Pierre de MARBEUF Redévouverte (France Culture, 1984)
Une compilation des émissions « Albatros », par Jean-Pierre Milovanoff, diffusée les 20 et 27 mai 1984 sur France Culture. Invités : Jean Tortel et Maurice Lever.
Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage,
Et la mer est amère, et l'amour est amer,
L'on s'abîme en l'amour aussi bien qu'en la mer,
Car la mer et l'amour ne sont point sans orage.
Celui qui craint les eaux qu'il demeure au rivage,
Celui qui craint les maux qu'on souffre pour aimer,
Qu'il ne se laisse pas à l'amour enflammer,
Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage.
La mère de l'amour eut la mer pour berceau,
Le feu sort de l'amour, sa mère sort de l'eau,
Mais l'eau contre ce feu ne peut fournir des armes.
Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux,
Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,
Que j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes.
A PHILIS
Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage,
Et la mer est amère, et l'amour est amer,
L'on s'abîme en l'amour aussi bien qu'en la mer,
Car la mer et l'amour ne sont point sans orage.
Celui qui craint les eaux, qu'il demeure au rivage,
Celui qui craint les maux qu'on souffre pour aimer,
Qu'il ne se laisse pas à l'amour enflammer,
Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage.
La mère de l'amour eut la mer pour berceau,
Le feu sort de l'amour, sa mère sort de l'eau,
Mais l'eau contre ce feu ne peut fournir des armes.
Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux,
Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,
Que j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes.
SONNET À PHILIS
2
O Nuit pour mes ennuis tant seulement féconde,
Pourquoy n’aportez-vous la fin à mes travaux ?
Serez-vous plus qu’à moy favorable aux chevaux ?
Repos, seray-ie seul sans repos en ce monde ?
Sommeil, dans les longueurs de cette nuit profonde,
Pourquoy réveillés-vous mon amour & mes maux ?
Quand vous flattez les yeux de tous les animaux,
Aux peines que je souffre aucun ne me seconde.
Sommeil, retirez-vous, vous nuisez à mes veux,
Le froid de vos pavots assoupiroit mes feux :
Allez sommeil, allez, laissez venir l’aurore.
Car puisque les proces m’ocupent tout le iour,
Si cependant la nuit je reposois encore,
Ie n’aurois point de temps pour penser à l’amour.
Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage,
Et la mer est amère, et l'amour est amer,
L'on s'abîme en l'amour aussi bien qu'en la mer,
Car la mer et l'amour ne sont point sans orage.
Celui qui craint les eaux qu'il demeure au rivage,
Celui qui craint les maux qu'on souffre pour aimer,
Qu'il ne se laisse pas à l'amour enflammer,
Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage.
La mère de l'amour eut la mer pour berceau,
Le feu sort de l'amour, sa mère sort de l'eau,
Mais l'eau contre ce feu ne peut fournir des armes.
Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux,
Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,
Que j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes.
L'anatomie de l’œil
L’œil est dans un château que ceignent les frontières
De ce petit vallon clos de deux boulevards,
Il a pour pont-levis les mouvantes paupières,
Le cil pour garde-corps, les sourcils pour remparts.
Il comprend trois humeurs, l'aqueuse, la vitrée,
Et celle de cristal qui nage entre les deux,
Mais ce corps délicat ne peut souffrir l'entrée
A cela que nature a fait de nébuleux.
Six tuniques tenant notre œil en consistance
L'empêchent de glisser parmi ses mouvements,
Et les tendons poreux apportent la substance
Qui le garde, et nourrit tous ses compartiments.
Quatre muscles sont droits, et deux autres obliques,
Communicant à l’œil sa prompte agilité,
Mais par la liaison qui joint les nerfs optiques,
Il est ferme toujours dans sa mobilité.
Bref l’œil mesurant tout d'une même mesure,
A soi-même inconnu, connaît tout l'univers,
Et conçoit dans l'enclos de sa ronde figure
Le rond et le carré, le droit et le travers.
Toutefois ce flambeau qui conduit notre vie
De l'obscur de ce corps emprunte sa clarté.
