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Critiques de Raharimanana (35)
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Nour, 1947

Je m'en viens partager avec vous une certaine déception. En effet, tous les ingrédients étaient réunis, semblait-il, pour un beau moment de lecture : un auteur malgache que je ne connaissais pas, l'histoire de Madagascar et ses phases successives de colonisations puis de décolonisation pour la dernière d'entre elles, dont j'avais tout à découvrir. Une écriture a priori très belle…



Bref, beaucoup d'excellents ingrédients mais, finalement, une préparation qui ne m'a pas du tout séduite : d'abord une lourdeur sur l'estomac d'un bout à l'autre qui m'a moult fois donné l'envie de tout arrêter. Ensuite des écoeurements propres à créer des aversions et enfin, des associations de saveurs qui ne sont guère plaisantes à mes papilles.



Je m'explique : je n'ai ressenti absolument aucune empathie à aucun moment durant cette lecture. Il y a des morts atroces, il y a le destin de peuples et d'une île parmi les plus vastes au monde et je ne ressens rien. Soit cela vient de moi, ce qui n'est pas impossible, soit cela vient de la manière dont cela a été écrit, ce qui n'est pas impossible non plus. En tout cas, nous ne nous sommes pas trouvées elle et moi.



C'est très confus, très touffus, très diffus, on vous parle de ça 5 minutes, puis d'autre chose, puis encore d'autre chose ; tantôt c'est 1947, tantôt c'est le XVIIIè siècle, tantôt c'est 1943, c'est ici, c'est là, c'est partout à la fois et, moralité, c'est nulle part. Et puis on y revient, et ça se répète, et ça se répète encore plus loin et à nouveau plus loin : ce que ça m'a fatiguée (ce que ça m'a saoulée même, dans l'acception première du terme, pas celle qui s'utilise en langage familier).



Pfff ! ce patchwork incessant interdit toute identification vis-à-vis d'un quelconque personnage, d'intrigue, je n'en ai point trouvé. À de nombreuses reprises, l'auteur écrit qu'il veut tout retranscrire or, je serais tentée de lui dire que c'est justement le travail d'un écrivain d'effectuer des choix car là, ça ne crée que de l'embrouille et

absolument aucune impression d'exhaustivité.



On comprend que la colonisation française n'a pas été tendre, mais bon, ça on le savait déjà, du moins j'imagine. On comprend que les différentes ethnies de Madagascar se sont toujours plus ou moins étripées les unes les autres ou, à tout le moins, mis en position d'esclavage les unes vis-à-vis des autres. Un festival de douleurs qui s'étale sur des siècles, une narration totalement décousue, parfois très accessible (les lettres des religieux français des XVIII et XIXè siècles) parfois presque incompréhensible car absconse.



En somme, l'archétype d'une bonne grosse déception littéraire alors que j'aurais tellement aimé aimer. Mais voilà, définitivement, ce livre n'est pas pour moi. Que cela ne vous dissuade pas de le découvrir et, éventuellement, d'en dresser un tableau qui serait tout autre. Plus que jamais, nous avons besoin de diversité d'opinion, d'esprit critique et d'interprétations alternatives.



Ce n'est que mon avis de lémurienne, sans l'ombre d'une lumière, pour cette Nour malgache, c'est-à-dire pas grand-chose.
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Lucarne

Ainsi parlait Raharimanana,



Ces nouvelles, parues en 1996, se font les témoins de la misère et de la violence de Madagascar.



“Voici la nuit, voici mon univers. C’est un univers de silence. De silence, oui ! On écoute le silence comme on écoute une femme murmurer “je t’aime”. Voluptueux ce silence, sensuel, doux, comme une prière que ressentent tous les fibres du corps.”



La misère cynique d’un enfant qui ne peut ni boire ni manger car il a avalé sa pièce de monnaie, la cruauté d’un poseur d’appât pour prendre les riches conducteurs en embuscade, le sadismes de gosses de riches qui jouent à Guantanamo avec des miséreux, ou encore celle de cette femme contrainte de coudre de la drogue dans les corps d’enfants morts.



