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Critiques de Trevanian (483)
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Shibumi

Drôle de livre… On y trouve des morceaux d'anthologie qui laissent pantois, mais aussi beaucoup de bavardages. Il y a de l'humour, beaucoup d'humour, de la poésie aussi, et de nouveau trop de babillages… Ce livre m'a beaucoup impressionné par son style, sa construction, l'originalité des personnages, son pouvoir évocateur, mais il ne m'a pas plu…

C'est l'histoire d'une lutte à mort entre une puissante organisation secrète – la Mother Company - en passe de dominer le monde car elle contrôle l'énergie fossile, le sang de toutes les puissances industrielles, et Nicolaï Hel, sorte de samouraï moderne, un de ces chevaliers de l'ancien temps, sans peur et sans reproche, empêtré dans ses codes rigides de l'honneur. Ce grand pourfendeur de la race maudite et dégénérée des marchands et des médiocres fut élevé dans la plus pure des traditions japonaises.

Dans ce livre, Nicolaï Hel est une sorte de demi-dieu. C'est Achille sans son talon ; il est beau, suprêmement intelligent, polyglotte, sportif, et vif comme l'éclair ; c'est un épicurien ; immensément riche, il est détaché des basses contingences matérielles ; il est brave sous la torture, bénéficie d'un sens aigu de la proximité (sens détenu par les premiers homo-sapiens, perdu par l'homme moderne, et retrouver par notre héros), et fidèle en amitié.

Est-il besoin de préciser que ses prouesses sexuelles sont hors-normes ?

De son vrai métier, Nicolaï Hel est un tueur. Pas n'importe quel tueur, puisque c'est le plus grand. Un type vraiment dangereux capable de tuer avec une paille, ou un trombone, ou la mine d'un crayon (pas la peine d'acheter le livre pour savoir comment tuer avec une paille : le mode d'emploi ne s'y trouve pas).

Bon ! passe encore pour notre pur et invulnérable héros… Mais ce qui m'a perturbé le plus, c'est son absolue détestation de l'homme occidental, de l'homme blanc. A l'exception (et encore !) du Basque, l'homme blanc est médiocre, veule, paresseux, cynique, et intéressé. Cerise sur le gâteau, la révolution industrielle a fait de lui un vulgaire marchand sans foi ni loi… Ne parlons pas de l'Arabe tout juste bon à garder les chèvres. Pour notre auteur, le seul homme véritable est pétri de culture japonaise. Attention ! pas celle pervertie par la culture occidentale, mais celle des valeurs traditionnelles du Japon… Cette misanthropie, ce mépris pour le commun, a un côté morbide que j'ai fini par trouver insupportable au fil des pages… Et cette distance entre la pureté, l'héroïsme, la fidélité, la force des uns, et la veulerie, la médiocrité, et la turpitude des autres… Malgré les qualités indéniables de ce livre, je n'ai pas du tout accroché.

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L'été de Katya

L'été 1914, le médecin tout frais émoulu Jean-Marc Montjean revient s'installer dans son village natal du pays basque. Ses fonctions lui font rencontrer Paul Tréville et sa piquante jumelle Katya. Fréquemment invité chez eux, il devient l'ami De La famille malgré le comportement souvent déconcertant de chacun de ses membres, et tombe amoureux De La jeune femme. L'état de confusion que ses visées sentimentales provoquent chez ses hôtes le place toutefois face à un mur : quel est donc ce douloureux secret qui semble ronger les Tréville ?





Une profonde mélancolie préside à ce récit, entamé en 1938 parce que le bruit des bottes et la prescience d'une catastrophe à venir renvoient alors le narrateur au souvenir d'un autre gouffre, celui qui devait l'engloutir à la fin de l'été 1914. Cet été-là s'annonçait pourtant parfait. C'était encore pour l'insouciant jeune homme le début de tous les possibles, avant le drame et les désillusions. L'évocation de ce passé prend la saveur douce-amère de l'innocence perdue et du bonheur entrevu. Elle est une parenthèse de lumière qui s'ouvre et se referme, dans une résignation tragiquement désabusée.





C'est donc en s'attendant à la catastrophe que le lecteur se laisse emporter dans un retour en arrière à la saveur délicieusement surannée. Dans l'atmosphère un rien étouffante d'une petite station thermale où se recrée en miniature une société de classes et de convenances, la romance naissante prend très vite une coloration sombre et tourmentée, alors que se dévoile la psychologie de personnages troublants et mystérieux. Dans l'isolement de leur villa mangée par la végétation et la décrépitude, les Tréville, dont on dit qu'ils ont précipitamment quitté la capitale, rivalisent d'étrangeté. Lunaire, le père semble évadé dans son univers d'érudition, tandis que la fascinante complicité du frère et de la soeur, si étonnamment semblables, ne parvient pas à masquer l'ascendant singulièrement autoritaire du premier sur la seconde, pourtant impétueuse et volontaire. le comportement lunatique de Paul, qui, maniant une ironie féroce volontiers menaçante, ne cesse de souffler le chaud et le froid dans son hésitation à accueillir ou à rejeter leur visiteur, déstabiliserait tout autre prétendant que le tenace Montjean. Il n'est pas jusqu'à une étrange présence fantomatique qui ne vienne épaissir le sentiment de malaise qui pèse sur le récit.





Il y a du Stefan Zweig dans l'écriture et la facture classique, mais aussi dans l'intensité psychologique de ce roman. Une ironie acide et un regard sans illusion sur la misogynie d'une société capable des plus bas instincts lorsqu'elle se sent libérée des convenances, sortent de l'ordinaire cette histoire de secret familial et d'amour contrarié au suspense prenant. Nonobstant son dénouement peut-être excessif, j'ai adoré l'élégance De La plume et le brio du récit, qui fait par ailleurs passionnément écho à la longue immersion de l'auteur en pays basque. Coup de coeur.


