Soudain, le terrain en forme de cuvette s'enflamma. Des coups de tonnerre déchirèrent le silence, suivis de hurlements, de cris de douleur et du crépitement d'un brasier. Une colonne de fumée s'éleva du sol, des flammes jaillirent des buissons desséchés, des enfants recouverts de sang sortirent en titubant de la brume. Des mères se précipitèrent sur le lieu du désastre en poussant des cris stridents. On ne distinguait plus les pleurs des cris. Le tableau qui se présentait à nos yeux était celui d'un monde dévasté : des enfants carbonisés, des corps déchiquetés, des objets incandescents que l'on ne pouvait identifier et... des poupées. Il y en avait partout, certaines un peu endommagées, d'autres en parfait état. Un gamin qui venait d'arriver saisit l'une d'elles. Un nouveau coup de tonnerre, un éclair rougeoyant et l'enfant se retrouva au milieu d'une boule de feu qui sembla l'engloutir. Il s'effondra sur le sol, se tortilla en gémissant puis se tut. Nous restâmes paralysés par l'horreur. Ces poupées, remplies de charges explosives, avaient été élaborées et jetées pour tuer des enfants.
" Les armes étaient si grandes que les crosses touchaient presque le sol lorsque nous marchions avec. Je me souviens qu'il fallait les lever légèrement chaque fois que nous passions sur de grosses pierres. Un jour, deux de mes camarades, qui devaient avoir un ou deux ans de plus que moi, se dirigèrent vers le champs de tir avec leur équipement sur l'épaule. J'étais en train de couper du bois en minces copeaux devant servir à l'allumage du feu lorsque j'entendis quelques slaves en provenance du terrain d'entrainement. Soudain, l'un des deux gamins revint en courant et en criant des incompréhensibles. Ses yeux étaient écarquillés d'effroi. Je m'approchai de lui. Sa chemise déchirée et ses jambes étaient tachées de sang.
-Il est mort, mort, mort! hurlait-il sans cesse.
Entre-temps, d'autres camarades s'étaient approchés et lui demandèrent où se trouvait le cadavre. Mon jeune camarade leur montra du doigt le champ de tir.(...)
L'enfant avait été abattu par son meilleur , comme nous ne tardâmes par à l'apprendre. La Kalachnikov avait glissé lorsqu'il avait enlevé le cran de sécurité, une slave était partie et avait déchiqueté la tête de son camarade."