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Citation de SZRAMOWO


Le duc du Maine, outre l’aîné La Billarderie, lieutenant des gardes du corps qui l’avoit arrêté, fut conduit et gardé à Dourlens par Favancourt, maréchal des logis des mousquetaires gris et qui étoit sous-brigadier de mon temps dans la brigade où j’étois ; il m’avoit toujours vu depuis de temps en temps, et néanmoins il fut chargé de ce triste emploi sans que je le susse et sans même que j’eusse pensé à personne pour cela. Je n’eus aussi aucun commerce avec lui direct ni indirect pendant tout le temps qu’il le garda, et il fut auprès de lui jusqu’à sa sortie. Quoique gentilhomme de Picardie, il étoit fin et désinvolte à merveilles, et s’acquitta si bien de son emploi qu’il satisfit ceux qui l’y avoient mis et en même temps le duc du Maine, qui a depuis particulièrement protégé sa famille.

Au retour de Favancourt, je fus curieux de l’entretenir à fond. Il me conta que la mort étoit peinte sur le visage du duc du Maine pendant tout le voyage depuis Sceaux jusqu’à Dourlens ; qu’il ne lui échappa ni plainte, ni discours, ni question, mais force soupirs. Il ne parla point du tout les premières cinq ou six heures et fort peu le reste du voyage, et dans ce peu presque toujours des choses qui s’offroient aux yeux en passant. À chaque église devant quoi on passoit, il joignoit les mains, s’inclinoit profondément et faisoit force signes de croix, et par-ci, par-là, marmottoit tout bas des prières avec des signes de croix. Jamais il ne nomma personne, ni Mme la duchesse du Maine, ni ses enfants, ni pas un de ses domestiques, ni qui que ce soit. À Dourlens il faisoit ou montroit faire de longues prières, se prosternoit souvent, étoit petit et dépendant de Favancourt comme un très jeune écolier devant son maître, avoit trois valets avec lui avec qui il s’amusoit, quelques livres, point de quoi écrire ; il en demanda fort rarement, et donnoit à lire et à cacheter à Favancourt ce qu’il avoit écrit. Au moindre bruit, au plus léger mouvement extraordinaire, il pâlissoit et se croyoit mort. Il sentoit bien ce qu’il avoit mérité et jugeoit par lui-même de ce qu’il avoit lieu de craindre d’un prince qu’il avoit pourtant dû avoir reconnu plus d’une fois être si prodigieusement différent de lui. Pendant le voyage et à Dourlens il mangea toujours seul.
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