AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Abdelhak Serhane (12)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées
Les enfants des rues étroites

Abdelhak Serhane retourne (et nous ramène) dans son village natal d’Azrou après plusieurs années d’exil. Les lecteurs de son roman précédent « Messaouda » reconnaitront facilement les lieux et les gens. C’est comme si la ville était restée intacte toutes ces années… ou presque. Maintenant, dans « Les enfants des rues », le narrateur retrouve sa famille, puis recherche son ami d’enfance Rahou. Le roman est comme une longue lettre qui lui est envoyée.



D’abord, plein de souvenirs font surface. Et un peu de nostalgie, car mêmes les moments les plus durs se déguisent en « bon vieux temps ». Ces rues étroites, celles qui l’ont vu grandir, celles qui ont été témoins des amitiés nouvelles qu’il forgeait, elles n’ont pas changé. Quelques personnages sont toujours là, dont le fameur Fakir, qui se plait à remémorer à qui veut l’entendre cette époque révolue. (Ce roman raconte plus en détails certains événements du roman précédent qui étaient évoqués mais pas complètement expliqué.) Quand on y pense, on commence à se rappeler : pauvreté, traditions, religion, sexualité…



Puis la réalité frappe de plein fouet : chômage – la prospérité promise n’est pas au rendez-vous –, éducation insuffisante, répression policière, corruption. Les problèmes d’antan, de l’époque de l’indépendance, sont encore très présents au milieu des années 1990. « Les enfants des rues étroites » dénonce un peu cette situation sans issue dont les jeunes Marocains semblent être prisonniers.



Donc, il s’agit d’un roman engagé ? Il faut le croire. Dans « Messaouda », même si l’auteur racontait des situations difficiles dans un langage parfois dur, la magie d’un roman d’apprentissage restait présente. Mais son style a décidément évolué, maintenant, je le trouve plus acerbe, percutant, voire décapant, presque violent. Abdelhak Serhane me semble de plus en plus la voix d’une génération désabusée. Et ce n’est pas du tout une mauvaise chose.
Commenter  J’apprécie          410
Messaouda

Autobiographie ou autofiction ? Dans tous les cas, avec « Messaouda », l’auteur marocain Abdelhak Serhane raconte la jeunesse dans un quartier pauvre de la petite ville d’Azrou. Des nombreux frères et sœurs, une mère soumise et craintive, puis un père autoritaire et égoïste. D’ailleurs, ce dernier, après avoir éré mêlée à une affaire peu claire (contre les Français colonisateurs), devra s’éclipser et il en profitera pour retrouver le lit d’une très jeune épouse dans un village lointain. Laissée sans ressource, la famille devra survivre et Abdelhak deviendra un enfant de la rue. Mais, même avant cet événement terrible, le narrateur l’était déjà un peu.



La rue, c’est l’univers des garçons d’Azrou. Ils y jouent ensemble, y passent continuellement pour aller à la mosquée ou à la médersa suivre l’enseignement de l’imam, puis, plus tard, à l’école française. C’est là aussi qu’ils croisent parfois Messaouda, la prostituée du village, sans doute aussi un peu sorcière. Vénérée de tous – jeunes et moins jeunes –, elle envoûtera également le jeune narrateur qui entre dans l’adolescence. Il passera plusieurs nuits à rêver à elle, puis, éventuellement… je vous laisse deviner la suite.



Ce roman raconte le passage à l’adolescence du jeune narrateur mais aussi le quotidien dans la vie d’un jeune homme, le destin de n’importe quel Marocain à une époque où le pays marche vers l’indépendance. Peut-on dire la voix d’une génération ? Les peurs, les craintes, les désirs... les obsessions. Et, comme toile de fond, ce quartier pauvre d’Azrou. Le café d’à côté, où les jeunes trainent sans pouvoir y acheter quoi que ce soit, le vieil aveugle qui se promène dans la rue, les prostituées, quelques figures famillières – ne le sont-elles pas toutes ? – le muezzin qui lance son appel à la prière.



