Bil emmena un jour un groupe de visiteurs espagnols à la cathédrale St John the Divine et remarqua qu'en entrant dans l'église un jeune Espagnol élégant murmurait quelque chose d'étrange tout en faisant le signe de croix. Une fois la visite terminée, Bill se hasarda à demander à cet homme la signification de son geste. "Oh! C'est une vieille coutume de notre famille, dit le visiteur. Nous sommes des catholiques dévots et nous disons cette bénédiction spéciale quand nous entrons dans une église en signe supplémentaire de notre piété. - Et que dites-vous, si je puis vous demander? - Je ne le comprends pas vraiment, c'est une formule mystique assez obscure , mais je peux vous l'écrire." Il gribouilla une chaîne de lettres qui se lisait SAKESTESAKSENU. (...) C'était, en hébreu, la phrase biblique shakets teshakstenu: "Cela devrait te faire horreur", un commandement de la Torah (Deutéronome, 7, 26) par lequel Moïse ordonne aux Israélites d'abominer l'idolâtrie et de détruire les idoles. Le catholique espagnol dévot répétait en signe supplémentaire de piété une formule ancienne, par laquelle ses ancêtres marranes maudissaient et anathémisaient l'église où ils entraient comme un lieu d'idolâtrie.
Le masque est, à ce qu'il me semble, la chose la plus difficile à enlever pour un marrane, et pas seulement lorsqu'il sert à dissimuler la transgression. A un niveau plus profond de la mentalité marrane, les actes religieux e tant que tels, qu'ils soient légaux ou illicites, doivent être dissimulés au monde extérieur. (p. 640)
L'initiation
A quel moment initiait-on un jeune marrane au secret familial ? C'était là un dilemme crucial : les parents devaient-ils risquer de compromettre le salut de leur enfant en attendant trop longtemps, ou mettre la famille en péril en révélant trop tôt le secret ? (p. 390)