Cette semaine, la librairie Point Virgule vous propose une sélection de romans destinés à la jeunesse.
- Monstres, Stéphane Servant & Nicolas Zouliamis, éditions Thierry Magnier, 15,80
- Bonaventure et compagnie, Alex Cousseau & Charles Dutertre, éditions du Rouergue, 13
- La maison des mots perdus, Kochka, Flammarion jeunesse, 13
Mon nom est Enoha et si j'écris aujourd'hui c'est pour accompagner Nani, ma petite-fille, car elle va bientôt partir. Pour elle je suis Ipa. C'est comme ça qu'on dit grand-père sur notre île. Elle a huit ans.
Ma Nani,
Tu sais toi qu'il est un peu bizarre ton Ipa, mais tu sais aussi qu'il ne raconte jamais n'importe quoi, et tu sais comme il t'aime !
Je t'ai déjà expliqué que ce qu'on voit ne dit pas toujours la vérité. Par exemple, quand les gens ne sont plus là, on croit qu'ils sont sont morts alors qu'ils sont seulement cachés. Les défunts sont dans nos coeurs et, si on se concentre, on les entend murmurer. Et c'est vrai aussi pour les arbres, les rivières, les montagnes et les fleurs...
Il est très tard quand Lalie lâche le film de Louna [autiste] et me reprend dans ses yeux :
- Tu sais, me dit-elle, c'est terrible d'être différent. Les hurlements c'est sa souffrance. C'est terrible la non-communication.
- Mais qu'est-ce qu'il faut faire, Lalie, quand elle est en colère ?
- Elle n'est jamais en colère, Michka, elle est en détresse. On dirait qu'elle saute dans le vide et c'est comme un suicide. Alors il faut se jeter derrière elle, à corps perdu dans la bataille, et avec des gestes tellement confiants et tellement pleins d'amour, qu'elle ne peut pas ne pas revenir.
« Je veux te parler des mystères parce que le monde en est rempli. Il y a ce qu'on voit et tout ce qu'on ne voit pas... Par exemple, qui sait ce qui se passe à notre insu sous la terre ? Peut-être que, sans rien dire, les arbres mélangent leurs racines ? Peut-être se tiennent-ils tous par en-dessous ? Peut-être qu'en parlant avec un arbre qui se trouve d'un côté de la terre, on peut communiquer avec des arbres qui sont de l'autre côté ? Peut-être que ce qu'on fait à un arbre, on le fait à tous les arbres ? Peut-être que tout se tient... »
"Retiens cette leçon, Tina : c'est quand on croit que les choses nous appartiennent que souvent elles nous échappent. La patience, l'amour et l'humilité doivent s’entretenir tous les jours."
Parce qu’on les a toujours connus d’une certaine façon ou parce que ça nous convient, on croit que les choses et les gens qui nous entourent ne changeront pas. On croit qu’on aura toujours ses parents, que les murs de nos maisons tiendront toujours, et qu’on aura toujours un toit.
C’est un tort. Il y a des moments dans la vie où ce qu’on croyait solide s’effondre. Alors il faut faire son bagage.
"Dans des temps très anciens, jadis, sous le verre de cette lanterne, les ancêtres avaient gravé une courte phrase : La lumière ne vient pas seulement du ciel, alors entretenez-la... Mais, avec le temps, et par ce que les hommes ne l'avaient pas entretenue, cette inscription s'était presque effacée et tout le monde l'avait oubliée..."
"Méfie-toi des combats : s'ils forgent le caractère de l'homme, à force, ils peuvent lui durcir le coeur aussi. Alors, n'oublie pas de chercher aussi l'amour : c'est de lui, au fond, que l'homme tire sa plus grande force. Autre chose : ce n'est par ce que tu as été courageux aujourd'hui que tu le seras demain. Dans la vie, on doit faire ses preuves tous les jours."

Les jours suivants s’égrènent doucement. Les îliens s’installent au mieux dans leurs campements et attendent. Si, pour l’instant, ils sont ensemble, ils savent que ça ne va pas durer. Il n’y a plus de grands espaces qui seraient encore inhabités sur la terre où on pourrait les loger. Ils ne pourront pas rester en communauté. Comme des grains semés au vent, leur peuple sera bientôt éparpillé.
Parfois des gens débarquent au milieu d’eux et les prennent en photo ou les filment avec des caméras.
Parfois un riverain ému par leur sort leur apporte des couvertures et pour les enfants des jouets. Des curieux s’arrêtent aussi pour les regarder.
Certains s’en méfient … Ceux qui n’ont plus rien effraient souvent les mieux lotis. Qui sait, ils pourraient avoir envie de les voler ? Et ce débordement de personnes complètement démunies fait désordre dans la ville. Alors, si les gens du continent conviennent qu’il faut les accueillir, ils ont hâte qu’ils soient partis.
"Te rends-tu compte, poursuit Mohamed, que ça va être difficile et que tu risques de pleurer... Le découragement et la solitude vont souvent t'accompagner...
- Je sais, papa.
- Tu sais aussi, reprend encore Mohamed, que celui qui désire le miel doit supporter la piqûre des abeilles ; ce qu'on veut, il faut le gagner...
Quand on voyage sur la terre et qu'on croise d'autres personnes, en dépit de toutes les différences qui peuvent nous sauter au visage et qui peuvent nous séparer, on doit se dire qu'au fond, nous sommes tous sortis du ventre de la même maman, et que nos corps à tous fonctionnent suivant le même mécanisme.