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Critiques de Karel Capek (173)
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R.U.R. : Rossum's Universal Robots

Dans cette pièce de théâtre, écrite en 1920, l’un des pères de la littérature de science-fiction offre à l’homme un miroir gênant.



Dans sa pièce dystopique R.U.R, Karel Capek imagine l’invention des robots au service des humains. Non seulement ses robots existent désormais, mais, de surcroit, ils portent le nom qu’il a inventé pour eux ! En effet, “rob” vient de l’ancien slave et veut dire esclave et “robota” veut dire corvée en tchèque, voilà l’invention d’un mot révolutionnaire pour les siècles à venir… la classe quoi !



“Je veux réveiller la conscience de ceux qui n’ont pas réfléchi” écrivait le poète tchèque Vítezslav Nezval. Comme son collègue, Karel Capek est engagé à gauche et fait réfléchir sur son époque et n’aura de cesse de le faire jusqu’à sa mort en 1938 quelque semaines avant son arrestation planifiée par la Gestapo.



Ces robots, parfaits, dociles, sorte de vertige de l’hubris humain, ne sont ils pas une sorte de miroir tendu à l’homme ? Leur révolte face à leurs créateurs, ils la justifient ironiquement ainsi : “il faut tuer et régner pour être comme les hommes” que peut-on leur opposer ?



Plus que les robots, reprogrammés, c’est l’homme nouveau, concept en vogue dans l’entre-deux-guerre qu’il soit soviétique ou nazi, qui inquiète l’humaniste qu’est Capek. Un homme tout au service d’un collectif, dont l’humus intime pour reprendre le mot de Robert Musil, labyrinthe et toile de soie d’émotions n’est plus utile à la fonction productive.



Seul moyen d’empêcher la révolte unifiée des robots ? En faire des êtres de couleurs et de langue différentes, sorte de mythe de Babel revisité. C’est aussi le mythe Homérique que revisite Capek, Hélène Glory comme Hélène de Troie est le grain de sable dans la machine, celle par qui la guerre arrive.



“Vous comprenez, il est quand même plus agréable de donner des ordres que de travailler.” Le rêve d’une société se reposant sur la technique pour effectuer les tâches les plus ingrates, est aujourd’hui largement débordé, les robots prennent en charge nos activités industrielles, ménagères, mais aussi intellectuelles, récréatives et même affectives… Bientôt ChatGPT s’inscrira-t-il sur babélio ? Ou commenterons-nous ses oeuvres ?



Qu’en pensez-vous ?
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Contes d'une poche et d'une autre poche

"Pourtant, croyez-moi, il faut qu'il y ait Quelqu'un d'absolument juste. C'est une évidence, Monsieur. Nous ne pouvons que châtier, pourtant il faut bien qu'il y ait quelqu'un, quelque part, qui pardonne. Je vais vous dire, la véritable justice, la justice supérieure, est aussi étrange que l'amour."

("Crime à la poste")



L'âme humaine est profonde. Profonde. Profonde...

Et Capek l'examine sous toutes ses coutures, dans ce double recueil des histoires criminelles "de poche".

Je retourne régulièrement avec plaisir vers ce livre rempli de la poésie des temps passés, et son atmosphère élégante de la Première République Tchécoslovaque, où les dames portaient des chapeaux "cloche" et des robes "charleston", et les hommes fumaient des "égyptiennes" et mettaient une fleur dans leur boutonnière.



Même si la qualité des histoires n'est pas toujours égale, on y trouve quelques merveilles inoubliables.

Comme cette "Ballade de Youraï Tchoup", à qui le Tout-Puissant à permis de survivre à une tempête de neige dans les Carpates, pour qu'il puisse se rendre à la justice humaine. Vous y sentez comme une odeur de lampes à l'huile, de manteaux en peau de mouton et de l'Ancien Testament.

Comme ce "Chute de la maison Voticky", où l'on résout une affaire vieille de 500 ans grâce à l'érudition d'un professeur obstiné et le sens de la déduction d'un commissaire dubitatif.

Comme ces histoires d'un voleur de cactus passionné, d'un très rare chrysanthème bleu, ou d'un cambrioleur-poète.

Ou "Les pas dans la neige", qui s'arrêtent inexplicablement au milieu de la route - faut il appeler la police, vu que ça frôle de près la métaphysique ?



Parfois on a une fin ouverte qui interpelle le lecteur; ni vu, ni connu, Capek nous fait réfléchir sur nos faiblesses, notre conscience, sur la justice humaine et la justice "supérieure" avec un détachement pragmatique et intelligent.

Ces histoires se lisent toutes seules. Et, étrangement, même si ça parle de crimes et meurtres, elles font chaud au cœur.

C'est la première fois que j'ai pu lire ce recueil en français, et je trouve que la traduction est plutôt bonne; ce n'est pas aisé de traduire les phrases de Capek, pourtant simples, mais où chaque mot est tellement à sa place. Y compris les expressions populaires un peu désuètes.



Il y a aussi de la nostalgie, là-dedans...

Où sont ces temps où l'on pouvait dire tout simplement : " Un crime, Monsieur, c'est soit une affaire de jalousie, soit une affaire d'argent."...?

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Voyage vers le nord

Le récit du voyage réalisé par Karel Capek, en 1936, vers le cap Nord, traversant le Danemark, la Suède et surtout la Norvège est une petite merveille, tant par la richesse des descriptions de la nature nordique que par la qualité des dessins de l'auteur qui illustrent la plupart de ses propos avec les lieux traversés, montagnes, fjords, maisons, églises, animaux.



Les phrases sont longues, très longues parfois et, malgré les nombreux points virgules permettant de reprendre une respiration, elles peuvent lasser le lecteur amateur de texte plus rythmé.



Pourtant, Karel Capek, donne la possibilité de savourer lentement son parcours en direction du cap Nord. Il agrémente son récit de considérations sur la situation politique de l'Europe des années 30, avec des références à la guerre d'Espagne et à la montée du nazisme qui va déferler.



L'auteur ne manque pas d'humour, quelquefois un peu répétitif, veut-il s'assurer que le lecteur ait bien compris son propos? Ainsi sont développées des considérations sur la présence à bord de l'un des bateaux du voyage des membres d'une église évangélique américaine, très envahissants et perturbants de la quiétude dans laquelle il souhaiterait bien sûr découvrir les paysages fascinants qui sont traversés. De même, les dialogues sur l'insubmersibilité des bateaux empruntés écartent un peu le lecteur de l'ambiance majestueuse de la nature que j'aurais personnellement souhaité voir tenir la place quasiment exclusive de ce récit.