A ce stade, on peut oser une petite corrélation, qui fait jamais plaisir tant on voudrait traiter l’insécurité comme si elle n’avait aucun lien avec la précarité, mais là où il y a misère, surtout lorsqu’elle côtoie l’opulence, il y a aussi violence. L’auteur nous contraint à regarder ça droit dans les yeux.

Le ciel malgache de Jean-Luc Raharimanana est foudroyant de désespoir, de lutte pour la survie et de refuge érotique ; matricide, infanticide, viol, meurtre et torture se succèdent impitoyablement.



Qu’est ce qui peut bien alors motiver la lecture jusqu’à son terme de ce petit recueil ?



Il y a indéniablement une aventure de la langue. Un style déstructuré, hagard, les impressions l’emportent parfois sur la narration. C’est aussi une limite car on peut perdre le fil de certains textes un peu trop abstraits.



“L’enfant mort roula sur le plancher de bois du navire. On aurait dit une poupée de pierre, une sculpture d’argent, d’or ou de cuivre. La femme gémissait, lovée sur son propre corps. Elle voulut que ses pleurs fussent de pointes et de sagaies. Elle voulut s’empaler sur les lames de ses larmes.”



La cruauté et la douleur, les sentiments très forts, physiques même, des personnages et la belle langue, poétique, qui convoque la mer, la nuit forment un mélange tantôt éprouvant, tant sur le fond que sur la forme ,tantôt indéniablement esthétique et captivant.



L’auteur déclare que parfois “face à des choses innommables il faut reposer la beauté du monde” d’où son choix d’aller vers la photographie, vers la musique.. suivant son conseil je m’en vais respirer les paysages alpins, les lacs translucides et le duvet des forêts; on tous a besoin d’entrevoir cet équilibre entre la beauté du monde et la conscience de son horreur à travers la lucarne.



Qu’en pensez-vous ?
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Nour, 1947

La langue de Raharimanana est celle du silence qui succède au rêve et précède l'éveil. Sa poésie est un plat qui se mange cru, un cri qui dilate les dédales du vide. Elle entame les ciselures du coeur, ruisselle de larmes viscérales vers un ciel inversé, ouaté d'une transcendance sucrée-salée.



Ici il est le chef d'orchestre d'un récit-choral se déroulant lors des émeutes anticoloniales de 1947 à Madagascar où des dizaines de milliers de Malgaches ont été massacrés par l'armée française. Dans ce contexte dramatique, c'est l'histoire d'amours pour une terre et pour une femme, victimes de ce carnage.



"Transcrire. Tout transcrire."

Les apôtres des candeurs coquettes et doucereuses lui reprochent la violence de ses images... mais ce sont les civilisations humaines qui sont violentes !

Le poète est une colonne érigée en cortège de vertèbres qui soutiennent l'ossature de la résistance au scandale du monde. Il se saisit de l'abject à deux mains, comme nos ancêtres éblouis de voir le feu jaillir de la friction des silex, le décrasse, le lustre avec sa radieuse salive puis le dégrade en fines incandescences sublimées. Avec l'impudente pudeur de la lune lorsqu'elle éclaire le soleil, ses mots, acrobates des cloaques, déferlent dans la fosse des charniers et en distillent de l'or...



Raharimanana est, selon moi, le phénix des poètes contemporains.
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Rêves sous le linceul

Plus que des nouvelles, j'ai trouvé que ces brefs textes de Raharimanana étaient de véritables poèmes en prose, tant le travail sur les sons, les rythmes, sur les constructions syntaxiques, jouent sur le sens, voire l'essence même, de chacun.



Car oui, ces textes-rêves, tour à tour d'une violence à la limite du soutenable, tour à tour d'un onirisme évanescent à la limite du compréhensible et du discernable, sont d'une grande beauté stylistique, qui frappe, qui écorche, qui ne laisse pas indemne, malgré, parfois, un certain hermétisme.



Je réitèrerai la lecture de l'auteur, dans tous les cas.
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Nour, 1947

Un homme ère, tirant le cadavre de son amour, Nour.

