Robert Olen Butler : La fille d'Hô Chi Minh Ville
Depuis un ponton sur la Baie d'Ha Long,
Olivier BARROT, parle
du roman de l'
américainRobert Olen Butler -illustré par une
photographie de l'auteur- "La fille d'Hô Chi Minh Ville".
Olivier Barrot lit un extrait du livre.
C'est une chose que de subir une guerre; une autre que d'en parler.
Robert considère son épouse. Elle a les yeux bleus comme un ciel de Monet. (p. 9)
De son point de vue, on accorde bien trop d'importance aux liens du sang. Il faut vraiment être attaché à une sorte d'identité-celle que nous attribuent des parents, grands-parents, ou une fratrie- pour ne pas imaginer qu'un jour, une rupture puisse irrévocablement se produire. Pourtant, on s'éloigne de ses relations, même d'anciens amis proches. Pourquoi ? Parce que nos intérêts, nos goûts, nos idées, nos valeurs, notre personnalité et notre caractère- tout ce qui nous constitue réellement- changent, évoluent, et les liens se dénouent. De fait les amitiés se défont moins aisément: nous nous accordons au départ lorsque ces éléments sont compatibles. (p. 71)
D'une façon ou d'une autre, tant d'hommes encore (...) ces vétérans, plus ou moins heureux, qui mènent semble-t-il une vie ordinaire, une vie respectueuse des valeurs (...) se sont dit que leurs meurtres constituaient des exceptions, des actes dissociés de ce qu'ils sont vraiment, puis ils ont réussi à poursuivre leur existence en tant qu'individus totalement étrangers à la moindre violence. (p. 82)
Les vrais héros, dans tout ça, ce sont les hommes et les femmes qui disent non à leur pays. A cette guerre illégale, au sang versé, ils préfèrent la prison ou l'exil. Ce sont eux, les vrais héros. (p. 96)
- Les hommes sont les hommes. Ils ont leur façon de communiquer entre eux, de créer des liens. Mon mari et le vôtre, par exemple. Une relation père-fils très intense. Bien sûr, ils ont été soldats , l'un et l'autre. Est-ce pour cette raison que les hommes font des guerres ? Pour partager ce genre d'expérience ? N'ont-ils que ce moyen-là pour vraiment se sentir proches ? (p. 211)
Sans le droit de vote, sans moyens d'influence particuliers, mais avec le sentiment naissant de leur identité et la volonté de l'affirmer, ces femmes du XIXe siècle créèrent des clubs auxquels elles furent nombreuses à s'inscrire pour réfléchir et s'organiser. Des clubs d'histoire, de voyage, de lecture, pour s'instruire et évoluer. (p. 103)
Sa mère, sur son portable. (...)
Elle a une insomnie. S'inquiète inutilement pour papa. S'irrite normalement contre lui. Bien qu'il soit constamment à la maison, elle souffre de la solitude. (p. 55)
[Dialogue entre les deux frères à l'enterrement du père ]
- Tu avais raison, à l'époque. Senior [le Père ] était à la base de tout ça. Je voulais son affection. Tu as eu l'intelligence d'y renoncer, je m'en aperçois maintenant. Je ne suis pas parti au Vietnam pour voir la mort de près. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour l'éviter, pour ne pas la voir du tout. et certainement pour ne pas la donner. je me suis engagé afin de choisir un poste qui me convienne, un poste de gestionnaire bidon, planqué. Mais en faisant ça, je me suis condamné à ses yeux. J'ai obtenu le contraire de ce que je désirais. Il aurait aimé que j'aille joyeusement tirer dans le tas, comme lui. Et donc il m'a méprisé jusqu'à la fin de ses jours. (p. 259)
D'autres nuits, avec ou sans cigarette,il avait pensé que cet arbre incarnait son domaine d'études, sa vie de travail, même son esprit. Après tout, le chêne était déjà là au début du XXe siècle, à produire de l'oxygène pour les Américains de l'époque. (p. 31)