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Incident à Twenty-Mile

Twenty-Mile, petite, très petite, bourgade plantée au cœur des montagnes du Wyoming et peuplée seulement d'une quinzaine d'habitants. Une petite bourgade bien triste où il ne se passe rien. Seules les dizaines de mineurs de Destiny qui y descendent le temps d'un week-end, après une dure semaine de labeur, pour y faire la bringue et passer du bon temps avec les prostituées de l'Auberge, y apportent un semblant de vie. Il ne se passe rien à Twenty-Mile et pourtant c'est là qu'un certain Matthew, venant du Nebraska, décide d'y poser ses maigres valises. Malin et beau parleur, il réussira à se faire embaucher ici et là pour quelques menus travaux. Sitôt les mineurs repartis dans les montagnes, Twenty-Mile baigne dans une tranquillité morose. Il ne se passait rien à Twenty-Mile jusqu'à ce qu'un trio, au leader illuminé, psychopathe, dangereux et affublé de deux acolytes benêts, tous trois évadés de prison, viennent y souffler un vent de terreur...



Trevanian signe avec "Incident à Twenty-Mile" son dernier roman. Et quel roman... même si ça commence plutôt gentiment. Avec l'arrivée du jeune Matthew, véritable bonimenteur entreprenant qui veut s'intégrer à la vie de Twenty-Mile et qui, on l'apprendra plus tard, cache un lourd secret, l'on fait connaissance avec l'ensemble des personnages : l'aubergiste et sa famille, le patron du grand magasin et sa fille, le tenancier de l'Hôtel des voyageurs et les trois putes qui y travaillent ou encore le révérend. Des portraits savoureux et parfaitement dépeints. Puis tout bascule, la tension et l'effroi s'intensifient, le climat s'alourdit jusqu'à ce que l'horreur et la violence ne soient plus que les maîtres-mots qui paralysent Twenty-Mile. Un western surprenant, cynique, aux dialogues finement travaillés et au scénario implacable. Un roman qui dissèque parfaitement la fin d'une époque, celle de l'Ouest sauvage, et qui dépeint une société désenchantée, rongée, nationaliste et raciste. L'épilogue, malin et étonnant, donne une nouvelle dimension à cette lecture.



Bluffant et saisissant !
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Nuit torride en ville

Mystérieusement caché derrière des pseudonymes qui alimentèrent les rumeurs les plus folles, l’auteur américain (1931 – 2005) qui vécut longtemps incognito dans les Pyrénées basques françaises serait peut-être retombé dans l’oubli, malgré ses millions d’exemplaires vendus partout dans le monde par la seule force de son aura légendaire, si la maison Gallmeister n’avait entrepris la réédition progressive de son œuvre, inclassable et protéiforme. Après, dernièrement, le doux-amer roman L’été de Katya, c’est au tour d’un recueil de nouvelles, paru en anglais en 2000, de nous faire partager le regard incisif et ironique de l’écrivain sur la nature humaine.





Une histoire encadre l’ouvrage, en lui donnant son titre et en l’ouvrant, mais aussi, d’une manière plus originale, en lui servant de clôture avec cette fois un autre dénouement qui en change totalement les perspectives. Illustration de l’idée que « les gens gentils [peuvent] être pires que les méchants, parce qu’il est impossible de lutter contre les gens gentils », la narration se joue à brouiller notre perception du danger quand une pauvre fille malade de solitude rencontre un mauvais garçon tout ce qu’il y a de plus empathique et désarmant. La surprise sera par deux fois au rendez-vous, montrant fort ironiquement qu’il ne faut jamais se fier aux apparences, que l’on soit personnage ou lecteur.





Entre les deux manches de cette partie de colin-maillard opposant traîtreusement ange et démon, l’on sautera des combines d’un vieux forain aux supercheries d’un écrivain dans l’Amérique des années 1930, d’une légende amérindienne que n'aurait pas reniée Jean de La Fontaine et d’un truculent ensorcellement dans une forêt anglaise au temps du roi Arthur aux étonnements contempteurs d’un Ponce Pilate aux prises avec les irrationnelles fièvres messianiques de la Judée, ou encore d’une curieuse scène de drague dans un café de Dallas à un vaudeville mené à fond de train – ou plutôt de calèche – dans les rues de Paris. Le tout ponctué, pour le grand plaisir de nos zygomatiques, de scènes basques résolument satiriques et hilarantes, dénonçant les attaches régionales de l’auteur.





Entre tendresse et acidité, l’ironie s’en donne à coeur joie dans ces pages des plus variées qui pointent toutes quelque travers de la nature humaine, en une série de portraits et de situations si réalistes jusque dans leur fantaisie que l’on en frissonne autant que l’on en rit. Chacune de ces nouvelles est un petit bijou de maîtrise littéraire, à déguster de surprise en surprise. Coup de coeur.


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Shibumi

Pas facile de parler de Shibumi, ce roman protéiforme, qui se présente comme un roman d’espionnage mais l’intrigue qui met en scène la Mother Company, sorte de société secrète dont le but avoué est de maintenir les tensions entre les grandes puissances internationales , n’est qu’un prétexte pour faire les portrait d’un être assez extraordinaire, Nicholaï Hel.



Si les longues pages consacrées à l’étude des grottes basques m’ont laissée de marbre, voire agacée , moi qui ne savait même pas ce qu’était une résurgence (lacune corrigée, merci Trevanian), et qui ai beaucoup de mal à visualiser de telles descriptions, ce roman reste tout de même remarquable, tant le personnage est fascinant. Son éducation et le bagage génétique hérité d’une mère elle aussi hors norme qui a choisi le père comme on choisit un étalon.



« De dix ans plus jeune qu’elle, il était très beau et très sportif. Cavalier émérite et escrimeur de premier plan, il lui servait d’élément décoratif, et la seule allusion qu’elle fit en public à leur intimité fut de le décrire comme un « spécimen propre à la reproduction ». »



, en font un être exceptionnel, d’une grande intelligence et des facultés émotionnelles et sensorielles étonnantes. Même s’il perd ce pouvoir au moment où il en aurait le plus besoin, il possède une aptitude spontanée à l’éveil, cette sorte de communion avec l’universel qu’il convoque à l’envi.



