Citations de Guy Gavriel Kay (336)
-- Dites-le moi. Que doivent faire des hommes d'honneur dans une telle guerre, Ammar ?
-- Se massacrer jusqu'à ce que quelque chose prenne fin en ce monde.
Ser Rezzoni de Sorénica, homme sarcastique, avait enseigné que le fondement d'une pratique de médecin prospère consistait à convaincre les patients de revenir. Les morts, avait-il remarqué, revenaient rarement.
Les saisons tombaient les unes après les autres comme des oiseaux atteints au poitrail par une flèche, rapprochant lentement mais inexorablement de sa conclusion cette vie qui était la sienne, la seule qu'elle aurait jamais.
Sauf que tout était différent, bien entendu. « Comment distinguer le danseur de la danse ? » avait-elle lu quelque part. Ou la rêveuse du rêve, se reprit-elle, en se sentant un peu perdue. Car la réponse était des plus simples.
C’était impossible.
Un silence bien choisi en dit plus long que bien des mots.
La musique, au même titre que les mathématiques et la logique, entraîne le cerveau à la précision, au souci du détail.
En vérité, il était rare que les troubadours chantent leurs propres chansons, l'interprétation musicale étant considérée comme un art moins prestigieux que la composition. C'était la tâche des ménestrels, qui s'accompagnaient de leurs instruments.
- [...] Chaque peuple a ses fanatiques. Ils viennent, se transforment, reviennent sous un autre aspect.
La peur vient de l'incompréhension.
Les femmes ont toujours été plus habiles que les hommes à l'exercice de la subtilité.
La croisée des chemins. La ronde des jours, des saisons et des années. La vie offrait parfois l'amour, souvent le chagrin. Pour qui avait la chance, une amitié sincère. De temps à autre, la guerre éclatait. Chacun faisait ce qu'il pouvait pour modeler sa propre paix avant de se fondre dans la nuit et d'abandonner le monde comme tous les hommes, illustres ou oubliés, ainsi que le permettaient le temps et l'amour.
Nous jouons pour vivre, certes, mais aussi parce que jouer de la musique, c'est vivre.
Un poète de ma connaissance est allé jusqu'à dire que tout ce que les hommes font aujourd'hui, tout ce qui se produit, qu'il s'agisse de gloire, de beauté ou de douleur, ne sert qu'à fournir de la matière aux chansons destinées à ceux qui nous succèderont. Nous vivons nos vies pour qu'elles deviennent leur musique.
Les actes des hommes, des traces dans le désert.
Jehane apprenait à accepter que d'autres pussent l'aimer en dehors de sa mère et de son père, et agir en conséquence. Une autre leçon difficile, bizarrement. Enfant, elle n'était pas belle ni d'un charme particulier ; contrariante, exaspérante, voilà qui était plus près de la vérité. Les gens de cette nature ne découvrent pas dans leur jeunesse comment accepter l'amour d'autrui, se dit-elle ; ils n'ont pas assez l'occasion de s'y exercer.
Le prince venu de l'autre côté de l'eau parut soudain plus confiant ; il se redressa sur le tapis. C'était comme s'il avait seulement eu besoin de leurs questions. Tous ceux de l'Al-Rassan qui étaient venus les trouver au fil des années avaient été de grands discoureurs. Ils ne portaient pas de voile, c'en était peut-être la raison. Poètes, chanteurs, hérauts ‒ les mots coulaient comme de l'eau dans cette contrée ; c'était le silence qui y mettait mal à l'aise.
- Y aura-t-il jamais un temps où être née femme ne sera pas une malédiction ?
Miranda avait parlé sans tourner la tête. Où nous pourrons davantage que nous tenir à l'écart, rester braves et les regarder mourir ? ajouta-t-elle.
Elle se retourna sur sa selle. Aussi loin que portât son regard sous le soleil levant et le ciel inaccessible, l'herbe régnait, d'un vert foncé ou tirant sur le jaune. Haute, elle ondulait sous la brise dans un bruissement qui l'accompagnait depuis que les Bogü l'avaient emmenée. Même dans son palanquin, elle l'entendait en permanance. Le mumure de la steppe. Tournée vers le nord, elle s'emplie les yeux du panorama en se demandant jusqu'où il s'étendait. Si le monde a connu un matin, il ressemblait à celui-là, pensa-t-elle.
Les vents soufflaient l'orage, oui, mais parfois ils balayaient aussi les nuages bas qui obscurcissaient le ciel, et sur une hauteur on pouvait alors jouir du spectacle splendide des levers ou des couchers de soleil, ou encore de ces nuits claires et coupantes, lumineuses, où lune bleue et lune blanche semblaient traverser telles des reines un ciel semé d'étoiles aux configurations étincelantes.
Aucun honnête soldat ne pouvait vraiment dire n’avoir jamais connu la peur.