MA VÉRANDA
Moi le pauvre de ce canton
Je tiens en haute estime
Cette pauvreté qui m'a laissé
Libre de toutes obligations
L'hiver me rappelle
Au confort bourgeois
Assis là près de mon poêle
J'écris un poème
Sur l'or qui court
Dans l'herbe jusqu'au
Pied du grand tilleul
Quoi que tu daignes
attendre du jardin
il t’offre les herbes folles
orphelines pensées
Par la parole la vue le toucher
j'espère la beauté
sa trace au fond de moi
une âme à la remorque du soleil.
(" Petit éloge de la lumière nature")
LE SUFFISANT
Son œil disait qu'il était directeur
Sa parole fusillait ou assommait
C'est selon.
La tendresse il en avait fait
Le deuil tant il s'était habitué
À sabrer dicter rabrouer
Sa jouissance, quelle misère !
Il voulait qu'on l'aime,
Il s'y prenait très mal.
Le métier d'intelligence
Étouffait en lui l'émotion,
Cette émotion
Sans aplomb
Sans armure.
Son humour était savant,
Autant dire inaudible.
Son verbe était cassant,
Autant dire inhabité.
Cet intelligent-là
N'avait pas compris
Que la faiblesse
Est désirable
Et que l'amour
Conquiert le conquérant
Dans le chambranle de la lumière, je ravauderai la porte
PORTRAIT D’UN BOULEAU
Si d’aventure tu faisais le portrait d’un bouleau
Regarde d’abord le ciel assure-toi de sa candeur
S’il est gris s’il est fade
Sors ton pinceau
Mais s’il est bleu méditerranée
Abstiens-toi : tu risques de le défigurer
Ce matin le soleil brille par son absence
Alors hop ! glisse-le de gauche à droite
Puis de droite à gauche
Ne laisse subsister sur la toile ni trace ni trait ni bruit
Efface jusqu’au chant du rossignol séducteur
Le bouleau n’en a que faire
Car le ciel et l’hiver ont la même essence
Laisse-la infuser en toi
Te voilà accordé. À présent sors la craie
La vieille craie gris-bleu riche de reflets
Pour des yeux à même de boire son lait
Étale-le de haut en bas en bifurquant
Vers ses branches de poudre et d’or.
Te voilà enrichi d’un étang d’un ciel d’un miroir
Qui reflète ton âme assagie par l’air insolé
Écrase ici et là un vert anglais un vert nuit plus qu’olive
Si tu n’y parviens pas, écrase la nuit elle-même sur le vert
La voilà enfin nimbée d’une présence douteuse
Qui chante avec le gris un chant d’après glaciation
Vérifie qu’elle n’est ni atmosphérique ni soporifique
Et qu’elle s’étale comme l’air visible invisible
Comme lui, sois patient : tu n’es plus très loin du terme
Mais avant de le laisser à son soin de soie et d’estime
Considère-le de long en large et de haut en bas
Si le ciel chante et si le bouleau glisse sur le bouleau
Tu sauras alors que tu viens de peindre
Le Ville-d’Avray son étang ses villas
Et Camille Corot t’en sera reconnaissant
Pour entreprendre une guerre, il suffit de se sentir agressé. La tragédie devient inéluctable pour qui refuse de payer sa dette envers les autres.
Allongé dans l’herbe, j’aspire la nuit. La graine vive des étoiles dépose en moi la semence du verbe être avec des convictions qui donnent grand-faim et grand-soif. C’est une sensation que personne n’a encore su nommer.
UNE GOUTTE DE FEU
Je regrettais ma bibliothèque et le confort que les livres procurent. Sur les étagères de mon cabinet de travail, en secouant la poussière qui les recouvre, j'aurais déniché le volume dont le contenu m'aurais permis de m'évader.
LE SUFFISANT
Son oeil disait qu’il était directeur
Sa parole fusillait ou assommait
C'est selon.
La tendresse il en avait fait
Le deuil tant il s'était habitué
A sabrer dicter rabrouer
Sa jouissance, quelle misère !
Il voulait qu'on l'aime,
Il s'y prenait très mal.
Le métier d'intelligence
Étouffait en lui l'émotion,
Cette émotion
Sans aplomb
Sans armure.
Son humour était savant,
Autant dire inaudible.
Son verbe était cassant,
Autant dire inhabité.
Cet intelligent-là
N’avait pas compris
Que la faiblesse
Est désirable
& que l’amour
Conquiert le conquérant