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Citations de Laurent LD Bonnet (16)


Londres, printemps 2003. Un soleil blanc se hissait au dessus du fleuve et morcelait les derniers lambeaux de brume agrippés aux arches de Batterson Bridge. Au loin, sous l'assaut de la lumière, les tours sentinelles de Chelsea Gardening frappaient le ciel, glaives orangés magnifiques qui, le soir à contre-jour, se transformaient en sinistres vigies.
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Un critique littéraire touché en plein coeur sur Terangaweb
2013, à http://terangaweb.com/salone-laurent-bonnet/
Un bon livre est un coup de pierre. Nous sommes touchés de plein fouet. Un bon livre est un coup de feu. Il résonne dans la conscience bien après avoir été tiré. Salone en est un. Un livre à coups et sans à-coups. Un coup de bol sans coups de barre. Un coup de cœur plein de coups durs. Les quatre cents coups des uns contre les mille et un sales coups des autres. Les petits coups de pouce et les grands coups de mains qui font le coup de génie. Et je pèse bien mes mots. Un livre à lire à tout prix car il n’a pas de prix.
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La saveur âcre de l'expresso glissa sous sa langue et le rassura. Il leva la tête, considérant la confusion qui l’entourait : des bouteilles rangées sans logique évidente, des marques de vins inconnus, les petits drapeaux du stade toulousain, une affiche écornée vantant un beaujolais passé, une autre qui l'amusait : Faut garder la pression... Et le ton vieille ambiance suggérée par les lustres art-déco, tout ce désordre, mais juste ce qu'il fallait, pour lui donner soudain l’envie de rester ici un bout de jour, à siroter des cafés, lire le journal jusqu'au dernier article, jusqu'à la dernière annonce, fumer sur le trottoir en bavardant avec Moammar aux pieds gelés, lui acheter un magazine, et se plonger dans une enquête du genre « comment trouver la femme de sa vie », remplir quelques grilles de sudoku en dégustant un steak-frites, discuter avec un voisin de tablée de la parano grippale, noyer le bouquet d'un camembert dans une gorgée de la cuvée maison, parler franchouillard avec Jacques après le service et s’assoupir dans cette caverne pour enfin ne plus penser à rien. « Mince alors, je ferais bien ça ! » Et il partit retrouver sa place habituelle dans l’angle de la véranda. Des rais de pluie fine se précipitaient sur la verrière. Devant lui, derrière la vitre, il observa le vendeur de jeans dérouler son auvent pour couvrir ses porte-cintres. « Allez Antoine tente le coup, tu verras bien. Qu’as-tu à perdre ? Tu t’es fait rembarrer ? Pas vraiment. Non pas vraiment . Tu as été lourd, très lourd. Mais tu vois bien que Léa... Enfin tu le sais bien. C'est elle, forcément. » La vieille femme de la station émergeait en haut de l’escalier, s'accrochant à la rampe, crapahutant en traînant son cabas en cuir fauve, veiné de nombreuses cassures. « Elle a dû se faire virer. » Il la suivit des yeux. Elle marquait une pause, soufflait un peu en posant son sac en équilibre sur un vélo cadenassé à la grille, et semblant se perdre un instant dans la contemplation d’une publicité SNCF apposée au verso du plan des lignes : Prenez le train, le ciel vous le rendra... Puis elle repartit en secouant la tête, clopina vers l’arrêt de bus et disparut.Dans l'écriture de Laurent Bonnet , rien n'est laissé au hasard, les tournures, les virgules, les respirations, la sémantique, et cette fin magnifique, presque philosophique qui fait réfléchir et relativiser.
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Extrait : Elle leva la main, index tendu.
— Vous êtes obligé d’être aussi rationnel ?
— Attendez ! S’il vous plaît ! Ce n’est déjà pas facile.
— Pardon. Continuez.
Elle sourit en se frottant le nez du bout des doigts. Antoine aima ce geste.
— Je disais donc, au cours de circonstances totalement hasardeuses, il arrive que les regards d’un homme et d’une femme se croisent. Parfois ce n’est rien. L’envie d’effleurer, comme ça, pour jouer. Et parfois ils s’accrochent et c’est le désir de rester, d’explorer. Moi je pense que c’est plus que ça. Beaucoup plus. Toujours on lâche, on n’ose pas, on se retient, on passe, après on se bouffe la vie avec une nostalgie médiocre. En fait on est mort de trouille. Mais il faut aller voir plus loin. Jusqu’où ? Mystère.