C'est quand même un très beau livre dont aussi bien les dessins réalistes de l'auteur que ses évocations de ce Nord mythique donnent le désir d'aller découvrir ces territoires exceptionnels de l'Europe du nord.
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La guerre des salamandres

Karel Čapek (1890-1938) a écrit cette fable extraordinaire en 1935 dans un contexte particulièrement menaçant. Ce livre est considéré comme un chef-d’œuvre satirique dystopique, d'actualité (à l'époque) prémonitoire (maintenant) et diablement intemporel. Tchèque et universel. Le livre raconte la découverte (Livre I), l'exploitation des salamandres, leur prise de pouvoir totalitaire (Livre II) et enfin la guerre qui s'en suit contre les hommes (livre III). Il se termine, en guise de morale, par un dialogue entre l'auteur et sa conscience.

C'est un livre dense et protéiforme, plein de détails amusants et de parodies féroces.



Livre I

Le roman de Čapek débute comme un récit d'aventures maritime. Un narrateur anonyme raconte comment le capitaine J. van Toch, un vieux loup de mer tchèque qui se fait passer pour hollandais a amarré au large d'une île isolée de l'océan Indien, à la recherche de perles. Son équipe de plongeurs cinghalais refuse de chasser des perles dans la Baie du Diable car on y rencontre des créatures noires de plus d'un mètre de longueur. le capitaine van Toch découvre bientôt que ces créatures diaboliques sont plutôt dociles, amicales et très intelligentes. Et puis qu'elles raffolent des huîtres. Mais elles ont bien du mal à les ouvrir avec leurs petites griffes. Alors ce bon Capitaine a une fameuse idée. Il leur donne de petits couteaux en échange de perles. Il leur apprend aussi à parler et puis bientôt les équipe de harpons pour éloigner les requins, leurs seuls et uniques ennemis naturels. Alors qu'il est en congé dans sa Tchécoslovaquie natale , le capitaine Van Toch est interviewé par deux journalistes désespérés en quête de scoop. Ils lui suggèrent de rechercher un soutien financier pour l'achat de son propre bateau auprès d'un Tchèque nommé GH Bondy basé à Amsterdam. Celui-ci est un « capitaine d'industrie » que Van Toch a bien connu dans son enfance et qu'il intimidait alors en raison de ses origines juives. Quelques années après cette rencontre fatale, la population des salamandres explose et GH Bondy à la tête du « Syndicat des salamandres », annonce son programme dans un discours exalté : il exploitera impitoyablement les salamandres géantes, les élèvera et les vendra comme esclaves. Les salamandres seront désormais utilisées pour construire des sous-marins et entraînées pour protéger les rivages des pays qui les auront achetées.



« Messieurs, c'est avec regret que je conclus le chapitre qu'il me sera permis d'appeler vantochien ; nous y avons dépensé ce qu'il y avait en nous-mêmes d'enfantin et d'aventureux. Il est temps de quitter ce conte de fées avec ses perles et ses coraux. Sindbad est mort, Messieurs. La question se pose : que faire à présent ?"

Appendice : la vie sexuelle des salamandres





Livre II

Nous faisons connaissance avec Povondra le très fier portier tchèque de Bondy. C'est lui qui a introduit le vulgaire Van Toch chez Monsieur Bondy. Depuis Povondra a décidé de collectionner tout ce qui se rapporte aux salamandres. C'est par le biais d'articles qu'il a soigneusement archivés que nous apprenons l'évolution des créatures. Les parodies s'enchainent, de plus en plus terribles et toujours très ludiques. Austères compte rendus scientifiques, controverses universitaires, procès verbaux de conseils d'administration, articles de journaux sérieux ou manchettes à sensation du monde entier. Ces articles sont parodiés avec un souci du détail époustouflant y compris dans le graphisme et la calligraphie. Ils sont aussi entrelardés de slogans publicitaires désopilants. Journalistes, hommes politiques, scientifiques s'expriment et en prennent pour leur grade. Ces experts vaniteux persuadés d'avoir raison ont en commun d'être instruits et de s'adresser aux masses. On plaint d'abord ces pauvres petites créatures exploitées avant de prendre conscience que nous sommes nous aussi piégés et manipulés.



« -Justement, grommela M. Povondra inquiet. Une fois qu'elles se mettront à se défendre, ces saletés, ça ira mal. C'est la première fois qu ‘elles font ça...Bon sang, ça ne me plaît pas. Povondra eut une hésitation.

-Je ne sais pas...mais peut-être je n'aurais tout de même pas dû le faire entrer chez M.Bondy, ce capitaine. »



Livre III

Les salamandres, devenues trop nombreuses sont désormais menées par un chef (le Chief Salamander) et attaquent les littoraux humains pour les transformer en prairie marine : la guerre entre les deux races a commencé. Chaque puissance petite ou grande a une solution. Français, Anglais, Allemands, tout ce beau monde passe à la moulinette. Dans le chapitre der Nordmolch, l'auteur fait de la salamandre du Nord la plus noble des variétés de l'espèce. Elle a un besoin bien légitime d'espace vital. Deux nouveaux personnages apparaissent, l'auteur et sa conscience. Ils discutent de la situation immédiate et future.

« Et ensuite ?

-Je n'en sais pas plus long. »



Ce livre ludique et stimulant est d'une richesse stupéfiante. Les pistes d'interprétation sont multiples et la fin est ouverte.

Bref à lire et à relire.



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La maladie blanche

« La maladie blanche » (tchèque : Bílá nemoc) est une pièce allégorique de Karel Čapek (1890-1938) écrite en 1936 et mise en scène pour la première fois en janvier 1937 quelques mois avant que les accords de Munich ne cèdent la région frontalière de la Tchécoslovaquie à l'Allemagne nazie. Aujourd'hui, elle reste d'une sombre actualité.



