresse et le chatouille jusqu'à ce qu'il crie. Elle joue à courir autour de la table. Elle l'envoie en l'air. Elle tape des mains et rit hystériquement pendant qu'il balance le chat par la queue. Bravo ! La vie est formidable ! Puis la mère s'endort. Pendant des heures, le petit garçon est abandonné. Il est furieux, il est vide? Elle est partie, les caresses ont disparu. Comment peut-il les retrouver ? Qu'est-il arrivé ? Il ne sait pas. Plus tard elle s'éveille, malade. Elle ne peut supporter sa vue. Elle le repousse. Il pleure et revient vers elle. Elle le frappe. Qu'est-il arrivé ? Qu'a-t-il fait ? Il s'était senti si bien et maintenant si mal. Il s'endort en criant. Le lendemain arrive, la mère a de nouveau un "haut". Et tout recommence. Hier soir, ça allait mal, maintenant ça va bien de nouveau. Et naturellement, ça ira mal de nouveau. Je ne sais pas pourquoi, mais, à un moment donné, tout changera. C'est terriblement bon (phase maniaque) et terriblement mauvais (phase dépressive). Terrible décrit les deux états à cause de la réalité expérimentée qui prouve que le changement viendra soudainement, totalement et d'une manière imprévisible.

Un moyen de déterminer si une personne a ou non un Parent, c'est de déterminer l'existence des sentiments de honte, de remords, de gêne ou de culpabilité. Ces sentiments qui existent dans l'Enfant apparaissent lorsque le Parent "tape sur l'enfant". Si ces sentiments n'existent pas, il est probable que le Parent a été exclu. Si un homme, qui a été arrêté pour molestation d'enfant, n'exprime pas de sentiments de remords ou de culpabilité - en dehors du fait d'avoir été pris - on peut être sûr qu'il n'a pas de Parent qui agit en lui. Ceci a des implications dans le pronostic de la réhabilitation.
Un psychopathe criminel peut comprendre son (P)-A-E dans la mesure où son Adulte peut diriger ses activités futures de façon telle que son modèle de crime, d'arrestation et de condamnation puisse changer. Il ne peut jamais avoir un Parent opérationnel pour soutenir son Adulte mais son Adulte peut devenir assez fort pour lui faire réussir une vie dans laquelle il gagne l'approbation et même l'estime des autres. C'est sur cette possibilité que doivent être fondés les efforts de réhabilitation.

Beaucoup de données du Parent apparaissent dans la vie courante sous la forme de "comment" : comment planter un clou, comment faire un lit [...].

Pendant toutes les années troublantes de l'adolescence, lorsque les jeunes semblent faire la sourde oreille aux discours de leurs parents inquiets, il y a néanmoins un besoin d'entendre et de recevoir les propos rassurants, l'amour et l'intérêt de Papa et Maman. Ce besoin pressant d'être ainsi rassuré a été exprimé récemment par ma fille de cinq ans, Gretchen. Lorsque sa mère est arrivée, Gretchen était en train de maintenir un équilibre précaire en se promenant sur le bord étroit d'une bordure de plate-bande ; sa mère dit :
"Fais attention, tu vas tomber dans ces fleurs."
Gretchen dit :
"Tu te soucies des fleurs ou de moi ?"
Les "cinq ans" chez l'adolescent posent la même question mais ils ne la formulent pas aussi explicitement. Les parents qui sont sensibles à cette invite implicite et qui, à travers les actes d'amour, d'intérêt, de retenue et de respect, démontrent sans cesse "C'est de toi que nous nous soucions", trouveront que les années de l'adolescence peuvent apporter des récompenses et des surprises bien au-delà de leurs espoirs.

Si la libération de la personnalité est la clé du changement social et si la vérité nous libère, le rôle principal de l'église est alors de fournir un endroit où les gens peuvent venir pour entendre la vérité. La vérité n'est pas quelque chose qui a été défi au cours d'une réunion ecclésiastique au sommet ou enfermé dans un "livre noir". La vérité est un ensemble croissant de données de ce que, grâce à notre observation, nous jugeons être vrai. Si l'analyse transactionnelle est une partie de la vérité qui aide à libérer les gens, les églises devraient la dispenser. Beaucoup de prêtres qui ont été exercés à l'analyse transactionnelle sont d'accord et dirigent des cours d'analyse transactionnelle pour les membres de leurs églises et l'utilisent également dans le "counseling pastoral".

... les parents feraient mieux de se poser la question : quelle sorte de personne suis-je aux yeux de mon enfant plutôt que quelle sorte de parent suis-je ? Je veux qu'il soit heureux. Y a-t-il de la joie à la maison ? Je veux qu'il soit créatif. Suis-je passionné par les choses nouvelles ? Je veux qu'il apprenne quelque chose. Combien de livres ai-je lu le mois dernier, l'an dernier, ces dernières années ? Je veux qu'il ait des amis. Dans quelle mesure suis-je amical ? Je veux qu'il ait des idéaux. En ai-je ? Sont-ils assez importants pour apparaître dans ce que je fais ? Lui ai-je jamais dit ce que je crois ? Je veux qu'il soit généreux. Ai-je de la compassion pou les besoins de qui que ce soit en dehors de ma famille ? Ce n'est pas le "vouloir" qui compte mais l'exemple même.

Bien que des centaines de milliers de mots sur la psychiatrie soient absorbés par le public en une année, la personne qui a besoin d'un traitement dispose de peu de données convaincantes pour se débarrasser de l'idée caricaturale qu'elle a des psychiatres et de leurs divans mystiques.

L'Adulte contaminé par l'Enfant, avec un Parent exclu [...] présente une difficulté plus sérieuse en particulier pour la société. Cette condition se développe chez la personne dont les parents réels ou ceux qui ont tenu leurs rôles, étaient si brutaux et terrifiants ou, à l'autre extrême si sottement indulgents, que la seule façon de préserver sa vie était de "les mettre à la porte" ou de les exclure. Ceci est typique du psychopathe, personne qui à un moment précoce de la vie, abandonne la première position JE NE SUIS PAS OK - VOUS ETES OK, et en adopte une nouvelle, JE SUIS OK - VOUS N'ETES PAS OK. Cette petite personne conclut à juste titre que ses parents, en fait, ne sont pas OK. Ils sont tellement "pas OK" qu'elle les exclut entièrement.

Les données du parent ont été reçues et enregistrées "en direct", sans préparation. La situation du petit enfant, sa dépendance et son incapacité d'élaborer des significations au moyen de mots, ne lui ont pas permis de modifier, corriger ou expliquer. Donc, si les parents étaient constamment dressés l'un contre l'autre, cette lutte a été enregistrée en même temps que la terreur de voir les deux personnes dont l'enfant dépendait pour survivre, en train de se détruire. Il n'y a pas moyen d'inclure, dans cet enregistrement, le fait que le père s'était enivré parce que son affaire venait de "tomber à l'eau" ou que la mère était à bout parce qu'elle venait de s'apercevoir qu'elle était de nouveau enceinte.