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Était-ce dû au poids émotionnel ? Ou à l’emphase facile que m’offrait la scène, sorte d’aura majestueuse qui se dégageait de cette équipe au fonctionnement rodé ? Chaque mouvement de ces hommes correspondait à un rôle coordonné au milieu d’une cascade de cris éjectés en desserrant à peine les dents, codes ponctuant chaque étape de la manutention. Tout cela s’accomplissait dans les faisceaux croisés des projecteurs de pont. Les ombres s’allongeaient, enflaient la gestuelle. Plus qu'une livraison de marchandise, c'était une chorégraphie du métier.
Un ordre bref de Larsvic retentit. Tout s’arrêta. La palanquée, trois tonnes au bas mot, oscillait dans l’air, débordant d’environ un mètre au-dessus de l’embarcation en attente, suivant le roulis régulier qui nous obligeait tous à chalouper au même rythme. J’interrogeai Dakira du regard. Il dressa l’index, me faisant signe de patienter. Un des matelots s’approcha du bastingage, balança une échelle de corde, on vit deux mains s’agripper au plat-bord ; un militaire, guinéen imaginai-je, homme d’une trentaine d’années, vêtu d’un treillis de campagne, cheveux ras, béret rouge glissé sous l’épaulette de son grade, se hissa à bord. Il portait un sac de sport sous le bras, le déposa à terre au pied de la coursive supérieure, leva les yeux et salua Larsvic d’une paume rapide pointée sur la tempe. L’autre hocha de la tête, disparut de la passerelle et réapparut un instant plus tard sur le pont. Les deux hommes se serrèrent la main et engagèrent une brève discussion. Le ton monta après qu'ils eurent vérifié le contenu du sac. Larsvic fit signe au militaire de le suivre.
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Salone, nar so !
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Analyse du roman parue dans l'Atelier du roman N° 115 ( Buchet Chastel )
Disponible sous ce lien : https://www.editionslesdefricheurs.art/le-char-et-le-trolley
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Dévastant la fin de siècle puis entamant à présent goulû-ment celui-ci, le grand maelstrom industriel et commercial avait envahi tous les secteurs du livre ; uniformisant, apla-nissant les esprits de pans entiers de la chaîne du métier, plus spécialement celui de la Fiction où j’exerçais tant bien que mal.
Un temps je m’y étais senti protégé, comme sanctuarisé, parce que mon inspiration ne se concrétisait que sur un mode qualifié par Vandoven de minimaliste – pour lui évi-ter de dire nanifié. Nouvelle et Poésie étaient des genres qui passaient encore sous les radars de la religion citoyenne œuvrant désormais au chevet de la grande bête-Roman blessée. On y avait vu affluer des hordes de charognards, prophètes autoproclamés d’un nec plus ultra de l’intellectualité-nouvelle-vague brandissant leur manuel du bien-dire et du bien-penser, rien de moins que les apôtres d’une police idéologique imposée à coup de réseaux vir-tuels. Dans la foulée, on avait assisté à la grand-messe de l’autocensure ordonnée par le clergé de la profession et une partie de ceux qui, sans broncher, bouffaient au râtelier d’un media, d’un mouvement politique, d’une entreprise ou d’une cour quelconque. C’est Pierre qui avait attiré mon attention sur la première victime de cette apocalypse ; nous la connaissions bien, cette petite fille habillée de rouge qui apportait un pot de beurre à sa grand-mère. On venait de la retirer d’une bibliothèque scolaire de Barcelone, sous pré-texte qu’elle véhiculait des clichés d’un autre temps. C’est ce jour-là, que mon esprit avait décidé de s’exiler dans son petit territoire des Nouvelles et Poésies. Jusqu’au jour où j’avais posé les fesses sur le canapé du libraire proactif de Vincennes.
