Depuis, je continue à penser que le formateur devrait presque arriver les mains vides et le cerveau vierge pour être plus à même d’aller rechercher le savoir dans le cerveau des participants.
Lors de notre première confrontation aux autres élèves de notre formation, le Dueps, chacun devait se présenter dans une intervention publique et dire ses identités personnelles et professionnelles . Cet exercice (difficile) se montre extrêmement intéressant car il permet de comprendre la grande diversité des provenances sociales, les pratiques et engagements professionnels divers mais aussi la façon qu’avait chacun de tirer l’écheveau de sa vie, de ses vies, et de la décrire par oral. Une façon de donner son identité et la conscience qu’on en avait. Et une bonne introduction pédagogique à cette formation qui devait donner, en trois ans, à chacun, chacune, la possibilité de s’interroger sur Soi, de se définir une problématique de recherche psychosociale et d’étudier en profondeur le domaine choisi dans le vaste champ de la psychologie sociale. D’évoluer et donc de changer la forme et le contenu de nos identités personnelles et professionnelles. Le but même de ce que doit être la formation !
Mais je les comprenais : pourquoi penser l’avenir lorsqu’il est déjà si difficile d’appréhender le présent et que l’avenir semble aussi noir, aussi difficile à vivre ! Et comment se projeter soi-même comme étant sujet de son histoire lorsqu’on se figure (peut-être avec raison) que l’avenir qui nous attend est aussi noir et difficile à vivre ?Comment ces jeunes peuvent-ils avoir confiance en eux-mêmes dans ces conditions ? En tout cas ils n’avaient pas conscience qu’ils avaient le pouvoir de décider de leur destin et non d’être le jouet de leur milieu social, de leur origine et des représentations forgées pour eux-mêmes par des adultes bien intentionnés.
Les adultes chargés de les accompagner dans cette quête d’eux-mêmes ont donc le devoir de conscientiser cette visée pédagogique, la plus importante de leur métier d’éducateur : pour permettre à ceux dont ils ont la charge d’avoir confiance dans leurs propres capacités, dans leur identité toujours à construire.
La méthode de reconnaissance des acquis de l’expérience a été mise en œuvre au Canada par Marthe Sanregret et adaptée en France par l’intermédiaire de Gaston Pineau de l’Université de Tours. »
« Cette visualisation permet aux participants de conscientiser ce qu’ils ont vécu et comment ils se sont pris en main pour résoudre un problème, sortir d’une situation embarrassante, trouver des solutions lors d’une expérience de vie. Que ce soit pour langer un bébé ou pour organiser une réunion de famille.
Appelée aussi méthode du « port-folio » car elle se concrétise par la réalisation d’un document illustrant et prouvant l’itinéraire personnel et professionnel de la personne qui s’en saisit. Ce « port-folio » peut lui servir ensuite pour compléter son CV et le montrer pour suivre une formation ou accéder à un emploi.
J’ai compris aussi qu’il est important, dans toute pédagogie, de partir de ce que les gens connaissent déjà sans vouloir leur asséner immédiatement ce qu’ils doivent savoir. Car l’éducateur, le formateur, le professeur, n’est pas là pour déverser sur les apprenants le savoir qu’il a emmagasiné au fil de ses propres apprentissages, par des moyens qui sont les siens, mais il doit permettre à ses élèves, ses stagiaires de découvrir d’abord ce qu’ils veulent apprendre et comment ils pensent le faire.
La liberté d’apprendre, d’entreprendre, d’écrire est, je pense, liée au plaisir. Mais le plaisir n’est jamais cité comme préalable pédagogique. Nous en sommes restés au 19e siècle où travail doit être synonyme de torture ( définition étymologique). Pourtant, il faut nous en persuader, la liberté de « faire » apporte le plaisir d’en être l’auteur. Et quel plaisir pour l’enseignant lorsqu’il lit la joie sur le visage des enseignés en train de produire quelque chose qui leur tient à cœur !
Maria Montessori (1870 – 1952) définit ainsi sa pédagogie : ‘N’élevons pas nos enfants pour le monde d’aujourd’hui. Ce monde n’existera plus lorsqu’ils seront grands. Et rien ne permet de savoir quel sera le leur : alors apprenons-leur à s’adapter’. Et puis : ‘Il ne s’agit pas d’abandonner l’enfant à lui-même pour qu’il fasse ce qu’il voudra, mais de lui préparer un milieu où il puisse agir librement.’
(la sociologie clinique)
Elle utilise l’histoire de vie, l’autobiographie comme moyen pédagogique : c’est en analysant sa propre histoire qu’un sujet prend conscience de son origine, de son contexte familial et social, de ses déterminismes sociaux, de son parcours personnel et professionnel, de ses valeurs et de son historicité.
Une technique théâtrale, fut inventée par Augusto Boal au Brésil pendant et après la période de dictature des années 1960, afin de permettre aux paysans et aux paysannes exploitées par leurs patrons dans les latifundias, ainsi qu’à toutes personnes exploitées de prendre conscience de leur situation d’exploitation.
[...] la métaphore du K illustre que ce que nous fuyons et dont nous avons peur est, souvent, ce qui aurait pu nous aider si nous avions fait confiance et si nous n’avions pas fui.
Montrer plutôt qu’expliquer ! C’est une dimension essentielle de toute pédagogie.