Trevanian réussit à créer une belle empathie avec Nicholaï, mais d’autres personnages tirent bien leur épingle du jeu. Ainsi, le Cagot, responsable d’une grande partie de l’humour distillé au fil des pages. Il est d’ailleurs étonnant de trouver au sein d’un roman américain une telle connaissance du pays basque, et du caractère bien trempé de ses autochtones. Ce serait presque le pays des rêves, comparé aux USA, contrée pour laquelle l’auteur ne mâche pas ses mots :



 

« L'Amérique a été peuplée par la lie de l'Europe. Ceci étant, nous devons les considérer comme innocents. Innocents comme la vipère, le chacal. Dangereux et perfides mais non coupables. Tu les méprises en tant que race. Mais ce n'est pas une race. Pas même une civilisation. Seulement un ragoût culturel, des détritus et des restes du banquet européen. Au mieux, une technologie à apparence humaine. Pour éthique, ils ont des règles. La quantité chez eux fait office de qualité. Honneur et déshonneur se nomment "gagner" et « perdre ». »



Et le shibumi dans tout ça? Si difficile à définir, un équilibre entre le désir et la possession,







« shibumi implique l’idée du raffinement le plus subtil sous les apparences les plus banales. […] Shibumi est compréhension plus que connaissance. Silence éloquent. Dans le comportement, c’est la modestie sans pruderie. Dans le domaine de l’art… c’est la simplicité harmonieuse, la concision intelligente. En philosophie… c’est le contentement spirituel, non passif ; c’est exister sans l’angoisse de devenir. Et dans la personnalité de l’homme, c’est… comment dire ? L’autorité sans la domination?



La profondeur du personnage, le contraste entre le respect pour les valeurs orientales et la piètre opinion des « cow-boys d’importation, tout cela posé sur l’écrin d’une région française à forte personnalité constitue un mélange saisissant, et rend ce roman assez inoubliable.




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Incident à Twenty-Mile

Grâce à Babélio et à ses lecteurs, je me suis découvert un intérêt pour le genre western dont je ne soupçonnais pas l'existence jusqu'à il y a peu, j'ai aussi découvert les éditions Gallmeister qui se sont spécialisées dans le genre.

Avec "Incident à Twenty-Mile" j'ai aussi et surtout fait connaissance avec Trevanian, un auteur qu'il me tardait de rencontrer, je ne sais pas si ce roman est représentatif de son style, mais je peux dire que je me suis régalé de la première à la dernière page, notes comprises.

Ainsi que l'explique l'auteur dans sa génèse du roman en fin d'ouvrage, il revisite ici les archétypes conventionnels dans ce qui sera le seul western de sa bibliographie.

Le "Kid", le joueur de poker tuberculeux, les filles de saloon au cœur d'or, le petit commerçant philosophe, le prédicateur de l'ouest sauvage, la jolie jeune première d'une ville bientôt fantôme, le nouveau venu mystérieux et amer, le hors-la-loi qui se déchaîne sur la ville tel un fléau biblique.

Ce récit sera tantôt fascinant, tantôt dérangeant mais toujours passionnant.

il s'agit avant tout d'une galerie de personnages brossés avec talent, leur psychologie vaut à elle seule cette lecture et ce même si le scénario est finalement prévisible, l'essentiel tient vraiment dans leurs interactions qui m'ont littéralement scotché.

Des personnages pour la plupart usés, aigris ou en fin de course, et pour certains qui rêvent d'un avenir meilleur que cette vie en impasse à Twenty-Mile.

La structure du récit m'a un peu dérouté, elle est plutôt originale avec ses flashs back et ses décalages et pourtant cela finit par donner une dimension encore plus dramatique à l'ensemble, comme d'être dans une scène ou vous entendez un coup de feu pour ne connaître le déroulement exact des événements que cinquante pages plus loin en le vivant cette fois "en direct".

Un récit qui est aussi historique à sa façon puisqu'il évoque ces villes champignons éphémères qui font partie de l'histoire des Etats-Unis avec son cortège de faillites et de drames, merci à l'auteur pour tous ces développements en fin d'ouvrage.

Pour conclure j'ai aimé cette lecture, le style de Trevanian m'a conquis.
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Shibumi

Il y a des lectures, bouleversantes, stupéfiantes, terrifiantes ou hilarantes et il y a des lectures.... déroutantes.

Je viens de rencontrer l'un des livres les plus étranges de ma carrière de lecteur.

Et, au moment de rédiger cette chronique, me voici bien embarrassé.

C'est pourtant simple me direz-vous, il y a trois possibilités.

1- J'ai aimé

2- Il m'a laissé indifférent

3- J'ai détesté

C'est là qu'est l'os hélas.

Shibumi, c'est tout ça. Je suis passé par tous les sentiments en le lisant.

Ne vous fiez pas à la 4ème de couverture. Nicolaï Hell est l'homme le plus recherché du monde, etc...

Vous croyez que vous êtes partis pour une chasse à l'homme sur un rythme endiablé, et bien détrompez-vous. Trevanian se charge de freiner votre enthousiasme.

Alors c'est quoi ce livre ?

Un roman, un grand roman, un méga roman. De ceux qui vous hantent.

La raison ? Justement, quand vous le refermez, vous ne comprenez pas pourquoi.

Il est inclassable, agaçant parfois, et pourtant il ne vous laisse pas indifférent.

Du Japon d'avant-guerre jusqu'aux gouffres du pays basque d’aujourd’hui, attendez-vous à être surpris.

Et le Shibumi saurez-vous l'atteindre ?

Je fais beaucoup de mystère, n'est-ce pas ? Mais, je vais vous avouer quelque chose, l'amie libraire qui me l'a vivement conseillé ne m'en n'avait rien dit de plus, me laissant découvrir cette œuvre d'un auteur depuis disparu, maintenant, je sais pourquoi, ce livre est irracontable.