C’est un voyage dans un univers fascinant – pour le lecteur – et qui, s’il n’a pas complètement changé, n’est plus tout à fait le même non plus. La très grande maitrise de la langue française de Serhane lui permet de faire évoquer cet univers sous nos yeux. Tellement que j’avais l’impression d’y être. Ses descriptions précises, sans lourdeur, quoique parfois assez crues, vont droit à l’essentiel, et la narration est étrangement bien rythmée, malgré le peu de dialogues. Décidément, c’est un auteur à découvrir et à suivre.
Commenter  J’apprécie          320
Les dunes paradoxales

Je connaissais Abdelhak Serhane pour ses romans dans lesquels il parvenait à me faire comprendre la vie d’un gamin, d’un jeune homme dans le Maroc de la deuxième moitié du XXe siècle. Avec Dunes paradoxales, je le connais maintenant pour sa poésie. Ce recueil porte sur un élément incontournable du Maghreb : le désert. Eh oui, ce désert muet et bruyant à la fois, fiévreux, insondable. Assimilé à un cri venant du plus profond. Les poèmes qu’il contient sont jolis. Sombres, mais jolis. Cet aspect sombre, je ne l’ai pas détecté d’emblée. Parfois, c’est à la toute fin d’un poème qu’il paraissait. Sinon, ici et là, je tombais sur des expressions comme « les dunes en marche dans le sang des siècles. » Sur le coup, je trouvais de telles expressions imagées, belles, avant de me rendre compte que, finalement, elles étaient un tantinet morbides. D’où le paradoxe du titre, j’imagine. Mais ça n’enlève rien à la portée poétique de l’œuvre. Bien au contraire! J’aurais espéré que quelques uns des poèmes – plusieurs – soient plus positifs. Ayant moi-même vécu deux ans au Maroc, et ayant apprécié mon séjour (après une période d’adaptation), je trouve beaucoup de belles choses à dire sur le Sahara. Toutefois, il faut dire que, souvent, dans ce recueil de poèmes, le désert n’est qu’un concept qui représente autre chose. Par exemple, les rêves brisés, les mauvais souvenirs, les peurs inavouées, la terreur au fond de soi. Malgré les thèmes sombres traités dans ces poèmes, il me prend l’envie de retourner au Maroc pour écouter le désert…
Commenter  J’apprécie          260
Les temps noirs

À la bibliothèque, j’ai emprunté Les temps noirs un peu par hasard, parce que j’avais pris un autre bouquin d’Abdelhak Serhane. Souvent j’aime bien repartir avec deux ou trois trucs différents d’un même auteur de me faire un meilleur portrait de son œuvre. Le résumé de la quatrième de couverture faisait mention de la guerre du Rift. Ça m’a intrigué, intéressé, l’histoire du Maroc ne m’est pas aussi connue que je le souhaite. J’ai de vagues souvenirs des combats d’Abdelkrim, je pensais en apprendre plus sur cette partie de l’histoire de ce pays qui occupe une place particulière dans mon cœur.



Eh bien, non. Bon, une partie m’en incombe : si j’avais lu correctement le résumé, j’aurais remarqué que l’intrigue de ce roman se déroulait à la veille de la Seconde guerre mondiale. Deux grands adolescents, presque des jeunes hommes, doivent faire la part des choses entre les traditions et tout ce que la France, la nation du protectorat à l’époque, l’ennemi, peut offrir. La modernité, des conditions de vie différentes. Meilleures? Mais, accepter cela, c’est accepter d’être colonisé, fraterniser avec l’ennemi. Le combat d’Abdelkrim et sa mort auraient-il été en vain? Ces questions et d’autres tourmentent les deux jeunes hommes. Les récits qui mettaient ce « héros » en valeur, ils servent à inspirer des jeunes comme eux. Ne faudrait-il pas reprendre les armes? Chasser les colons pour se défaire de leur influence néfaste?