Un terrible virus extrêmement contagieux venu de Chine, une sorte de lèpre, s'abat sur l'humanité. Il touche uniquement les personnes âgées de plus de quarante-cinq ans. Les plus éminents spécialistes représentés par le pédant Pr Sigélius échouent à trouver un traitement. Alors ils se contentent de donner de la morphine à ceux qui peuvent la payer. Et ils scrutent anxieusement dans leur miroir l'apparition des premiers symptômes. Pourtant le Dr Galén, un modeste médecin généraliste qui soigne les indigents a trouvé le remède miracle. Mais, il refuse de révéler son contenu au Conseiller d'Etat Sigélius à moins que toutes les nations ne s'engagent à signer un pacte de paix éternelle. Or l'État est sur le pied de guerre et la foule galvanisée s'apprête à suivre son Maréchal, ivre de puissance et de gloire...



J'ai écouté l' adaptation de cette pièce en podcast. Je vous recommande chaudement ce feuilleton radiophonique en 4 épisodes de 28mn.

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-la-maladie-blanche-de-karel-capek
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La vie et l'oeuvre du compositeur Foltyn

La signature des accords de Munich (29-30 septembre 1938) est un choc terrible pour Karel Čapek. Malade, épuisé, harcelé par les pro-nazis mais refusant l'exil, il se réfugie dans l'écriture de la Vie et l'oeuvre du compositeur Foltýn, une biographie fictive. Il meurt d'une pneumonie le 25 décembre 1938 avant d'avoir pu terminer son roman. Les dernières pages ont été complétées par son épouse Olga d'après ses notes et leurs conversations. le livre est publié en 1939. Il fait réfléchir sur la vérité et le mensonge dans la vie et dans l'art, sans jamais ennuyer.



Qui était Bedrich Foltyn ? Un génie incompris ? Un poseur vantard ? Un malade mental ? Un escroc ? Un merveilleux imbécile ?

Cette biographie fictive posthume est construite chapitre après chapitre, comme une instruction judiciaire. Sont appelés à témoigner tous ceux qui l'ont connu.

Dès le premier chapitre, constitué du témoignage d'un ancien camarade de lycée, devenu juge et qui refuse de le juger, on comprend que Béda Folten (nom qu'il s'est choisi) voulait de toutes ses forces être reconnu comme un artiste. Il est très timide, s'effondre quand il lui faut réciter quelque chose en public et en même temps il prend la pose de l' artiste romantique avec ses longs cheveux blonds flottant sur ses frêles épaules et ajuste un lorgnon, pour se distinguer du troupeau. Il s'imagine alors sous les traits du dieu Dionysos et son camarade, un rustaud qui écrit des vers, sous ceux d'Apollon. Et ils parcourent la ville «  pour entrevoir, le cœur battant, par une fissure de la porte, la lueur rouge de l'antre de Vénus ». Tout au long de sa vie, Foltyn restera obsédé par l'idée d'être le compositeur d' un opéra, musique et livret, avec le personnage biblique de Judith, la femme fatale, comme héroïne. Et il fera tout pour y arriver. Le récit tragi-comique est truffé d'allusions à un romantisme échevelé wagnérien, plein de nymphes farouches et de ménades déchainées.

Les neuf narrateurs ont tous une opinion. Elles se recoupent, divergent et complexifient la propre opinion du lecteur. On s'amuse beaucoup car chacun des témoins à son petit caractère, sa façon de parler, de se comporter. Et chacun a son point de vue sur l'art et les artistes. Les témoignages sont parfaitement réalistes avec des détails savoureux et une légère ironie. le point de vue de Čapek lui-même est introduit tel le cheval de Troie dans un des neuf témoignages.



A la fin les mots d'Olga Scheinpflugová, la veuve de Čapek, sont inestimables. Derrière son texte, apparaît un homme qui parle de ses personnages comme s'il s'agissait d'êtres vivants « avec des yeux brûlants et avec cette expression particulière qui embellissait son visage dès qu'il parlait de l'art. ».
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La guerre des salamandres

Il y a un sentiment d'injustice à constater l'oubli dans lequel est tombé ce roman. On pourrait d'ailleurs en dire autant d'autres textes de la même veine et de la même époque, à commencer par les livres de Jacques Spitz. C'était à l'époque où la science-fiction ou le fantastique n'étaient pas encore constitués en tant que genres littéraires, et moins encore en tant que ghettos. De la production européenne de l'époque, il ne subsiste plus grand chose dans la mémoire collective, hormis peut-être Barjavel quelques années plus tard. C'est ainsi que pour le grand public, le nom de Capek est tout juste cité à propos de l'invention du terme « robot », dans sa pièce de théâtre R.U.R, écrite en 1920.

La Guerre des Salamandres, pourtant, mérite encore amplement d'être lue aujourd'hui : dystopie à la fois loufoque et grinçante, le livre raconte la découverte d'une espèce intelligente de grandes salamandres marines, quelque part au large de Sumatra. le début fait croire à un récit d'aventures au ton léger et distancié. Mais on comprend vite qu'on ne tient là que la plus petite des poupées-gigogne du roman, dont la structure se modifie bientôt en s'élargissant progressivement, l'auteur n'ayant de cesse de déjouer les attentes de son lecteur. Les hommes apprivoisent tout d'abord les salamandres, trouvent bientôt très utile d'en faire une main d'oeuvre sous-marine corvéable à merci, et les exploitent sans vergogne en proclamant leur supposée infériorité. Puis ils comprennent l'étendue de leur erreur, mais il est alors trop tard pour revenir en arrière... Certains chapitres, qui pastichent le ton de l'étude scientifique, du reportage journalistique ou de l'analyse diplomatique sont franchement désopilants. Au terme d'un livre toujours surprenant, le final est si inattendu que l'on se demande s'il relève de la pirouette d'un auteur qui veut arriver au bout de son livre, ou bien si ce n'est pas la conclusion la plus habilement dérangeante qui soit.

Au bout du compte, voilà un livre qui est bien de son époque et qui n'a pas tant vieilli que cela : dénonciation du capitalisme à courte-vue et de la crédulité des peuples, mais aussi des égoïsmes nationalistes, tout cela avec un spectre inquiétant en toile de fond : car cet empire des salamandres, où l'individu n'est que la simple composante de masses soumises à une autorité unique, qu'est-ce donc sinon la transposition grotesque des ordres totalitaires qui s'affirment alors en Europe ? La Guerre des salamandres en 1936, tout comme La Guerre des mouches de Jacques Spitz, deux ans plus tard, sont en somme des livres qui témoignaient à leur façon et avec une imagination débridée d'une angoisse alors très répandue  : l'imminence de la fin d'un monde.
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R.U.R. : Rossum's Universal Robots

Connaissez-vous celle là ?



