Plus que d'autres le jeune Spinoza a dû être frappé du fait qu'à plusieurs reprises, en 1644 et 1645, un homme appartenant aux goyim -les paiens- se présenta à la synagogue, un homme du peuple il est vrai, mais un homme sérieux et savant, nettement supérieur à son niveau social; nous voyons comment, armé de la Bible hébraique publiée par Menasseh ben OIsrael lui-même en 1635 à Amsterdam, il cherchait à se faire aider et éclairer là où il rencontrait des difficultés; comment avec une bonne connaissance de l'hébreu, il n'hésitait pas à remettre carrément à leur place aussi bien Menasseh que les autres savants juifs de la synagogue lorsqu'ils essayaient de dévier le sens des paroles d'un texte en faveur de leur propre thèse; comment dans le feu de la discussion, à laquelle participait parfois toute la synagogue, il lui arrivait de tirer posément de sa poche un livre de saint Jean Chrysostome ou de quelque autre Père de l'Eglise pour défendre sa position; comment à plusieurs reprises, alors que tous les autres laissaient ses questions sans réponse, il montra "jusqu'à la plus haute synagogue" et où "rabbi haham Mortere siégeait en présence des aînés de sa jeunesse" et comment Morteira, lui-même mis dans l'embarras par les arguments de cet homme, se débarrassa alors de lui avec des paroles violentes en guise d'arguments. Celui qui s'attendrait ici à voir citer le nom d'un zélateur protestant orthodoxe se tromperait fort: il s'agissait de l'anabaptiste Jan Pietersz, appelé "Le sculpteur", à cause de son métier, qui, n" vers 1603 à Enkhuizen (?) a cherché sa vie durant "la vraie foi". Nous le retrouverons à plusieurs reprises dans l'entourage de Spinoza.