À l’époque à laquelle se déroule le récit, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, les conditions de vie dans les coins reculés du Maroc étaient inchangées depuis plusieurs générations, on y vivait comme deux cent ans plus tôt. Je peux comprendre que certains ne voyaient pas d’intérêt au changement et choisir les armes. Je peux imaginer aussi que d’autres aient été obnubilés par tout ce que la France pouvait offrir.



Malheureusement, toutes ces considérations se mêlent un peu et, en cours de lecture, j’ai éprouvé de la difficulté à me rappeler quel était le propos de cette histoire. Quel en était l’enjeu? J’ai ressenti beaucoup de confusion que je n’ai pas chercher à démêler. En suivant les deux jeunes hommes (qui ne semblaient ne former qu’un seul et même individu), à travers les pensées de l’un d’eux, il devenait difficile de distinguer la réalité de ses divagations. La fin ramène à l’essentiel, mais c’était trop peu trop tard.



Toutefois, que cette critique bien personnelle et pas si positive ne vous détourne pas de cet auteur de talent qu'est Abdelhak Serhane. J'ai adoré les récits à saveurs autobiographiques (par exemple, Messaouda ou encore Les enfants des rues étroites) et ses recueils de poèmes.
Commenter  J’apprécie          250
Les enfants des rues étroites

Les enfants des rues étroites ce sont les enfants pour lesquels le soleil ne brille et ne brillera jamais.

Le narrateur adresse une longue lettre, une sorte de monologue à Rahou son ami d'enfance, un monologue entrecoupé de scènes familiales marquantes et de retours dans le passé qui permettent de reconstituer le kaléidoscope de la vie des petites gens dans une petite ville marocaine.

Au fur et à mesure de petites scènes de la vie, vue par les yeux des deux gamins, Abdelhak Serhane y dénonce la corruption des plus forts, la misère des plus faibles, la répression policière et au delà du portrait d'une famille dans une petite ville marocaine, il dresse le constat plus large de la société marocaine dans le milieu des années 90, sous le règne d'Hassan II, un constat aussi fort et violent que l'amour qu'il éprouve certainement pour son pays dont il a dû s'exiler...

Le style est concis violent souvent cru tant dans le vocabulaire que dans les scènes décrites et toujours décapant, et je me demande si l'auteur écrirait le même roman aujourd'hui, la situation, les mentalités ont-elles évolué, l'espérance a t-elle remplacé le découragement et la fatalité ?

Un roman coup de poing loin du folklore et de la carte postale.
Commenter  J’apprécie          170
Les enfants des rues étroites

Dans les rues étroites d’Azrou au Maroc, ça sent la canelle, le musc et le thé à la menthe, l’ambre ou le bois de santal. Pourtant, la vie n’y est pas toujours facile car les enfants de ces rues ne voient jamais le soleil. Nombreux sont ceux qui veulent obtenir un visa pour la France, alors quand Sid El Haj El Barakat vient au village, moyennant un peu de bakchich, il va bien nous dégotter le graal. On peut lui faire confiance, c’est un homme de parole et d’honneur. Oui mais j’ai déjà payé et je ne vois rien venir. Alors Sid El Haj m’explique que ce que j’ai déjà versé, c’était pour préparer le terrain, qu’il va falloir que je débourse bien davantage mais qu’une fois en France, avec les salaires en vigueur, il ne suffira que de quelques mois pour me remettre à flot.

On emprunte à l’épicier et au boucher pour que Sid El Haj ne manque de rien le temps de son séjour, on s’ennuie dans les bars en attendant le verdict à regarder les danseuses faire leur show dans la moiteur de l’été pour oublier un peu notre misère.

Au milieu du mensonge, de la corruption et de l’hypocrisie, chacun cherche sa place au soleil. Et quand le muezzin annonce du haut de son minaret l’heure de la prière, on remercie Dieu pour cette vie de malheur et on attend des jours meilleurs.



« Nous sommes les enfants des rues étroites ! Le soleil ne se lève pas de ce côté-là ».

Le Maroc, comme si vous y étiez.