C'est l'écrivain Karel Capek qui va voir son frère Josef dans son atelier...

- Dis, Jojo, j'ai une bonne idée pour une pièce de théâtre...

- Eh bien, écris la ! grommelle Josef; parce que quand on est en train de peindre, on n'aime pas être dérangé.

- Oui, mais je cale pour trouver un nom pour ces bonhommes artificiels, tu sais... je pensais d'appeler ça un "labor", mais ça me paraît un peu trop littéraire... enfin, j'en sais rien !

- Alors, appelle ça un "robot" ! grogne Jojo à travers le pinceau coincé entre ses lèvres. - Et fiche moi la paix, maintenant !



Voici, paraît-il, comment le mot "robot" (qui vient de "robota", ces travaux forcés du 17ème, quand le peuple tchèque était sous le joug de son maître austro-hongrois) a vu le jour.

La pièce "R.U.R" (Rossum's Universal Robots) a été jouée pour la première fois en 1921; pour être reprise avec succès par BBC pendant l'année critique de 1938 qui a vu la signature des accords de Munich.

Une pièce dramatique qui s'inscrit dans la lignée de la philo-SF de Capek, avec "Krakatite", "La guerre des salamandres" ou "La fabrique d'absolu".



L'histoire est simple - une usine qui gagne des millions en fabriquant les robots qui soulagent les hommes dans leur tâches quotidiennes. À tel point que l'humanité devient oisive et désoeuvrée - et elle utilise cette intelligence artificielle pour se faire la guerre. Mais, peu à peu, les robots se mettent à penser, eux aussi, tout en adoptant les sentiments typiquement humains, y compris la vanité, l'orgueil et la soif du pouvoir.

Et l'invention se retourne contre son créateur...



Je ne vous révèle pas la fin, je vais me contenter de dire que cette pièce-avertissement n'exprime pas seulement les craintes pour l'humanité d'être happée par une quelconque "machinerie" (technologie, guerre), mais montre aussi l'espoir et la foi inébranlable en l'esprit et l'intelligence de l'homme.

Pour l'instant, ce n'est pas encore le cas...

Mais si, un jour, les machines font tout à notre place, nos cerveaux ne vont-ils pas se rouiller au point de ne plus être capables d'une moindre déduction, analyse ou synthèse par nous mêmes ? Faute de n'avoir rien d'autre à faire, n'allons nous pas faire n'importe quoi ?

Mais non... nous sommes suffisamment raisonnables !



Capek a toujours fait partie de mes écrivains préférés. Son style est tellement simple; un peu comme un gentil grand-père qui vous raconte des histoires. Mais avec quelle richesse du vocabulaire et quel humour philosophique !





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La guerre des salamandres

Cela débute comme un récit d'aventure avec son capitaine fort en gueule et en jurons (même malais). Jon Van Toch, entre deux bordées d'injures maritimes, trois éclats de rire du lecteur, va découvrir ses tapa-boys, genre de salamandres hybrides et bipèdes, capables d'apprendre à parler, de pécher des perles et de servir de nourriture aux requins du secteur. En échange de couteaux pour occire le squale vorace et ouvrir les huitres, le tapa-boy pacifique va ramasser les perles pour le compte du Hollandais. L'association est aussi improbable que fructueuse.



Comme la salamandre a du castor en elle, le capitaine peut s'associer à son tour à un riche industriel afin de maçonner les côtes sous-marines. L'exportation de l'espèce insolite et son exploitation éhontée va démarrer et s'amplifier. Le ton va se modifier. Ce que ne manque pas de nous annoncer Capek par la bouche d'un des personnages: "Nous remplaçons le roman d'aventures de la pêche des perles par l'hymne au travail". Exit Jack London. Place à la satire politico-journalistique, scientifico-capitaliste. Et j'en passe.



C'est sous la forme d'une encyclopédie débridée où les notes foisonnent (autant que les salamandres le long de toutes les côtes des cinq continents) que Capek mouline notre société humaine avec une maestria qu'il convient de saluer. La bestiole pullule, Capek exulte. La salamandre s'arme, Capek fourbit sa plume. Fantasque et lucide, loufoque et crédible, la fable gonfle dans un troisième temps sous le couvert d'une science-fiction orwellienne mais creusant plus loin, plus profond (les fonds sous-marins aidant). La salamandre a besoin d'espace vital. Elle menace. Elle exécute.



Après avoir exécuté le roman conventionnel, multiplié les personnages qui vont et viennent, les points de vue, les sources, Capek, l'antitotalitaire Tchèque, finit par discuter avec lui-même. Le conte philosophique, visionnaire, peut s'achever. Ecrit en 1936, il ne cesse de se régénérer comme la queue de ses salamandres.

Etonnamment perspicace quant au devenir de l'Europe quelques années plus tard, jouissif dans la peinture des nations, la guerre des salamandres anticipe également les problèmes écologiques. "Pourquoi la nature devrait-elle corriger les erreurs que les hommes ont commises?" interroge Capek.



Etait-il trop aquatique pour sombrer ainsi dans les tréfonds de l'édition? Ou trop tchèque? Pas assez grave? A présent qu'il est remonté à la surface, souhaitons-lui une insubmersibilité tout salamandrienne.

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La maladie blanche

En 1937, l’écrivain tchèque Karel Čapek imagine qu’un virus venu de Chine se répand à une vitesse extraordinaire et décime les plus de quarante ans. Un simple médecin généraliste, le professeur Galén, prétend avoir découvert le remède pour soigner cette « maladie blanche », mais il refuse de communiquer ses résultats tant que « tous les souverains et chefs d'État de la planète » ne renoncerons pas « à tout acte de violence et de guerre ». Il refuse de soigner les riches et les puissants et se consacre aux indigents tant que les dirigeants n’aurons pas signé « un pacte de paix éternelle ».

(...)

Outre la troublante sensation de similitude, les questionnements soulevés par Karel Čapek avec cette pièce de théâtre n’ont pas pris une ride : des contradictions à offrir les vaccins au service de l’humanité dans un monde guidé par le seul profit, de la montée des nationalismes et des mesures liberticides en temps de crise, du fleurissement des théories farfelues sur le terreau de l'ignorance (encore pour le profit !), etc. Encore une fois, la réalité rejoint la fiction.