Durant sept nuits, dans un récit assez décousu, possédé, quasi délirant, il nous raconte son histoire, celle de Nour fille d'esclave tombée sous les balles des colons français, celle de ses compagnons d'insurrection, celle de la « Grande Ile » et de ses peuples. Des siècles de violence : guerres tribales, esclavage, colonisation française avec ses missionnaires chrétiens chargés d'éradiquer l'impiété, jusqu'au carnage de la répression de l'insurrection en 1947.

Tirailleur enrôlé de force en France et plongé dans l'horreur d'une guerre qui n'est pas la sienne, à expédier des wagons d'humains vers la mort, à son retour sur son île il jure « de ne plus jamais obéir à aucun des coloniaux » et rejoint le camp des rebelles qui mènent l'insurrection. Survivant du massacre, il est à bout de forces, de désespoir, de maladie. Boue, putréfaction, mouches, pluie, vagues, feu, vent, sont omniprésents. Il est guidé dans son errance par des êtres légendaires : Konantitra, vieille femme danseuse et chanteuse de mort ; Dziny, la Mère, femme des eaux et des lumières ; Retany le maître des terres, à l'origine de toute plante, de tout arbre.

Chant de lamentation, complainte, désolation. Ambiance glauque. C'est un texte d'abord difficile, dans une langue poétique, il faut y pénétrer comme dans une transe, accepter de se laisser traverser et transporter par les esprits de cette terre, laisser opérer l'envoutement. Mais le voyage est rude, inconfortable, il vous remue les tripes.

C'est toute la magie et l'art du poète de rendre belles autant d'horreurs.
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Lucarne

Le rythme de la langue emmène superbement à Madagascar, île de misère pétrie de violences : les mots dansent mais ils sont crus, acérés et poignants, les histoires sont pleines de douleurs, de sexe et de folie. Par cette Lucarne, le paysage de mer et de vent est sculpté par Eros - désir de vie - et Thanatos - désir de mort - et fait frémir d'horreur... d'autant plus qu'on se dit que ce livre est beau alors que vraiment, ce qu'il raconte...
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Nour, 1947

Lecture mitigée que voici. C'est un livre étrange dont je ne sais quoi penser. J'ai aimé certains passages que j'ai trouvé très beaux, très poétiques, tanfis que je n'ai pas supporté d'autres passages très violent, à la limite du soutenable (pour un en particulier). J'ai eu des difficultés à comprendre l'histoire pendant le premier tiers du roman, puis par la suite je me suis habituée à cette narration hachée, mélangeant différentes époques.

Il faut tout de même reconnaître que l'auteur a une très belle plume, très poétique (comme dit plus haut), il y a un rythme, des phrases qui reviennent comme une rengaine, un refrain, un leitmotiv. J'ai également aimé la description faite des sentiments, la mise en lumière sur les sentiments des colonisés , la cruauté des colonisateurs. Mais je pense tout de même que j'ai dû passer à côté de quelque chose.
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Revenir

L'auteur nous emmène dans un voyage, un aller-retour, au rythme de respirations saccadées, au rythme des vagues, au rythme de ses voyages aussi: ses voyages dans sa mémoire, ses voyages bien réels au Rwanda, en Europe au fil de ses lectures publiques, ses voyages dans son île. Mais qui est Elle? La mémoire, l'enfance, la mère, son île, Madagascar, sa femme, ou un peu tout ceci? L'histoire se mêle à l'histoire. Un magnifique poème.
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Nouvelles de Madagascar

Vol destiné sur l’île de Madagascar est annoncé…N’oubliez pas d’embarquer….

Un voyage en couleurs où l’île rouge est le thème central de ce livre…Un dépaysement garanti mais qui contraste avec les images de cartes postales et la vie quotidienne des habitants malgaches.

Un gouffre énorme entre les riches et les pauvres où ces derniers doivent se battre pour survivre et tombent parfois sur des mauvaises rencontres…Au début, j’ai pensé que les nouvelles étaient « légères » et parleraient de vacances exotiques mais les auteurs voulaient montrer l’envers du décor sous des allures exotiques et de rêves…Le côté idyllique n’est pour tout le monde surtout si tu connais la pauvreté.

