En 1891, Casas et Rusiñol peignirent chacun un portrait de leur ami commun Erik Satie en qui ils voyaient la quintessence de la bohème montmartroise. Avant d'atteindre la notoriété grâce à ses compositions musicales, Satie accompagnait au piano le chansonnier Vincent Hyspa dans divers cabarets dont le Chat-Noir. C'est là qu'il jouait ses « Trois Gymnopédies » dont le style tranchait avec la banalité des mélodies de café-concert. Second pianiste au Chat-Noir, il devint bientôt le directeur musical du théâtre d'ombres d'Henri Rivière. Satie vivait dans une extrême pauvreté à Montmartre, où il devait se contenter d'un minuscule logement rue Cortot. Rusiñol l'a représenté au coin du feu, dans une pièce ornée de lithographies et de dessins simplement punaisés au mur. Il y incarne l'artiste bohème, condamné à poursuivre son œuvre personnelle dans la misère et la solitude. De même, le grand tableau de Casas intitulé « Le Bohémien » ou « Le Poète de la Butte » donne à voir un Erik Satie solitaire dans la grisaille hivernale de Montmartre, avec, au second plan, le Moulin à poivre.
"Montmartre, une académie de la bohème" par Nienke Bakker, p. 303