Le buzz et l’émission de télévision – j’en prenais cons-cience ici et maintenant – avaient ouvert une brèche qui jamais ne se serait refermée, laissant s’y engouffrer les dernières tendances de la censure mercantile armée de ses sommations à ne plus écrire sur un genre ou un sexe, si on n’en était pas, sur une nation si on n’en était pas, sur une origine ou une autre si on n’en était pas… Je me serais retrouvé dans quelques années à ne plus avoir droit de m’inspirer que d’une lignée de faits allant de Cro-Magnon en Périgord jusqu’à Homo Sapiens en Île-de-France ; et pire, à l’intérieur de ce bornage, encore aurais-je dû ne pas empiéter sur les enclos de mes voisins de genre ou de couleur. Tragi-comédie d’un apartheid intellectuel – à l’image d’autres ségrégations – la mort de mon libre arbitre créateur. Ma mort, en fait.
Partir obligeait ma forteresse à se reconstruire, ailleurs et autrement, mouvante et insaisissable, prolongeant ainsi ma liberté d’écriture.
Elle s’évadait.
Et j’y étais étrangement encouragé par un des chantres et ordonnateurs du monde éditorial, mon Vandoven à moi, qui, finissais-je par comprendre, avait toujours rêvé de renouveler le sang du monstre mourant, lui injecter une hémoglobine nettoyée, rénovée. Peine perdue avait-il déci-dé : un système doit s’éteindre pour renaître, il ne peut se réformer. Mon éditeur envisageait à présent une logique qu’il qualifiait lui-même de révolutionnaire ; planter dans le cœur de la bête une seringue emplie d’adrénaline. Et je le savais bien, ce satané bonhomme m’avait poussé au voyage dans ce but.
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Au pied des falaises du mont Risco de la Conception, le El Puertito survivait, adossé à un bout de jetée entre India-nos et la mer, un peu à l’écart en bordure du bassin des pêcheurs, un coin à l’allure pas trop glamour qui par en-droit sentait la poiscaille, les filets mal rincés, le pas tout à fait propre, pas tout à fait fini, en somme l’imparfait. Toute une flopée de personnages s’y donnait rendez-vous, char-riant petites et grandes raisons ; un carénage à prévoir ou un bateau à vendre, une pièce détachée à trouver ou un rêve de navigation à laisser flotter dans les nuages. Derrière trois murets en parpaings, sous un auvent orangé, des gros fûts servaient de siège. Et on badait là, entre un bocadillo especial et une cerveza tropical, à regarder les manœuvres bruyantes des ferries de liaison rapide pour Areciffe, Tene-riffe ou La Gomera, celles de paquebots qui dressaient leurs ombres rectangulaires dans le ciel, et on commentait l’arrivée de lourds cargos en provenance d’Espagne, ou de pays plus lointains qui avançaient leurs pions sur ce petit bout d’Europe.
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Une aube brutale inondait le flanc sud de la colline mas-sive et déserte où je parvenais. À mes pieds s’ouvrait un vide qui me parut gigantesque, le rivage septentrional du détroit. Sur ma droite, plantées dans l’ouest océanique, menaçaient de formidables cathédrales de nuées tourmen-tées ; elles emplissaient le ciel, s’avançant sur leurs jambes de pluie boursouflées, piétinant les confins d’un horizon argenté. Alors qu’au sud, le vaste passage s’étendait, nimbé de longues strates cotonneuses qui stagnaient à cinquante mètres au-dessus de la mer, occultant tout navire, toute humanité, formant ainsi une monumentale plaine grise qui s’étalait, calme et irrévocable, jusqu’à la terre d’Afrique, d’où jaillissait, dantesque, comme propulsée devant moi, car dilatée et grossie par les milliards de particules d’humidité en suspension dans l’air, la masse déchiquetée du Djebel Moussa, offerte sur un écrin de brume.
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Il faut l’admettre, je ne serai jamais que le petit homme de Reich, aux antipodes de l’homme supérieur, Zarathoustra peut aller se faire voir, pour ce que je comprends, je ne suis pas prêt de muter : Ah, chameau sûrement ! Ça oui, pour me charger de fardeaux pesants, je sais le faire. Les emporter au désert, aussi. Hélas tout s’y enlise. Et l’esprit du Lion ne règne sûrement pas en moi, car je ne saurais conquérir cette liberté d’esprit. Quant à retrouver une prolifique candeur enfantine, n’y pensons même pas. Aucun prophète ne peut rien à la grande maladie dont je suis vraiment atteint : la banalité.
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