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Rêves sous le linceul

Une fois de plus, Raharimanana me sidère par la violence crue de sa langue, qui tranche le monde et les cadavres qui s'y empilent. Une poésie abyssale et mortelle, qui entremêle récits hachés de génocides, de meurtres et de naufrage dans la drogue, et qui ravive les thèmes chers à la culture malgache : la présence des morts dans le monde du vivant, le temps qui s'étire et nous perd, un monde d'esprits toujours à fleur de peau.



C'est magnifique et horrible en même temps, et la prose si particulière de Raharimanana nous suspend entre cette terrible réalité et un flottement dans un autre monde, comme pour s'abstraire des atrocités terrestres, sans toutefois y parvenir.
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Revenir

Œuvre monumentale à l'écriture ensorcelante de poésie. L'image y erre tandis que l'imaginaire envahit le réel et voilà que de l'histoire d'un homme, transpire celle d'un pays, du monde depuis ses origines jusqu'à l'éternité et de l'humain dans sa plus haute bassesse et ses rêves transis. La colère devient cendre manuscrite pour revenir, vers sa terre, son père, son Aimée, soi-même...
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Nouvelles de Madagascar

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Tisser

« Tisser, c’est se connaître comme fibre, et accepter de se lier à d’autres pour une existence plus vaste. Tisser les mémoires. Tisser les vies. Tisser l’utopie. »



Dans ce court texte hybride, où conte, poésie et essai se côtoient, Jean-Luc Raharimanana, à travers son narrateur un enfant mort-né, nous raconte le monde. « Je suis mort, l’ourlet de tous les vivants, le point de finition entre les générations. Imaginez-moi comme une fumée bleue évanescente, se brumant, dès qu’on l’aperçoit, je me déroule d’un recoin qu’on ne remarque pas, rappel d’azur et l’infini pressenti. » En convoquant les mythes et légendes malgaches, la conscience de cet enfant nous parle de la genèse de la civilisation. On y découvre deux entités : le Ciel et la Terre. Le Ciel est le Dieu d’en haut, le principe mâle et il se nomme Ralanitra. La Terre est le Dieu d’en-bas, le principe femelle et se nomme Ratany. En s’unissant, ils ont pu donner vie aux corps de toutes les espèces. « Tu as des statues qui n’ont pas de vie. J’ai de la vie qui n’a pas de corps. Unissons-nous. Je te donne la vie. Tu me donnes les corps ». Un point de départ pour aborder par la suite ces périodes douloureuses qui ont touché l’Afrique, telles que l’esclavage et la colonisation, mais il est également question d’aujourd’hui avec la mondialisation.



Il est difficile de résumer cet ouvrage. Un texte singulier dans lequel je me suis laissé porter et qui m’a parfois perdue. Une plume poétique et travaillée, exigeante mais sans contexte magnifique.

Tisser, c’est à la fois un plaidoyer politique et un récit de transmission. Transmettre l’Histoire, ne pas l’occulter. Comprendre et être fier de ses origines. Tisser, c’est un hommage à l’Afrique et sa grandeur !
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Enlacement(s)

Occuper l’espace. Ce sont les mots de l’écrivain malgache. Ils ont un sens évident quand je prends mon RER avec le coffret intitulé Enlacement(s). Un peu encombrant. Si c’est le cas pour le passager que je suis, j’imagine la problématique pour un libraire où justement l’occupation de la surface est comptée au millimètre carré. Sourire. C’est un choix qu’assume Raharimanana. Ce coffret comprend trois volets d’une œuvre jouant sur plusieurs genres littéraires et artistiques. La poésie. Le théâtre. Le chant. La prose. La danse. Bref, un texte inclassable. Un peu comme Les cauchemars du gecko, sa précédente parution. J’ai pris là encore le temps de m’imprégner des différents volets de ce projet. Des ruines : Prologue pour une résidence littéraire. Obscena : Pour voix et chorégraphie. Il n’y a plus de pays : Pour chant et murmures. Afin de comprendre et faire une bonne lecture de ces textes, il est important de prendre en compte ces paramètres de la création de l’homme de lettres malgache et en fonction de la latitude du lecteur, se mettre en situation.