Nous serons donc ce corps, vous serez l'oeil, Marie,
Qui prenez de l'impur votre pure beauté.
LE SEIN D’AMARANTHE
Mon esprit qui toujours d’un vain espoir s’apaise,
Compare votre sein, dont je suis envieux,
À des jeunes boutons, puis il dit à mes yeux :
Si vous les pouviez voir, ne mourriez-vous point d’aise ?
Ainsi dans mon esprit s’allume une fournaise,
Et son feu se nourrit d’un objet gracieux,
Qui me fait concevoir en tout et en tous lieux,
L’enflure de ce marbre où fleurit une fraise.
Enfin si votre amour demeure le vainqueur,
Et si jusqu’à la mort vous poursuivez mon cœur,
Mon Amaranthe, au moins donnez-lui sépulture.
Que si vous voulez suivre en cela mon dessein,
Son tombeau n’aura pas une autre couverture
Que du marbre qu’on voit qui blanchit votre sein.
L'amour de mes pensées, comme de son pinceau,
Vous peint à mon esprit, si je clos ma paupière,
Je vous vois en dormant, si je suis sans lumière,
Pour m'éclairer de nuit vous êtes mon flambeau.
Si je suis sur la terre, ou si je suis sur l'eau,
Vous me suivez sur terre, et dessus la rivière,
Car je vous vois toujours et devant et derrière
La croupe du cheval, la poupe du bateau.
Encor que de mon corps le vôtre soit absent,
A mon esprit toujours votre corps est présent :
Concevez-vous cela, ma divine maîtresse ?
Si pénétrer les corps par son agilité
Est la propre action de la divinité,
L'amour m'avait bien dit que vous étiez déesse.
|L'amour de mes pensées|
Beaux yeux où luisez-vous, mes soleils que j’adore,
Sans vous, pour moi, le jour n’a rien qu’obscurité :
Beaux cheveux, prenez-vous une autre liberté,
Cependant que captif vous me tenez encore.
Beau visage, plus beau que celui de l’aurore,
Le désirable objet de ma félicité :
Bel esprit, qu’un rayon de la divinité,
Fait que l’homme l’admire, et que l’Ange l’honore.
Amoureux entretiens, agréables discours,
Beautés, charmes, appas, mignardises, amours :
Ô Philis mon souhait, ô Philis mon envie.
Philis belle d’esprit, Philis belle de corps,
Présence de Philis si j’ai par vous la vie,
Absence de Philis j’ai pour vous mille morts.
Le miracle d'amour
Babylone a vanté ses murailles de brique,
Rhode a fait renommer son colosse orgueilleux,
Et l'Égypte a fait cas des sommets sourcilleux
D'une masse de pierre admirable en fabrique.
Éphèse aimait son temple ainsi qu'une relique,
Semiramis avait des jardins merveilleux,
Le tombeau de Mausole était miraculeux,
Et ne lui cédait pas le Jupiter olympique.
Les anciens ont dit merveilles en leurs vers
Des miracles premiers qu'on vit en l'univers,
Mais moi j'ai pour sujet la merveille seconde.
Ô ma Philis, alors que je décris vos yeux,
Célèbre qui voudra sept miracles du monde,
Je réserve à ma plume un miracle des cieux.
Sur le retour d'Hélène à Paris
L'Amour de mes pensers, comme de son pinceau,
Vous peint à mon esprit, si je clos ma paupière
Je vous vois en dormant, si je suis sans lumière,
Pour m'éclairer de nuit vous êtes mon flambeau.
Si je suis sur la terre, ou si je suis sur l'eau,
Vous me suivez sur terre, et dessus la rivière :
Car je vous vois toujours et devant et derrière,
La croupe du cheval, la poupe du bateau.
Encor que de mon corps le vôtre soit absent,
A mon esprit toujours votre corps est présent
Concevez-vous cela ma divine maîtresse.
Si pénétrer les corps par son agilité
Est la propre action de la divinité,
L'amour m'avait bien dit que vous étiez déesse.