Il se nomme Serge. Il va à la campagne. Il est militaire, quoique d'un caractère peu guerrier. Il est d'un bon naturel, c'est un élégant hussard. Vous l'avez vu partout. Sa stalle au théâtre est toujours au premier rang, auprès de quelque personne importante ; il lorgne les jolies femmes et se permet des signes d'intelligence avec les danseuses. Il porte toujours des épaulettes neuves, même sur ses vieux uniformes. Il n'est ni bien, ni mal, ni spirituel ni bête, ni riche ni pauvre ; il occupe dans le monde une place assez distinguée, grâce à son habileté constante à danser toujours avec la femme à la mode, et à se lier avec les élégants qui viennent de l'étranger briller dans nos salons. Il a lu Balzac et connaît Shakespeare de nom.
20 septembre.
Je suis allé hier à Tzarskoé-Selo, et il m’est arrivé une aventure assez extraordinaire. Le temps était sombre ; il tombait une pluie fine, et comme je désirais me distraire, j’étais encore plus triste. Je m’enveloppai dans mon manteau, et partis pour le chemin de fer. Par un hasard malencontreux, il n’y avait personne de connu dans la salle d’attente. Un Tyrolien avec sa Tyrolienne criait impitoyablement une chanson stupide. Deux Allemands fumaient dans un coin leurs cigares, et un cadet mangeait au buffet en causant avec le garçon. Je m’approchai du bureau, et demandai au caissier, qui me connaît :
« Est-ce qu’aucun hussard ne va aujourd’hui à Tzarskoé-Selo ?
— Personne, à ce qu’il paraît.
— Ni aucun cuirassier non plus ?
— Non plus.
— Quel dommage ! Donnez-moi toujours une place de première ; on y trouve souvent quelque connaissance. »
Quelle triste saison que l’automne ! Les campagnes deviennent désertes, et la ville est encore inhabitée. Il fait froid et humide. Une pluie fine empêche de se promener. Dans les rues se traînent des charrettes chargées de meubles ; sur la Néva, des barques remplies aussi de déménagements, partout des meubles, et nulle part une figure connue. Tout le monde est en route ; personne encore n’est arrivé. Chacun se prépare à l’hiver. Je ne puis souffrir l’automne. Que devenir ? Les théâtres sont déserts. Personne ne reçoit encore. Pétersbourg est insupportable. Je vais aller à Tzarskoé-Selo m’amuser avec les hussards.
En m’asseyant dans le wagon, je me sentis désappointé. Je ne voyais que l’uniforme rouge du conducteur, et je croyais que, pour le complément de mon guignon, je serais obligé de voyager entièrement seul. Tout à coup ; un léger bruit dans le coin me fit retourner. Une dame y était assise. Elle se mit à regarder par la fenêtre, en me tournant le dos, et ne fit plus le moindre mouvement ; d’où je conclus tout naturellement que ma présence lui était désagréable. C’est un bon signe, pensai-je ; le sort ne m’a pas tout à fait abandonné.
En m’asseyant dans le wagon, je me sentis désappointé. Je ne voyais que l’uniforme rouge du conducteur, et je croyais que, pour le complément de mon guignon, je serais obligé de voyager entièrement seul. Tout à coup ; un léger bruit dans le coin me fit retourner. Une dame y était assise. Elle se mit à regarder par la fenêtre, en me tournant le dos, et ne fit plus le moindre mouvement ; d’où je conclus tout naturellement que ma présence lui était désagréable. C’est un bon signe, pensai-je ; le sort ne m’a pas tout à fait abandonné.
Il me donna mon billet, et je me mis à me promener dans la galerie. Ayant lu attentivement la défense formelle, imprimée en trois langues différentes, de fumer en wagon, je sortis de ma poche un cigare, demandai du feu à un conducteur, et montai en voiture.
Il me donna mon billet, et je me mis à me promener dans la galerie. Ayant lu attentivement la défense formelle, imprimée en trois langues différentes, de fumer en wagon, je sortis de ma poche un cigare, demandai du feu à un conducteur, et montai en voiture.
La cloche du départ ondula dans l’air. La machine siffla. Le bruit fit tressaillir ma voisine, mais elle ne se retourna pas. Cela commençait à me contrarier. Nous partîmes, et je me mis à examiner sa toilette.