Compte rendu de lecture complet sur le blog :
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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La guerre des salamandres

Cela fait longtemps que « R.U.R », la pièce à l’origine du mot robot dans son sens aujourd’hui universel, est dans la liste des œuvres littéraires que je veux absolument découvrir. Je n’ai pas encore eu l’occasion de la lire mais du coup le nom de Capek ne m’était pas inconnu. Alors quand, dans un vide-grenier, je suis tombée sur cette « guerre des salamandres » du même Karel Capek je me suis empressée de l’acheter. Il serait vraiment dommage de ne voir en Capek que l’auteur à l’origine du mot robot. La lecture de « la guerre des salamandres » m’a permis de découvrir un auteur vraiment très intéressant et dont l’œuvre entière semble mériter d’être découverte.



Quel curieux roman que cette « guerre des salamandres » ! Je ne savais rien du roman avant de le commencer, ce qui fait que la surprise a été totale. Il s’agit d’une lecture vraiment déroutante. En s’attaquant au récit de Capek, il ne faut pas s’attendre à un roman dystopique dans la lignée de « 1984 ». Peut-on même parler de roman ? Le récit se rapproche davantage d’une fable satirique. Il n’y a pas, comme dans un roman, de héros auquel le lecteur pourra véritablement se raccrocher. Même si la première partie du livre ressemble à un roman d’aventure exotique, le lecteur est vite dérouté par le fait que Capek délaisse assez vite le personnage du capitaine Van Toch pour narrer la rencontre entre les salamandres et des personnalités du milieu d’Hollywood. Mais Capek ne va pas s’attarder sur le producteur et la starlette et va s’intéresser au destin d’une salamandre savante. Après un interlude aux allures de publication scientifique, la 2ème partie consiste principalement à une succession d’extraits d’articles de journaux. De la même façon, la 3ème partie multiplie les angles de vue. Le schéma narratif n’est pas celui d’une fiction classique. La volonté de Capek est de proposer la forme la plus adaptée à son propos, ce qu’il réussit pleinement selon moi. Le propos est d’ailleurs riche et pertinent. Les thèmes abordés et les questionnements soulevés sont nombreux et stimulants.

Le style de Capek est terriblement efficace. Il fait souvent preuve d’un ton mordant et d’un humour acide qui renforcent l’impact de son propos. Tout y passe, la vacuité du monde du spectacle, la vanité des scientifiques, le nationalisme, le bellicisme, l’exploitation capitaliste, et j’en passe… C’est en fait la bêtise humaine que Capek pointe du doigt. Il n’est guère étonnant que les nazis l’aient considéré comme devant être le premier écrivain tchèque à mourir. Comme un ultime pied de nez à la laideur de l’humanité, Capek n’a pas laissé le temps aux nazis de le tuer, il s’est éteint avant son arrestation programmée.



Si ce livre n’est pas de ceux qui suscitent des émotions, il stimule l’intellect, pousse à la réflexion et s’avère brillant dans sa peinture des travers de l’humanité. Capek est incontestablement un grand auteur dont j’ai envie de découvrir l’ensemble de l’œuvre.

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La guerre des salamandres

« La guerre des salamandres » témoigne de l’esprit visionnaire de Karel Capek (1890-1938), qui a écrit ce roman dystopique en 1935, trois ans avant le premier viol de la Tchécoslovaquie et trente-trois ans avant le second !

Au même moment, en 1935, « La Guerre des Mondes », de Wells, était publiée depuis déjà longtemps, et Fritz Lang avait tourné « Métropolis ». Georges Orwell n’avait pas encore écrit « Animal Farm » (le détonateur de la guerre d’Espagne ne devant fonctionner qu’un an plus tard).

Karel Capek, lui, avait déjà écrit 48 livres.

« La guerre des salamandres » a été proposé au Prix Nobel de Littérature, sept fois jusqu’en 1938, mais n’a jamais été récompensé, certainement à cause de sa critique trop farouche du national-socialisme.



« La Guerre des Salamandres » est un texte à l’ambiance fantasmagorique, à la lisière de Jules Verne et de la science-fiction. Ce roman dénonce la quête du progrès sans limites dans laquelle l’homme est prêt à sacrifier sa vie et vendre son âme.



Ce roman dystopique raconte tout d’abord la découverte, dans l’Océan Pacifique, de créatures semblables aux salamandres par le capitaine Van Toch, un marin de la trempe du capitaine Haddock ! Van Toch établit un système d’échange, qui consiste à fournir aux salamandres des couteaux pour tuer les requins qui les déciment. En contrepartie, les salamandres récoltent des perles et les remettent au capitaine Van Toch. Celui-ci invite par la suite une riche connaissance, G. H. Bondy, à investir dans le transport des salamandres entre différentes îles, pour récolter encore plus de perles.

Après la mort de Van Toch, la compagnie de Bondy abandonne le marché des perles pour vendre les salamandres comme main d’œuvre. C’est ce que détaille la 2e partie du roman, conçue comme un genre de revue de presse d’articles parus dans le monde entier à propos des salamandres et présentant ces animaux d’un point de vue scientifique, commercial et éthique.



Ces salamandres sont des êtres paisibles et travailleurs. Elles ont beaucoup de savoir-faire, pour bâtir des digues, pour créer de nouveaux continents et Atlantides… mais elles sont surexploitées et asservies par les hommes. Après avoir traité les Salamandres en animaux de cirque, les hommes leur inoculent leurs poisons les plus violents : le nationalisme, l’expansionnisme, le goût des explosifs, et plus grave encore, la croyance aveugle en certaines idéologies.



Mais les salamandres sont intelligentes. Sous les effets pernicieux de la pensée de Karl Marx et des droits qu’on a accordé aux ouvriers, après avoir réussi à se fédérer et à se syndiquer, elles finissent par se révolter, jusqu’à réclamer plus d’espace vital ; c’est ainsi qu’à la fin du livre, elles se mettent à faire sauter la périphérie des continents pour coloniser les nouvelles régions précontinentales ainsi créées. Emportées par leur élan, en grignotant peu à peu l’habitat terrestre, les salamandres découvriront à leur tour l’impérialisme et le nationalisme !

Les humains vont être encouragés à céder eux-mêmes leurs terres, à la demande de Chief Salamandre. Mais ils refusent, ce qui déclenche finalement « la guerre des salamandres », dont différents incidents et batailles sont relatés dans la 3e partie du livre.

Les humains en sortent toujours perdants, et le livre se termine sur un bouleversement complet de l’ordre mondial et sur une vision apocalyptique du monde.

Il y a un témoin de toute cette histoire, du début à la fin.