A votre tour, prenez le risque...
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La sanction

Qu'est-ce qui fait qu'un livre fonctionne sur nous ? Un style qui nous plaise d'abord, probablement : ici aussi fluide que percutant, rythmé par les dialogues vivants en diable qui émaillent le récit imagé par ailleurs, dont il ressort des descriptions des lieux et gens une sorte de beauté poétique ; la plume est aussi bercée d'un humour noir et d'un cynisme savoureux qu'illumine une indubitable et étrange humanité, au coeur de personnages dans lesquels on s'attend le moins à en trouver. Les personnages donc, ensuite : Trevanian nous brosse des portraits aussi vivants que marqués, sans pour autant tomber dans la caricature. En plus d'être des gens d'actions, ils sont drôles et malgré tout plus complexes que nos préjugés sur les tueurs à gage ou les criminels d'Etat nous le laissaient espérer. L'auteur nous rend donc ses personnages aussi intéressants qu'attendrissants. L'histoire quant à elle est assez complexe pour être intrigante, et assez simple et confortable pour nous maintenir dans cet état d'hypnose tranquille que j'apprécie particulièrement dans mes séances de lectures hivernales de canapé-plaid. Par ailleurs, l'auteur est pédagogue : par les pensées et dialogues de ses personnages, il nous explique tout en temps et en heure. En attendant, le suspense plane et l'impatience nous gagne de connaître l'issue de cette ascension qui devrait, normalement, mal tourner. Et puis il y a la magie des lieux aussi, qui participe à l'ambiance qui plane sur notre lecture. Et là, on est gâtés. Si je m'attendais à être rapidement expédiée en montagne, j'ai finalement été ravie que Trevanian nous invite au préalable chez son Jonathan Hemlock, car sa demeure vaut le détour : une église, dans laquelle j'ai beaucoup aimé déambuler avant que la montagne me gagne et que le suspense soit à son comble dans la dernière ligne droite !

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Jonathan Hemlock est un professeur d'art que la passion pour les belles oeuvres contraint à accepter une source de revenu bien plus lucrative : Ancien du service de renseignement de l'armée durant la guerre de Corée, il a été repéré et sollicité par la section Recherche et Sanction du CII, organisation chargée de regrouper les différents bureaux, agences, services, cellules etc de renseignement et d'espionnage durant la seconde guerre mondiale. « La division Recherche était chargée de découvrir les responsables de l'assassinat d'un agent du CII. La division Sanction exécutait les coupables. » Jonathan est donc contacté pour sanctionner un coupable. le problème est que son identité n'a pas encore été confirmée : on sait simplement qu'il s'agit d'un des alpinistes engagés dans la prochaine ascension de l'Eiger, la plus dangereuse montagne des Alpes. Sélectionné pour cette mission du fait de sa renommée en tant qu'alpiniste, Jonathan devra profiter de participer à cette ascension pour sanctionner sa cible… qui est donc a priori l'un de ses compagnons de cordée, à qui il est sensé confier sa propre vie ! Sans compter que la cible pourrait se sentir menacée et chercher à l'abattre en premier.

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« La corde reliant deux hommes sur une montagne est plus qu'une protection de nylon ; c'est un lien organique qui transmet de subtils messages d'humeur et d'intention d'un homme à l'autre ; c'est une extension des sens tactiles, un lien psychologique, un fil le long duquel passent des flots de communication. Jonathan avait senti au-dessus de lui l'énergie et la détermination désespérées de Karl et au-dessous les gestes vagues et dérisoires de Jean-Paul - d'étranges élans de force alternant avec la lenteur presque subliminale de l'hésitation et du désarroi. »

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Un thriller d'espionnage parodique au rythme et à l'humour parfaitement divertissants. Super moment de lecture en ce qui me concerne, je recommande !

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The Main (Le flic de Montréal)

La couv' Gallmeister pocket est belle, le titre sobre et accrocheur.

Allez hop, The Main dans les mimines, je me lançais gaillardement sur les traces du lieutenant Claude LaPointe, aucun lien de parenté avec Bobby affiché à ce jour, pour arpenter ce bruissant quartier de Montréal aux antipodes d'un long Saint-Laurent tranquille.



Un polar, pas vraiment.

Un crime talonné par une enquête au cordeau tenteront vainement de nous faire croire à un roman de genre mais l'intérêt est ailleurs.



J'y suis rentré timidement, peu rompu à ce type d'atmosphère.

De plus, pour une raison subliminale qui m'échappe encore, j'ai mis un certain temps à me débarrasser des oripeaux du King et de son Maine entêtant pour laisser libre cours à Trevanian et ses descriptions ensorceleuses.



Le flic est bourru, veuf, condamné.

Flanqué professionnellement d'un assistant dont il se fout complet et, dans le privé, d'une jeune asphalteuse qui le trouble, LaPointe trace son sillon laborieusement.



Qui suis-je, où vais-je, dans quel état j'erre?

Trevanian interroge sur le sens de la vie.

A force de rencontres hasardeuses, d'amitiés malmenées, de souvenirs dévorants et de no future promis à très courte échéance, ce vieux flic séduit terriblement.

Une errance quasi mystique au travers d'un quartier sublimé par une plume descriptive aussi forte qu'un vieux steak de caribou boucané, la balade est somptueuse, l'ambiance surannée et amère qui s'en dégage palpable.

De plus, Trevanian possède l'élégance de la subtilité et du non-dit.

Aux évidentes descriptions factuelles, l'auteur préfère laisser libre-cours à l'imaginaire du lecteur, accentuant par là même une émotion déjà intense.



J'ai adoré déambuler dans la Main aux côtés de ce vieil argousin au bord du gouffre.

Nul doute que j'irai refaire un tour du côté de chez Trevanian à la recherche du temps suspendu.
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Incident à Twenty-Mile

La vache, qu'est-ce que c'était bon !



Trevanian s'essaye au western et réalise le sans-faute.

Intrigue au cordeau, personnages emblématiques, huis clos de malade avec un méchant possédant de vrais morceaux de folie pas vraiment douce à l'intérieur de lui-même.



Ce Twenty-Mile, c'est un grand huit émotionnel avec un auteur passé maître dans l'art de la clim' réversible.

Une plume captivante, immersive, acide.

Un western old school, pur jus, qui prend son temps, fait monter la pression par paliers (cherchez pas la décompression, ce Trevanian y est hermétique) pour décisivement éclater votre tensiomètre. De la péloche sur papier glaçant qui comblera d'aise tous les amateurs du genre, les autres itou.



Du grand art.



Magistral !
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The Main (Le flic de Montréal)

Pour apprécier ce polar atypique, il faut accepter de se laisser porter par le rythme lent de l'intrigue. Si vous ne jurez que par la frénésie des polars actuels qui jouent la montre, la course aux rebondissements et le dénouement abracadantesque, passez votre chemin. Ici, la trame est ultra simple en mode traditionnel pépère meurtre – enquête – résolution.