Challenge Multi-Défis 2024.
Commenter  J’apprécie          130
Messaouda

Je dirai que abdelhak serhane est l'as de la littérature française. Je suis amoureuse de ses métaphores, ses descriptions , la véracité de ses mots m'ont conquis . J'ai lu Messouda 7 fois et je ne m'en lasse jamais.

Chapeau bas !
Commenter  J’apprécie          70
Messaouda

C'est fort!

Je l'ai lu dans une édition "contemporains en poche" éditée en Tunisie en 1997.

Il serait étonnant qu'une telle publication se fasse aujourd'hui.

Un peu comme la chanson "la coco" de Fréhel (1931) vraisemblablement non éditable aujourd'hui.
Commenter  J’apprécie          50
Les enfants des rues étroites

C'est un livre magnifique, écrit par le meilleur auteur marocain contemporain.
Commenter  J’apprécie          40
Le soleil des obscurs

Un géant de l'écriture. Un livre majeur à lire absolument.
Commenter  J’apprécie          40
L'homme qui marche sur les fesses

A propos du dernier roman d’Abdelhak SERHANE, L’Homme qui Marche sur les Fesses , j’ai envie de dire :

Parfois, on dit d’un homme qui est fou, qu’il marche sur la tête. De son contraire, qu’il a les pieds sur terre. Mais d’un homme qui marche sur les fesses ?

Entre la folie et la réalité, y aurait-il un endroit où cheminer ? Quelle serait cette terre bienfaitrice ? L’écriture ?

L’homme qui marche sur les fesses, de son nom véritable, Rouida , privé de ses jambes est contraint de faire sans. Ainsi naît sa marche singulière !

Ecrire, ne relève t il pas de cela ? De la perte ?

Ecrire… Il me semble que ce livre résonne de cela, qu’il tente d’en épuiser le sens, le non sens et les pièges qu’il traverse.

Sur l’écriture, tous les conseils sont donnés par des voix différentes qui s’opposent avec ferveur. Peut être, est ce pour cela qu’on les entend si bien…

« Il faut se limiter aux faits. » dit l’une.

« Je m’en tape de ces négociations qui ont tordu le cou à l’oralité, au lyrisme. » dit l’autre

Et nous, lecteurs on entend tout, le lyrisme, l’oralité, les faits mais aussi les dénonciations et tellement d’autres choses encore ... Tout nous est donné à entendre, même le dialecte qu’on ne connaît pas. Et ce h, dans le prénom Dahmane que tu prends le temps de souligner. C’était qu’un h après tout ?

Tu écris:

« Quel lecteur français peut le prononcer correctement sans s’arracher la gorge avec ce h planté au milieu comme une arête de poisson !».

Alors forcément ça résonne et le h prend toute la place et on comprend tellement de chose aussi sur l’histoire entre ces peuples…

Cette histoire a la force de la poésie d’Omar Khayyâm. Comme la vie, elle contient mais ne juge pas. Quand le savant persan que tu cites s’exprime ainsi :

« Par l’idée qu’il se fait de moi, chacun m’emprisonne en lui-même

Que m’importe, je m’appartiens. Celui que je suis, je le suis. »

Je me sens pousser des ailes et cela me donne le courage de m’exprimer sans craindre la critique et je me dis : « Combien il a raison ! » Et puis, je pense à Rouida, et je me dis : «Combien il est libre, il n’a plus rien qui l’empêche de parler ! ». Et puis je pense à toi, et je te dis : « Merci! ».

Caroline BOURDEIX

Une fidèle lectrice qui a décidé de s’exprimer
Commenter  J’apprécie          30
Le deuil des chiens

Super
Commenter  J’apprécie          20


Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Abdelhak Serhane (85)Voir plus

Quiz Voir plus

Complétez ces fratries en littérature

Meg, Jo, Beth, &

Laurie
Amy
Abby

12 questions
319 lecteurs ont répondu
Thèmes : Frères et soeurs , fratrie , familleCréer un quiz sur cet auteur

{* *}