Des ruines

Le premier volet de ce triptyque pourrait être interprété comme un état des lieux des ruines à partir desquelles il serait possible de reconstruire quelque chose. Ruines de l’écrivain, ruines qu’il observe faites de terres razziées, de sous sols pillés, de corps souillés. Morceaux choisis :



« J’écris pour le vide. J’écris pour un futur. J’écris pour un monde d’espérance. Et ce n’est que cela : l’espérance, la possibilité d’être ou de ne pas être. »





L’écrivain pose la question de l’œuvre littéraire et de la réception qui en est faite. En particulier, quand l’esthétique suffit à satisfaire le lecteur sans que le cri de l’enfant suicide ne soit entendu, perçu. La poésie est applaudie, la douleur évacuée. Explorer les ruines, c’est revenir sur le passé. Forcément violent puisqu’il ne semble n’en rester rien. Il y a également cette assignation à penser le futur et à dépasser ce passé. Mais celui-ci conditionne bien les actes d’aujourd’hui. Comment ne pas questionner une mémoire faite d’esclavage, de traite négrière, de colonisation, de dictature quand cet héritage écrase le quotidien. D’ailleurs en tenter l’exploration semble impossible, tellement l’enrayement des actes est ancré, passé la lettre « B » est insurmontable. Posture indélicate de l’écrivain.



Obscena

C’est un volet plus charnel. Pour voix et chorégraphie. Les séquences sont plus courtes. Ciselées. Les mots sont plus crus. Les scènes mises en danse plus obscènes. Le poète met des mots sur le viol, l’intime pénétré de la femme, de la mère. Parler de l’obscène. Mais aussi prendre de la distance



« Mais l’enfant est autiste, je me paralyse au bord de la mémoire, les douleurs ont fermé sa gorge, ma révolte, ma haine, mon refus de lier ma vie à celle fracassée de mes pères, mère, est-ce vie de n’écrire que leur temps de mort et de défaite, celle des vies à dévorer les douleurs et à ingurgiter les malheurs que tous se sont ingéniés à méconnaitre ? Mais l’enfant est autiste et me rentre à la gorge la lâcheté à laquelle j’aspire, l’oubli

Je. N’oubliez pas, viens du sud, je. »





Obscena, éditions Vents d’Ailleurs et Athénor, page



source photo - Vents d'ailleurs



L’enfant est autiste. Raharimanana travaille sur la mémoire. Il est important d’inscrire ce triptyque comme un prolongement de l’écriture de Nour, 1947, Portraits d’insurgés 1947, Madagascar 1947. Alors que le silence enfouissait des pans entiers de la mémoire malgache, dire l’histoire est important, mieux c’est une préoccupation. Dire les violences subies, intériorisées, oubliées ou ignorées est essentiel. C’est un sacerdoce. Le poète affirme le fait qu’il n’a pas le choix. Y a-t-il de la prétention dans sa posture ? L’écrivain a pris la plume parce qu’un jour un adolescent sans espoir a décidé de résister ou de disparaitre. Anecdote.



Est-il utile de parler du troisième volet qui évoque la mère ? J’ai trop parlé. Il n’y a plus de pays.

Chacun trouvera une part de soi, de son pays dans les mots de Raharimanana. Un texte difficile. Qu’il faut parfois lire, murmurer, chanter pour l’entendre. Des volets qui s’entrelacent et qui ont l’ambition d’occuper un espace. Faisons lui de la place.
Lien : http://sudplateau-tv.fr/litt..
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Les cauchemars du gecko

Comme un grand poème roulant, le livre, mise en page, l'alternance des poèmes, des cris, de la prose poétique, des emportements, des textes de grands anciens, de discours ironiques et presque calmes, de photos et dessins de Jean Luc Raharimanana - la colonisation et ses entours
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Tisser