En fait, l'enquête en elle-même n'est qu'un prétexte pour nous promener dans La Main, quartier central de Montréal, à la lisière des communautés et des milieux sociaux, pas loin du taudis cosmopolite. C'est toute l'ambiance des années 70 que l'on hume. Magistral comme ce quartier prend vie à travers une approche quasi sociologique de toute la faune locale : drogués, prostituées, jeunes filles paumées, escrocs minables, robineux ( SDF en québécois ). Pas un hasard si le personnage central, l'enquêteur LaPointe lit inlassablement la saga naturaliste de Zola.

J'ai eu un coup de coeur pour ce personnage de vieux flic fatigué mais toujours passionné par la protection des anonymes de son secteur, rongé par des fêlures inguérissables. Un personnage profondément humain et touchant.

Le tout est porté par une très belle langue, vivante, puissante et envoutante.

Un faux polar sensible inclassable. Mon deuxième Trevanian après la déflagration Shibumi.
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La sanction

La montagne, ça vous gagne !



Perso, j'ai développé une totale et profonde aversion envers l'hiver, son froid, sa messianique poudreuse, ses hordes de skieurs et leur rituel saisonnier consistant à dévaler les pentes à fond les spatules sans aucun respect élémentaire du code de la route. Et je ne parle même pas du triste gland, adepte du hors piste, et bien trop sûr de son fait avant d'avoir été logiquement enseveli sous quelques mètres de glace vengeresque. Pas plus tard que la veille au soir, j'en parlais encore à mon poêle qu'était pas loin de se ranger à mon avis, n'était un louable questionnement existentiel quant à sa raison d'être justement légitimée par cette satanée saison.

Bref, tout ça pour dire que l'hiver, ça m'fout en l'air, mais la sanction, c'est tout bon !



Hemlock symbolise le véritable couteau suisse humain.

Prof d'art, alpiniste renommé, tueur à ses heures perdues, beau gosse forcément tombeur...on y croit pas une seconde mais on s'en fout complètement.



Le pitch intrigue suffisamment pour que l'on s'y penche, habilement raccordé à un python rocheux, on est pas là pour jouer sa p'tite santé non plus.



On l'aura compris, les grands espaces montagneux sont omniprésents, délicieusement décrits par une plume que l'on sent fascinée par la potentialité d'y laisser sa peau à tout moment.



Le héros est épicurien sans être vénal. Problème, ses passions nécessitent pas mal de flouze d'où cette ultime mission histoire de renflouer les caisses et pouvoir assouvir encore quelque temps ses dispendieuses marottes.



Si le bonhomme ramène immanquablement à Bond, James Bond, la femme apparaît ici comme sournoise, lorsqu'elle ne fait pas figure d'objet sexuel consentant envers un mec manquant cruellement de tact et d'éducation envers la gente féminine. Gros bémol à ce niveau.



Un point noir largement rattrapé par un humour omniprésent et une trame maîtrisée au suspense grandissant.

Trevanian, c'est un style direct et flamboyant.

C'est également une agence de voyage reconnue capable de transformer vos doutes les plus saillants en convictions solidement ancrées.

Ah oui, je vous ai pas dit, on se voit à Courch' cette année ! Opération premier flocon, option luge de fond, amorcée. Chaud devant, ça va tracer comme un têtard sur les pistes immaculées...
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The Main (Le flic de Montréal)

"The Main", une rue populaire du Montréal des années 1970, est le territoire du lieutenant Claude LaPointe, un vieux flic veuf qui, le soir, après avoir arpenté les rues du quartier, joue aux cartes avec ses amis.

Trois événements viennent bouleverser la vie du policier : un jeune homme est retrouvé assassiné dans une ruelle ; on lui adjoint Guttmann, un stagiaire, pour mener l'enquête ; il prend sous son aile Marie-Louise, une jeune femme égarée en ville et qui se prostitue occasionnellement.



Quelle plume !

L'auteur nous entraine dans les pas du lieutenant LaPointe, en patrouille le long de "The Main", la rue du policier, et ses ruelles adjacentes. Cette déambulation est l'opportunité saisie pour nous faire toucher du doigt l'ambiance du quartier. Un quartier qui est le personnage principal du roman, avec ses bars glauques, ses prostituées occasionnelles ou professionnelles, ses petits truands, mais aussi ses braves gens qui cherchent un moyen de s'en sortir... Le décor est planté !

Confronté à la violence, une violence qu'il utilise parfois lui-même, le vieux policier désabusé va voir ses méthodes interrogées par la jeunesse, représentée par le stagiaire et la jeune femme qu'il héberge. Une remise en cause qui culminera lors du dénouement de l'enquête.

Il n'y a pas de stratégie dans la façon dont l'enquête est menée. Le policier se laisse porter d'indice en indice, ouvre des portes les unes après les autres en espérant que l'une d'entre elles révèlera le coupable. Il lui faudra quand même l'œil d'un scientifique et un peu de chance pour résoudre l'affaire.

L'auteur a une façon bien à lui d'écrire, avec lenteur, faisant ressentir sans toujours donner trop de détail. On peut parfois penser aux meilleurs des Simenon-Maigret, le dépaysement en plus.



Une plume originale !








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L'été de Katya

Première incursion dans l'univers de Trevanian et quelle lecture !!

J'ai été fascinée, envoûtée du début à la fin du roman. À la réflexion, l'été de Katya me paraît un titre bien faible pour un tel roman. La folie de Katya correspondrait mieux. Bien sûr, il aurait l'inconvénient de dévoiler un pan fondamental de l'intrigue.

Tout, d'abord, c'est l'été, le terrible été de 1914 qui sonnera le glas de la première grande déchirure du XXieme siècle et se soldera par une guerre où l'innocence, la joie, la vie de jeunes gens se fondra dans l'aliénation du monde.

Notre héros, un jeune et frais médecin fait ses premières armes dans une clinique à la solde d'un médecin confirmé. Cette histoire se passe dans un petit village de la côte basque, très important puisque notre jeune médecin est basque. D'ailleurs, nous apprenons beaucoup de choses pertinentes sur une fête et les traditions basques.

Ce livre est l'histoire de l'Amour malheureux, celui de notre jeune médecin pour la belle Katya, mais de façon plus universelle de l'amour tout court. Chaque protagoniste de ce roman ne peut y accéder. Katya, alias Hortense n'a pas eu l'occasion de le vivre, on l'a broyé et souillé quand elle n'était encore qu'une adolescente.