C’est M. Povondra, le majordome de G.H. Bondy. C’est Capek. Il se décrit lui-même, il analyse sa propre persévérance, sa manie de collectionneur. Avec son fils Frantik, il voit venir la fin d’un monde en pêchant le goujon. Il faut bien lire la pirouette finale !



Dans l’esprit de Karel Capek, les salamandres étaient les Tchèques. Mais elles pourraient aussi bien représenter tous les peuples qu’on veut utiliser comme pions dans la grande politique, et qui un jour finiront par se révolter. Avec ce roman, Karel Capek prévoyait déjà les jours sinistres où les robots à croix gammée marcheraient dans les rues de Prague. (C’est Capek qui a inventé, en 1920, le mot « robot » qui veut dire en tchèque « travailleur » -dans sa célèbre pièce « R.U.R. » = Rossum’s Universal Robots, où il décrivait la révolte des robots.)

Karel Capek a été l’objet, la cible, de rafles intellectuelles.

A chaque fois, il s’est échappé avant que le cercle ne se referme. Lorsque les Allemands occupèrent Prague en 1939, le premier Tchèque qu’ils recherchèrent pour l’emmener en camp de concentration, c’était Karel Capek. Il était déjà mort, mais les Allemands arrêtèrent son frère et le tuèrent. Son exécution servirait de compensation car le nom des Capek était pour eux un symbole de la liberté.



Karel Capek a expliqué comment lui est venue l’idée de l’écriture de « La guerre des salamandres ».

Ses réflexions l’ont amené à prendre en compte à la fois la situation mondiale de l’époque, déplorable sur le plan économique et pire encore sur le plan politique, et aussi à penser que dans des conditions biologiques favorables, une civilisation, non moins élevée que la nôtre, aurait pu se développer par exemple dans les profondeurs marines.

Les salamandres sont donc un prétexte pour parler des affaires humaines.



Il y a dans ce livre une grande diversité de formes littéraires : la forme journalistique, des pamphlets, une scène du quotidien… et il y a même un dessin représentant la salamandre fossile Andrias scheuchzeri. Cette œuvre fourmille de thèmes : réflexion sur le nationalisme, sur le nazisme, sur le totalitarisme, le racisme, l’appât du gain, le capitalisme, la mondialisation économique, sur le monde de la presse, sur le milieu scientifique, sur la langue… et aussi l’écologie, le thème le plus prémonitoire, qui est étonnant pour l’époque de Capek, mais qui aujourd’hui est un thème explosif : quand on exploite à mort la nature, cela fait un effet boomerang et cela nous retombe sur le nez !

Tout cela parle de la finitude de la Terre, et conscientise sur l’avenir de la planète.



Si le message de Capek, déjà alarmiste en 1936, est encore plus pressant en 2021, le ton de l’œuvre est loin d’être grave. Son discours est plein d’ironie. Il choisit par exemple de rendre les rapports de faux congrès scientifiques et les déclarations politiques extrêmement amusantes et très probables du roman, par des interventions régulières de journalistes, qui invitent des personnalités politiques ou scientifiques pour parler de la problématique des salamandres avec des mots savants, presque clownesques !



Le message que Karel Capek, profondément humaniste, a voulu faire passer en écrivant ce roman est clair : les totalitarismes sont toujours aux aguets du populisme, et la solution c’est la question de l’intérêt général, du discernement et de la non-exploitation de l’homme par l’homme.

Si en 1936, K. Capek n’a pas de vision absolue des camps de concentration, il sait très bien qu’un pouvoir totalitaire est en train d’arriver, que cela est toujours basé sur la famine, la misère, l’exclusion, le rejet de l’autre, le pouvoir qui se nourrit du subalterne et l’affaiblissement de certains au profit de ceux qui détiennent le pouvoir.



Ce livre présente aussi des aspects scientifiques intéressants. Il s’avère que les salamandres ont des similitudes avec les humains, et dans un article de journal scientifique, elles furent appelées Homo-sauriens.

En effet, une molécule, la MicroARN, est commune aux salamandres et aux humains.

Grâce à elle, la régénération des membres est rendue possible. Elle aide à réguler la réparation de tissus articulaires. (Pas étonnant que l’œuvre de Capek soit parsemée de références médicales, car son père était médecin…)



En dépit de l’ancrage géopolitique du roman dans l’époque à laquelle il a été écrit, celle précédant la 2e guerre mondiale, le message de Karel Capek est donc toujours d’actualité. La Guerre des Salamandres n’est pas un roman moralisateur. Jamais il n’est écrit ou suggéré : « voilà ce qui vous attend », mais on en sort en hurlant de rire, avec, toutefois, les yeux hors de la tête !

C’est un roman où le fantastique, la fantaisie et l’humour côtoient l’horreur et l’actualité politique.

Il est aussi drôle que perturbant.



Capek, c’est un peu Montaigne en Bohème. C’est un écrivain qui sent le soufre, parce qu’il a introduit le doute et la dérision dans la pensée philosophique. En quelque sorte, on peut dire que ce roman est un conte philosophique entre science-fiction et politique-fiction.

Cette histoire de prise de pouvoir totalitaire par des salamandres marines géantes a déjà presque un siècle, mais elle est loin d’être démodée, et sa notoriété a dépassé les frontières !

Ce livre est un vrai chef d’œuvre dont je ne peux que recommander la lecture !

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L'Année du jardinier

En regardant les jardins de mes voisins et amis Babélio, nombreux à avoir écrit sur ce livre, me vient plutôt l'envie de partir seul en forêt.

Vous avez apparemment tous beaucoup apprécié ce livre, d'un auteur important et singulier, je me sens donc bien sale à l'idée d'écrire mon désaccord...

C'est un bien bel objet (aux éditions de l'Aube, les couvertures des deux éditions 10/18 m'auraient fait reposer le livre malgré l'auteur... Il faudrait faire relire le passage sur les légumes à leurs illustrateurs...), les dessins de son frère sont parfois très jolies, le ton y est plutôt humoristique et léger, mais...

Passons d'abord l'aspect technique (même si je n'ai jamais pris ce livre, contrairement à d'autres, pour un réel traité de jardinage), qui au regard des connaissances actuelles (sur la vie des sols par exemple) semble vieillot... Il est en outre le cul entre deux fosses, de la badinerie à la jargonnerie sans transitions. Douces moqueries aux vains parfums; on ne saurait y reconnaitre un bon conseil...