Il y a des lectures dont on se dit : «Ca, ce n’est vraiment pas pour moi ». Tisser m’a fait cet effet-là. Pire. J’ai eu envie de le fuir très rapidement, et la seule raison qui m’a fait tenir, c’est que l’auteur est malgache, et allait me permettre de poursuivre mon tour du monde de la littérature ! A plusieurs reprises, je me suis retrouvée dans le même état que lorsque je vais au théâtre voir des pièces d’avant-garde, et que mon esprit se perd à ne pas comprendre où veut en venir l’auteur. Je m’endors, je me lasse, je ne trouve pas d’intérêt et j’ai envie de quitter la salle. Ici, l’auteur donne la parole à un bébé mort-né, dont l’esprit rôde encore pour un temps sur cette terre. Et ce bébé, très lucide, oscille entre les récits de mythes et l’analyse sociologique, pour arriver de temps en temps à des conclusions (et celles-là sont les parties les plus compréhensibles, auxquelles je m’accrochais pour ne pas sombrer) sur le passé et le devenir de l’Afrique, les méfaits de la colonisation, la nécessité de revoir notre manière d’appréhender la Terre et nos relations aux autres, qu’ils soient du Nord ou du Sud. Quelques beaux passages, donc, mais que ce fut laborieux !
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Tisser

J’ai succombé à ce récit dès la première phrase. J’ai su que j’allais éprouver une sorte de fascination qui resterait ancrée en moi pour toujours (je l’espère vivement).





TISSER vous happe dans sa toile en un tour de main. Magie, obsession hypnotisante, Raharimanana, grand orateur, oracle de son temps, narre avec une telle évidence, spontanéité et fascination de ce temps qui fût, qui est et qui sera.





Entre contes, mythes et réalité, il nous confesse le grand mal du monde. L’absence d’écoute des peuples quelques qu’ils soient et surtout ceux de l’Afrique. Il expose une vision panoramique de ces vies détruites par le colonialisme et la perte d’identités riches, culturelles et communautaires.





Au travers du prisme d’un enfant mort né, le flux va et vient entre aperçu du temps présent, légende, hypothèse, futur.





Raharimanana parle de la vie et de la mort, lien ténu et indivisible, il tisse ses vies au travers de ce filtre étonnant reliant une vision merveilleuse et horrifique.





TISSER c’est hurler et pleurer la vie. C’est donner un sens à l’héritage, à la mémoire, à la nature, à la femme, à l’amour.





Mémoire universelle du berceau de la vie.





TISSER chante une chanson mélancolique, douce, tendre où l’amour s’accorde avec la tristesse et la mort.





TISSER se chante, se crie, se chuchote. Poème reflétant une immensité où le plus infime est d’une beauté rare.





TISSER est sans contexte un voyage inédit. Un voyage au bout du monde où la liberté est chère et la vie un fruit défendu.




Lien : https://lesmisschocolatinebo..
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Lucarne

Extraordinaire recueil de nouvelles sur Madagascar, où se mêlent nature luxuriante, violence inouïe des hommes et amour éperdu des femmes.

Un vrai coup de cœur, à la langue cependant très crue et pleine de noirceur malgré la très belle poésie qui sous-tend ce petit ouvrage.
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Enlacement(s)

Grace à "Masse critique" (merci Babelio), j'ai eu le plaisir de découvrir "Ruines", premier volet de ce recueil de 3 textes.

Voici, d'abord, un bel objet. Format, papier, typo, mise en page servent un texte ... un texte ou plutôt une voix. C'est la deuxième qualité de "Des ruines". Les mots de Raharimanana sont autant criés, soufflés, hurlés, scandés, rappés qu'écrits. A les lire cela s'entend. L'esprit de l'auteur étant couturé des balafres que l'histoire a infligé à sa terre d'origine, et ne supportant pas de s'apitoyer sur ces plaies mal recousues, la scansion, forte, émouvante, oscille entre la rage, la douleur, le rire, la dérision ... C'est au final réjouissant. Subir la colonisation, la corruption, la mondialisation, la pauvreté, jonche de ruines l'être et sa terre. Mais l'être est debout sur ses ruines. On l'entend de loin, ses mots sont beaux, et il est bien vivant.
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Tisser

Véritable expérience de lecture. Il y a de ces livres dont on a l'impression de ne jamais avoir rien lu de semblable ailleurs.

Assez irracontable et développant des réflexions puissantes, cette plongée dans l'inconnu vallait le coup.

Le principe est que le narrateur, esprit d'enfant mort-né, vit des fragments de vies des vivants. Chaque courte partie développe alors un mythe, une bribe d'histoire personnelle ou un concept philosophique qui s'entremêlent et se répondent.