Le roman fait la part belle à la folie, au mensonge, à la duplicité que les écrits du jeune Freud commencent à éclairer.

J'ai beaucoup aimé cette nostalgie de notre héros qui au mitan de sa vie couche par écrit son histoire pour tenter de s'en libérer.



En bref, j'ai passionnément aimé cee livre et vous le recommande.
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L'été de Katya

C'est en août 1938, alors que le bruit des bottes se fait de plus en plus pressant et qu'il craint une autre guerre, que Jean-Marc Montjean prend la plume pour coucher sur le papier ses souvenirs d'un autre été. L'été 1914 lors duquel là aussi la guerre approchait. Mais dans l'insouciance de sa jeunesse, tout juste sorti de la faculté de médecine, le tout nouveau docteur Montjean ne songeait guère à un éventuel conflit. Installé à Sallies, une ville d'eau de son Pays basque natal, il assistait le docteur Gros auprès de curistes riches et ménopausées. Mais très vite, toutes ses pensées tournèrent autour de la pétillante Katya de Treville, rencontrée par hasard à l'occasion d'une blessure de son frère jumeau Paul et dont il tomba irrémédiablement amoureux.



Une villa à l'abandon, un jardin hanté, une famille mystérieuse, un secret bien gardé et un jeune homme candide qui déboule avec ses grands sentiments pour chambouler le fragile équilibre de ces aristocrates qui vivent en marge. Tous les ingrédients sont réunis pour un roman aux allures de drame victorien. Le mystère plane autour des Treville. le père est un érudit spécialiste du Moyen-Âge, toujours plongé dans ses livres, la tête ailleurs, la mémoire parfois défaillante. le fils, Paul, joue les aristos blasés, revenus de tout, il peut être charmant mais sait aussi être impoli, voire féroce quand il s'agit de protéger sa soeur jumelle. Cette dernière, Katya, toujours vêtue de blanc, jolie comme un coeur, peu conventionnelle, semble croquer la vie à pleines dents malgré une vie de famille repliée et solitaire. Malgré les secrets et les mises en garde, Jean-Marc Montjean n'aura de cesse de se faire accepter et aimer par l'élue de son coeur. Savant mélange d'héroïsme, d'égoïsme et de certitudes, le jeune médecin va précipiter l'issue dramatique des évènements pour son plus grand malheur.

Trevanian change ici de registre et délaisse l'espionnage au profit du drame romantique. On pense bien sûr à Wilkie Collins même si l'Angleterre laisse place ici au Pays basque. On sent tout l'amour de l'auteur pour cette région où il a vécu. Un Pays basque sublimé où le soleil brille, où les orages d'été peuvent vous tremper jusqu'aux os en une minute, où les traditions sont toujours vivaces.

Un roman sympathique sans être révolutionnaire. Une lecture agréable malgré un sujet souvent exploité en littérature.

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Shibumi

Shibumi c’est une merveille. On peut l’atteindre en lisant Trevanian. C’est un auteur incontestablement bon. Dans ce livre, il y du beau style. De l’espionnage, contre-espionnage, de l’histoire aussi, de la poésie, de l’humour et même une immersion en cavités souterraines, en plein ventre de la terre.

Notre homme s’appelle Hel.

Il est russifié par sa mère et on ne sait pas trop par son père, perdu de vue. Elle, une aristocrate et lui, devenu son père de cœur, est un maître de Go, le général Kishikawa. Ça donne un type qui ne ressemble à personne. Il a des yeux verts et froids. Il possède le don de proximité qui fait que rien ne lui échappera, surtout pas vous. Il est donc très perspicace et peut s'exprimer en pas moins de cinq langues. C’est un excellent stratège de par sa maturité intellectuelle et sa performance au jeu de Go.

Hel a une compagne avec laquelle il partage sa vie ; tous les deux atteignent un certain nirvana en termes de jeux sexuels, mais on n’en saura rien en profondeur et c’est très bien. Nous irons aussi loin qu’il est possible, mais dans les entrailles de la terre, en spéléologie, et là, il nous faudra bien nous équiper. Hel a aussi son jardin secret où aucune fleur ne pousse ; en ce lieu, on entend bruisser, gémir, murmurer, ourdir les pierres et l’eau. Hel est un magicien de beauté et de tendresse mais il est aussi un redoutable tueur. Quand Hannah disparaîtra, la fille de son ami Asa Stern, elle ne repartira pas sans rien de lui, ni son ami Le Cagot, un basque né, fervent Biarrot. Et, que dire de ses ennemis, jusqu’à un certain point, ils auront à ‘cœur’ un souvenir de Hel. Et, ce prêtre, dit-on (l’habit ne fait pas le moine), sera-t-il un exfiltré du purgatoire ?

Vous en dire plus serait, malhonnêtement, ternir votre éblouissement, tellement je peux supposer, que, comme moi, vous l’aimerez. D’ailleurs, tous ces livres me sont chers par la force de l’écriture.

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Shibumi

Winslow-Trevanian, Trevanian-Winslow : qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse ?



Avant même de lire une ligne de « Shibumi », je connaissais déjà le héros Nicholaï Hel à travers le roman « Satori » écrit par Winslow en hommage à Trevanian. Sous la plume du grand auteur américain, Satori imaginait dans divers pays asiatiques la destinée de Nicholaï en tueur à gages à partir du moment où il a été fait prisonnier et torturé par les Américains à l’âge de 26 ans.



Dépassant désormais la cinquantaine dans « Shibumi », Hel a pris sa « retraite d’assassin » et passe des jours paisibles dans un château perdu dans le Pays basque français. Hel occupe son temps libre à embellir son jardin japonais, à pratiquer la spéléologie avec son compagnon Le Cagot, notamment dans le gouffre de Port de Larrau ou encore à explorer les « techniques érotiques japonaises » avec sa maitresse nippone Hana.



Mais un jour, Mlle Stern, une jeune femme aux abois débarque dans le chateau basque après l’assassinat dans l’aéroport de Rome de ses deux compagnons d’infortune. Traquée par une vielle connaissance de notre héros, la Mother Company, une organisation américaine supra-nationale, Hannah Stern va malgré-elle remettre en selle Nicholaï Hel dans son costume de Zorro (sans épée, ni masque).