Donc comment le prendre ? Je ne pense pas qu'il ait voulu en faire une critique des valeurs de la bourgeoisie... Ou bien si ?

J'en garde ce goût imprécis, comme cette appellation persistante de "mauvaises herbes", et vous renvoie par exemple vers le regretté Gilbert Cardon des Fraternités Ouvrières, avec un remarquable documentaire disponible ici : https://vimeo.com/127024480
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L'Année du jardinier

Avec le beau temps et l'été qui a débuté il y a quelques jours, je ne suis dit qu'il était temps de débuter la lecture de "l'année du jardinier".

Je dois dire tout d'abord que j'adore cette (nouvelle) couverture choisie par 10/18.

Mon papa est un fou de jardin et déjà toute petite je le suivais dans le jardin. Je pense qu'il est aussi accro que l'auteur lui même, implorant pour avoir de la pluie ou un peu plus de soleil, passant l'hiver a s'ennuyer en attendant les beaux jours et l'été a vouloir vite rentrer de vacances pour retrouver le jardin. Bref, j'ai souvent souri car j'avais l'impression que ce livre avait été écrit par ou pour lui.



Je dois dire qu'il m'a transmit un peu de cette passion, je dis bien un peu car j'aime jardiner, je trouve que ça me détends mais je ne suis pas aussi assidue. Enfin pour le moment je n'ai qu'une petite terrasse mais j'attends avec impatience d'avoir mon jardin.



Le livre m'a vraiment plu, l'auteur est drôle, voila par exemple un extrait ou ils parlent des femmes ou plutôt des fleurs :



"Voyez-vous, les fleurs sont comme les femmes ; lorsqu'elles sont belles et fraiches, on y laisserait ses yeux, on ne se rassasie jamais de leur beauté, il y a toujours quelque chose qui échappe, mon Dieu, car toute beauté est en quelque sorte impossible a embrasser ; mais des qu'elles commencent a se flétrir, je ne sais pas, mais on dirait qu'elles se mettent a se négliger (je parle des fleurs) et si je voulais être méchant, je dirais qu'elles ont de fort mauvaises façons. Quel dommage, ma charmante beauté (c'est des fleurs que je parle), quel dommage que le temps coule ! La beauté passe ; seul, le jardinier demeure."



Il nous parle a merveille de sa passion, pour moi novice j'ai trouvé certains détails un peu compliqué car comme il le dit si bien on devient jardinier avec l'expérience.... Je pense que je relirais ce livre dans quelques années quand j'aurais l'expérience et alors la, je pourrais encore plus l'apprécier!
Lien : http://missmolko1.blogspot.i..
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La Mort d'Archimède

Capek imagine cette joute oratoire. : Archimède et un soldat romain qui essaie de le convaincre de laisser Syracuse et de travailler pour l'ennemi. Texte très court (5 pages), arguments imparables.
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L'Année du jardinier

Ma lecture de « la guerre des salamandres » avait été si enthousiasmante que je m’étais promis de lire d’autres œuvres de Karel Capek. Lorsque je suis tombée sur ce bouquin en occasion, je me suis dit « chouette, un Capek » puis j’ai lu la 4ème de couverture et mon emballement est retombé. Le sujet ne me tentait pas plus que ça. « L’année du jardinier » est une sorte d’almanach du jardinier, évoquant mois après mois les travaux du jardin. Si j’aime admirer la beauté d’un jardin, si j’aime contempler la grâce des fleurs, je n’ai pas du tout la main verte et je n’aime pas le jardinage. Préparer la terre, semer, arroser, tailler… toutes ces activités ne m’attirent pas et même m’ennuient profondément. Je craignais donc que ce livre me procure le même ennui que l’activité de jardinage. Mais c’était sans compter sur le talent de Karel Capek.



« L’année du jardinier » ne m’a pas passionnée mais ne m’a pas ennuyée non plus. L’ouvrage bénéficie du ton si particulier de Capek. A la fois drôle et poétique, « l’année du jardinier » propose une peinture sympathique de la passion du jardinage. Le tout est agrémenté des dessins de Josef, frère de Karel, dont le trait simple et tout en rondeurs est très agréable à l’œil.



Je préfère nettement lorsque Capek met son talent d’écrivain et son humour au service d’un propos plus politique mais j’avoue avoir pris plaisir à cette lecture anodine. Ce qui me conforte dans l’idée de poursuivre ma découverte de cet auteur si singulier.



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La guerre des salamandres

Un navigateur découvre une espèce de salamandres marines et intelligentes sur la côte d'une île du pacifique. Il va les en tirer parti pour la pêche aux perles et va les aider à se développer. On ne va pas s'attacher à un personnage en particulier, le récit raconte l'expansion de ses animaux, comme un rapport d'Histoire, mais ce qu'il faut surtout retenir de ce roman, c'est sa critique de la nature humaine. Karel Capek est très pessimiste sur cette nature humaine, ce livre est écrit dans les années 30 et publié en 1936, et il est vrai qu'à l'époque,elle n'est vraiment pas reluisante. C'est une sorte de conte philosophique, Karel Capek brocarde tous les travers de la société, dans tous les domaines : opportunisme à court terme du capitalisme, nationalisme destructeur, dérives sectaires, racisme, polémiques scientifiques futiles, médias, show bizz… C'est en lien avec les années 30, mais son propos n'a pas vraiment vieilli et son actualité est assez effrayante. Certains passages sont très drôles, le livre est monté comme un dossier, avec ajouts d'extraits de presse, des faits se suivent sans véritablement de liens entre eux, mais l'ensemble forme un tout très cohérent, c'est une fiction sur le thème “L'humanité disparaîtra, bon débarras”, d'un humour grinçant, détaché, et d'une terrible lucidité. Ce n'est que très récemment que j'ai entendu parler de cet auteur, il a été proposé pour le prix Nobel mais ne l'a jamais obtenu, La guerre des salamandres possède la dimension d'un classique, pertinent, drôle, indémodable, ça vaut le coup d'aller le découvrir.
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Lettres d'Italie

Je passe après lanard et LaSalamandreNumérique, qui ont à peu près tout dit sur ces Lettres d'Italie, et me voilà bien embêtée, d'autant que :

1) Je n'avais encore jamais lu Čapek de ma vie, malgré les tas de promesses que je me suis faites durant ces dernières années

2) Je ne suis jamais allée en Italie. Enfin, c'est pas tout à fait exact. Je suis allée vers l'âge de 12 ans dans une petite ville-frontière des Alpes italiennes le temps d'un après-midi, que j'ai passé à manger des glaces italiennes (une découverte marquante ; quand je pense qu'on nous fait passer pour des glaces italiennes ces cochonneries tortillonnées... Mais passons.) le seul autre souvenir que j'en ai, c'est qu'il y avait à côté du marchand de glaces un imposant bâtiment qui m'avait paru très laid et qui abritait une banque, et aussi que la ville était moche.