La mythologie malgache telle que la dépeint Raharimanana est toute en dualité. Tout y est question d'équilibre et de lien.

Pour l'auteur, le mythe est ce qui lie au passé et aux autres. Nous avons toutes et tous des histoires qui au delà de fonder des groupes humains par un mythe fondateur commun, leur donnent du sens. Ainsi, toute amitié a son vécu, toute nation a son roman national, toute vérité a son histoire des sciences...

Le narrateur parle aussi du déchirement que représente l'arrachement à ses racines lorsque l'on perd ses mythes et de son Histoire. Car en effet, certains peuples n'ont pas ou plus de vestiges prouvant les civilisations d'où ils viennent. Vestiges qui d'ailleurs pas ne limitent pas aux constructions physiques, mais aussi à la culture immatérielle, la philosophie, la science ou la médecine.



Naturellement, il est donc beaucoup question de colonisation. Selon l'auteur, une idée continue d'être profondément ancrée dans les mœurs : le capitalisme, se considérant lui-même comme l'apogée, est perçu comme ce vers quoi les pays en voie de développement devraient se diriger.

La critique est faite au capitalisme d'asservir les peuples, allant même jusqu'à les tuer. La mère du narrateur par exemple, ouvrière dans une usine d'une multinationale, a dû avorter pour éviter de perdre son emploi. Cela m'évoque malheureusement de nombreuses images choquantes du monde réel (l'usine Camaïeu au Bangladesh construite au rabais pour économiser qui s'est effondrée sur les employées, ou plus récemment l'entreprise sud-coréenne SPC Group qui n'a pas fermé son usine alors qu'une ouvrière était tombée dans une broyeuse...).



Le narrateur s'excuse de dire « nous », car ce mot a évolué dans un sens qui exclue un « vous ». Il précise que ce « nous » concerne tous les humains, il raconte leur histoire telle qu'il l'a vécue lui-même à travers ses périgrinations de corps en corps. Mais à un moment, il souhaite parler de l'Afrique en particulier et ce « nous » devient spécifique, et donc au malheur du narrateur aussi excluant. J'ai trouvé le développement de cette idée très fort.



À travers l'exposé de ces idées philosophiques sur le rapport au passé, la politique et la place des femmes, le fil rouge reste « tisser ». Il s'agit sans doute de l'un des livres qui porte le mieux son titre. En effet, cette nasse de fils entremêlés forment un tout cohérent. Et ce n'est pas le « tissage » ou le « tissu », mais bien l'action « tisser » qui importe. Et l'auteur de filer cette métaphore.

Tisser est un savoir-faire qui se transmet, il est lié aux vêtements, aux apparences que l'on se donne (vêtements, langage, culture, sagesse, philosophie). Quand l'humain se dénude, enlève le tissu, il fait face à sa propre fragilité, qu'il ne doit pas oublier.

Les mythes tissent des liens entre humains. Mais tisser n'est pas spécifiquement humain, car l'araignée tisse pour se nourrir et le papillon pour se transformer.

Tisser c'est aussi devenu une industrie, qui en forçant des populations à s'habiller uniformément à l'occidentale, heurte leur identité. Cela affecte aussi à l'équilibre de la planète avec le désordre écologique auquel elle participe.

Si un fil manque, la toile risque de s'effilocher, mais aucun fil n'est plus important qu'un autre. Et lorsqu'il y a une déchirure dans un tissage, il faut d'abord l'identifier pour la réparer.



En conclusion, ce livre ne pourra pas plaire à tout le monde.

Personnellement, j'ai énormément apprécié découvrir cette forme de narration tissée de mythes, de philosophie, de poésie même parfois, de bribes de fictions et de sentiments vrais.

Cette lecture m'a enrichie de visions du monde provenant d'un autre vécu, d'une autre Histoire. Et même si je ne sais pas encore si j'adhère à toutes, cela a soulevé nombre de questionnements sur l'impact encore actuel que peut avoir le colonialisme sur les esprits. Sujet vaste, complexe, passionnant, et surtout important.
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