Pour un ouvrage écrit en 1979, ce roman de Travanian, pseudonyme de Rodney William Whitaker, n’a pas pris une seule ride. On peut même le qualifier d’intemporel, d’inclassable ou encore de déroutant. Totalement Déroutant en effet.



Je ne m’attendais pas à cette histoire se déroulant en France qui sert de fil rouge à la découverte de ce curieux personnage mi-ange mi-démon sportif et polyglotte (Nicholaï parle couramment le russe, l'anglais, le français, le chinois et le japonais).



Même si l’on imagine assez bien la fin du livre, l’auteur nous sème parfois au cours de ce chemin tortueux et nous surprend avec cette longue escapade au fond d’un gouffre.



Que vous souhaitiez percer le mystère de Nicholaï Hel, connaitre la signification de Shibumi ou bien encore découvrir les bienfaits du « Délice du Rasoir », la seule solution qui s’offre à vous est de se procurer le roman d’espionnage de Trevanian : "SHUBLIME".



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Shibumi

Curieux livre que ce Shibumi, publié en 1979, roman-culte, best-seller mondial, marqueur d’une évolution du roman d'espionnage traditionnel vers le thriller.



Shibumi est un roman à la matière riche. Il est composé d’une intrigue à suspense palpitant mettant aux prises des services spéciaux, des terroristes et des combattants anti-terroristes. C’est aussi le récit de la vie romanesque et « extraordinaire » du personnage principal, disons même du héros, Nicholaï Her. C’est enfin un roman qui se veut philosophique et qui soulève des questionnements profonds.



1978. Un petit groupe de jeunes Israéliens pourchassent, pour les exécuter, des membres de l'organisation palestinienne Septembre noir ayant participé, quelques années plus tôt, à la prise d'otages et au massacre des jeux olympiques de Munich. Mais déjouée avec une infinie brutalité par la CIA et un mystérieux organisme apparemment tout puissant, la Mother Company, l'opération tourne très rapidement au fiasco. Pour des raisons qui leur appartiennent, les Américains s’opposent à tout ce qui pourrait susciter colère chez les Palestiniens et contrariété dans le monde arabe.



Résolue à mener à bien le projet du groupe israélien dont elle est la seule survivante, une jeune femme va chercher à y entraîner un certain Nicholaï Her, un ancien mercenaire antiterroriste, réputé pour son efficacité de tueur au service de bonnes causes, aujourd'hui retiré en France, fortune faite, dans le château qu’il a acquis et rénové au cœur des montagnes du pays basque. Face à la Mother Company, la lutte sera terrible, incertaine, meurtrière, sans quartiers... avec l’arsenal technique de l’époque.



Mais qui est donc Nicholaï Her ?... Il est le surhomme absolu ! Insurpassable sur tous les plans ; ressources physiques et mentales, valeurs éthiques, raffinement du goût, intelligence stratégique (il est maître au jeu de go), efficacité (il tue un ennemi avec n’importe quel objet courant), sans oublier des yeux vert bouteille et un savoir-faire sans égal pour donner du plaisir aux femmes ! Au rancart, les héros de polar de ma jeunesse – James Bond, Hubert Bonnisseur de la Bath, SAS le prince Malko Linge et le commissaire San Antonio ! Pour trouver une référence, il me faut remonter plus loin dans mon adolescence, à Edmond Dantès devenu Comte de Monte Christo, riche à profusion et justicier implacable, juste, parfait.



Caricature délibérée ou projection fantasmatique de l’auteur ? Au cours de ma lecture, je me suis posé la question à plusieurs reprises. J’y reviendrai.



La vie de Nicholaï Her est racontée sous forme de larges flashbacks. Passionnant ! Son enfance auprès d’une mère russe fantasque exilée à Shanghai ; son adolescence au Japon à la fin des années trente et pendant la guerre ; son errance, après la capitulation, dans un Japon anéanti ; ses démêlés avec les forces d'occupation américaines, avant qu’elles ne prennent conscience de ses talents hors du commun et ne décident de l'employer pour des missions secrètes de « neutralisation » extrêmement difficiles et périlleuses. Un tremplin !



Il est inhabituel et fascinant de regarder l’histoire en perspective depuis le Japon. Nicholaï a été nourri de culture japonaise, la culture millénaire d’un Japon impérial et impérialiste disparu en 1945. Il n’a que mépris pour le modèle américain, ses valeurs individualistes et mercantiles. Les pays européens ne lui inspirent pas plus de respect (sauf la culture basque !). Matière à méditer... Mais à la longue, les incantations répétées contre les modes de vie occidentaux deviennent agaçantes.



Captivants, en revanche, les longs passages consacrés aux pérégrinations spéléologiques dans les Pyrénées basques. Une activité de sport extrême qui colle bien au profil de Nicholaï. La description du moindre détail des cheminements pourrait paraître illusoire à l’époque de l’image, mais tout se passe dans l’obscurité et il faut des fusées éclairantes pour apercevoir un court instant le contour de grottes de centaines de mètres de hauteur. Pas de visibilité non plus à l’air libre, lorsque descend le brouillard des « jours blancs », phénomène courant dans les Pyrénées. Ecriture donc incontournable ; à notre imagination de faire le reste.



Rien à dire, justement, sur l’écriture – du traducteur –, bien tournée, directe, efficace ; sauf pour le langage parlé d’Américains gouailleurs, toujours difficile à transposer.



Au fond, quel est le véritable sens de ce roman ? Quelle est la part d’authenticité et d’outrance dans les convictions et les aspirations exprimées, dans la description des personnages et des situations ? Il faut savoir que l’auteur, un Américain atypique nommé Rodney Whitaker, aujourd'hui décédé, a longtemps préservé son anonymat par le biais de plusieurs pseudonymes, dont celui de Trevanian avec lequel il a signé ce roman, Shibumi.



Whitaker et Trevanian, une double personnalité – un écrivain, un narrateur – pour incarner deux conceptions de l’ouvrage : roman d’aventures pour l’un, pastiche de roman d'aventures pour l’autre. Deux chemins pour découvrir l’état transcendantal de Shibumi. C’est ce que l’on souhaite au final pour Nicholaï et pour Hana, sa merveilleuse compagne.


Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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The Main (Le flic de Montréal)

Trevanian, j'ai beaucoup aimé The Main. Le lieutenant LaPointe me touche, pour moi aussi, il devient Claude. Bien sûr, c'est un policier, il y a un mort, donc une enquête, puis une piste et des morts qui peu à peu remontent à la surface. Un policier mais un roman, une histoire avec une excellente construction, des lieux et des émotions. Tout cela avance dans les années 70 à Montréal, boulevard Saint-Laurent et comme j'y suis, il fait très froid et je remonte mon col. J'entends des parlers divers dans ce quartier de la Main, où je côtoie tous les styles et toutes les nationalités. L'écriture est parfaitement adaptée aux situations, elle est même poétique pour ce qui sied aux paysages et aux tourments, mais je m'apaise en jouant au pinocle avec ces personnages. J'aime bien.
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The Crazyladies of Pearl Street



×××××× LES FEMMES FOLLES DE PEARL STREET ××××××



C'est un peu dommage que Rodney William Whitaker, mieux connu sous son nom de plume de Trevanian, ait sorti sa machine à écrire (une vieille Underwood, je présume ?) à l'âge relativement avancé de 41 ans pour composer, en 1972, son premier ouvrage : "La sanction". Ainsi, il ne lui restait plus que 33 ans de vie pour nous ravir de ses talents d'écrivain. "The Crazyladies of Pearl Street" date de l'année de son décès 2005 et offre le grand avantage qu'il s'agit d'un roman largement autobiographique. Dommage aussi qu'il n'y ait toujours pas de version française ! Comme si l'auteur d'entre autres "Shibumi" , 69 critiques sur Babelio, était un scribouillard amateur inconnu en France !



Il y a tout juste 40 ans que j'ai lu mon premier roman de lui : "The Main", initialement paru en Français comme "Le flic de Montréal". Un roman qui m'avait plu, comme à 26 babéliotes d'ailleurs. Selon Wikipédia 5 de ses livres se sont vendus à plus d'un million d'exemplaires chacun. Il a été le seul auteur de "littérature de gare" ("airport paperbacks") à être comparé à Ian Fleming, Edgar Allan Poe, Geoffrey Chaucer et même notre grand Émile Zola !



Si l'auteur nous prévient qu'il s'agit d'un roman avec des personnages fictifs, il n'en demeure qu'aussi bien la situation géographique, Albany, la capitale de l'État de New York, que la période des événements, de 1936 à 1945, correspondent miraculeusement à celles de Trevanian lui-même.

En effet, il est né en 1931 dans l'État de New York et il a connu la misère lors de la grande Dépression après le Krach de Wall Street.

En plus, l'auteur nous sert une histoire émouvante de passage à l'âge adulte ( une "coming of age story").



Nous sommes en 1936 et l'ouvrage nous plonge en plein quartier pauvre, sous contrôle d'immigrés irlandais fraîchement débarqués, du "Big Apple" (la grosse pomme, surnom donné à la ville de New York), où nous faisons la connaissance du petit galopin au nom d'origine bien française, Jean-Luc LaPointe (en 1 mot, à l'américaine), 6 ans, sa petite soeur Anne-Marie, 3 ans, et sa jeune mère Lucile de 27 printemps, abandonnée par son mari avant l'arrivée de la petite et qui lui a laissé tout juste 2 dollars pour se débrouiller avec ses 2 mômes. Jean-Luc est fier de sa maman qu'il trouve la plus jolie sur terre. Il ignore qu'elle est fine parce qu'elle souffre des poumons. Son père dont il a seulement une photo, a, selon sa mère, aussi ses qualités : il danse comme Fred Astaire et Gene Kelly et est aussi bien habillé que les dandies George Brummell et Oscar Wilde (les comparaisons sont miennes).



Coup de théâtre : au bout de 4 longues années d'absence sans le moindre signe, la jeune mère, qui bosse dans un resto comme serveuse pour survivre avec les siens, reçoit une missive de son cher époux, Ray, l'informant qu'il a trouvé un job et un flat, où il l'invite. Deuxième coup de théâtre : arrivée précipitamment avec sa progéniture à l'adresse indiquée ... point de mari à l'horizon !



Mais qui sont les "crazy ladies" de la rue pompeusement baptisée "de la perle" ?



Elles sont 5 :



- Mademoiselle Cox, la maîtresse d'école, à la fois crainte et ridiculisée ;

- Madame Kane, qui gère un salon de beauté à l'arrière de la mini épicerie de son mari et qui joue à la diseuse de bonne aventure ;

- Madame Meehan, la matriarche d'une famille de voyous résidant de l'autre côté de la rue ;

- Mrs. McGivney, qui soigne son mari rentré catatonique des champs de la mort d'Europe à la fin de la Première Guerre mondiale et ....

- Lucile LaPointe, la mère non conventionnelle et vivace de notre petit Jean-Luc et qui a du sang mixte canadien et indien.



L'auteur remarque que ces femmes n'étaient pas vraiment folles, juste légèrement excentriques ou simplement différentes.



Cet environnement n'est pas totalement dépourvu d'un certain charme, mais Jean-Luc ne pense qu'à s'en aller évidemment le plus vite possible.

Comme Trevanian avait compris très tôt que son passeport de sortie de cette misère était un bon diplôme. Il a obtenu un doctorat en littérature à l'université de Washington, puis un autre en communications à l'université d'Evanston, en Illinois. Il a été professeur de collège, a servi dans la marine américaine lors de la Guerre de Corée et a gagné une bourse Fulbright pour continuer des études en Angleterre, où il est décédé à 74 ans.

Avec son épouse Diane Brandon et leurs 4 enfants, Lance, Christian, Alexandra et Tomasin, les Whitaker ont vécu longtemps en pays basque français.



Je vous laisse découvrir le sort de notre Jean-Luc et des LaPointe, ainsi que les frasques de ces fameuses "crazy ladies" en espérant que cette histoire vous plaise autant qu'à moi ! En attendant cette traduction, outre les livres déjà mentionnés, je peux vous recommander de lui "L'expert", paru en Français en 2009 et surtout "L'été de Katya", également disponible en Français depuis novembre dernier.

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