Tout ça pour dire que je ne partais pas avec tous les atouts en poche pour apprécier à sa juste valeur ces lettres que Čapek a adressées en 1923 au journal Lidove noviny pendant la durée de son voyage en Italie ; l'idée de départ, pour moi, c'était d'apprendre un peu à connaître Čapek.





Alors, est-il nécessaire de connaître Čapek et l'Italie pour lire ce feuilleton journalistique publié plus tard en recueil ? Pour ce qui est de l'auteur, je ne suis pas certaine que ça change grand-chose. Pour ce qui est du pays, c'est certainement beaucoup plus plaisant si l'on retrouve, à travers ce voyage, des villes, des oeuvres d'art, des paysages que l'on a soi-même vus sur place. Je suis forcément passée à côté de tout ce qui relève des réminiscences et de la nostalgie. Ce qui m'a permis en revanche de compenser mes lacunes, c'est mon intérêt pour l'histoire de l'art. C'est tout de même plus sympa de savoir qui sont les peintres auxquels se réfèrent Čapek ; le livre est bien annoté, mais j'imagine que c'est un calvaire que d'aller regarder les notes à chaque fois qu'un artiste est mentionné.





Toujours est-il que l'intérêt principal que j'ai trouvé à ces Lettres d'Italie, c'est l'humour de l'auteur et le décalage qu'il y instille sciemment avec les sempiternels discours des touristes et de leurs guides (le fameux Baedeker est d'ailleurs pris à parti) de 1923 - et d'aujourd'hui. Naples, c'est de l'arnaque. Venise, ouais, bof. Les ruines antiques, ouais, bof. Et le baroque, quelle horreur !!! Čapek utilise le terme à foison : baroque par-ci, baroque par-là, ceci est baroque, cela aussi. Il n'a aucune considération pour le baroque tel que défini par l'histoire de l'art. Est baroque ce qui est déplaisant, lourd, chargé, énervant. Tout ce qui est baroque n'est pas à jeter, mais il y a baroque et baroque, et souvent le baroque déplaisant se fait plus insistant que l'autre. de même, il existe pour Čapek un gothique beau et sobre, et un "gothique courroucé" (dans la traduction française), et ainsi de suite. La Renaissance en prend aussi pour son grade. Et puis il y a Giotto, qui est le plus grand de tous, mais finalement Čapek lui préfère Cimabue, mais non c'est Giotto qui dépasse tout le monde, sauf que Mantegna est le préféré de Čapek, et en fait non, on en revient à Giotto.





Et puis encore, il y a ces petits moments qui feront de toute façon écho chez tout un chacun : ce peut être les descriptions de petites scènes ordinaires, les images des rues encombrées, du linge étendu. Pour moi, ça été surtout deux choses. La consternation de Čapek voyant les palais transformés en banques, banques qui pullulent un peu partout selon lui - Ah ! Ah ! Ah !!! Mais c'est la description de ma ville, ça, et de toutes les villes françaises d'aujourd'hui ! Et l'évocation du mélange d'odeurs de fleurs, de poisson pourri, de fromage, de linge mouillé, de langes d'enfants, de crottin, de légumes pourris et d'huile rance - entre autres parfums - à Monreale. Et Čapek de conclure le chapitre sur Monreale ainsi : "Les beautés et les étrangetés du monde sont inexplicables".







Masse critique Littératures
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Contes d'une poche et d'une autre poche

C'est un recueil de nouvelles, assez courtes, le livre en comprend 48. Elles relèvent, si on veut les rentrer dans une case, du genre policier : il y a des crimes, des vols, des disparitions. Mais on est plutôt dans une sorte de réappropriation du genre, Capek fait avant tout du Capek.



Ce qui l'intéresse, ce sont les gens, ce qu'il y a derrière les faits divers. Il ne faut pas pour autant s'imaginer que ce sont des récits réalistes, dans le sens habituel du mot. C'est malicieux, décalé, frôlant l'absurde, plein d'ironie et de second degré. Des sortes de paraboles, qui pourraient sembler joyeuses, drôles tout au moins, mais qui derrière cette façade légère, dissimulent des souffrances, des manques, des insatisfactions quotidiennes, produites par la manière dont fonctionne la société (l'histoire de l'intendant amoureux de la postière qui n'a aucune chance d'obtenir sa mutation ce qui empêche le couple de vivre leur amour par exemple) ou tout simplement des failles de la nature humaine, toujours la même, quelle que soit l'époque ou l'endroit. Et Capek observe, analyse, dissèque, avec intelligence et finesse, mais aussi avec une grande empathie. Car c'est un grand humaniste avant tout, certes toujours à l'affût des petitesses et défauts, qu'il peint de manière amusante, drolatique, mais qui malgré tout garde une sorte de foi viscérale dans l'homme, malgré toutes ses imperfections.



C'est jubilatoire, et beaucoup plus profond qu'une lecture superficielle ne le laisserait apparaître. Le genre de petit livre que l'on peut relire avec un plaisir toujours renouvelé, pour passer un bon moment et pour réfléchir.
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L'Année du jardinier

Un petit régal de lecture, reposant, drôle, gentil et profondément humain. Ce livre parle tout simplement d'une année d'un amoureux du jardin, mais on y sent le vécu, l'observation, l'attachement à son petit lopin de terre. J'étais très agréablement surprise par l'excellente qualité de la traduction, car traduire Capek, un écrivain qui avait le vocabulaire immense, usait et abusait d'adjectives et adorait jongler avec les mots n'est pas une mince affaire. C'est peut-être pour ça que je ne trouve pas les livres comme Krakatit ou Les histoires d'une poche en français....
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Ce roman de Dino Buzzati traite de façon suggestive et poignante de la fuite vaine du temps, de l'attente et de l'échec, sur fond d'un vieux fort militaire isolé à la frontière du « Royaume » et de « l'État du Nord ».

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