Quand j'étais gamin, je n'ai jamais vu mon père manifester le moindre sentiment religieux. Il consacrait ses dimanches au football américain, communions silencieuses sur l'autel du canapé. Pas de vin de messe, pas d'hostie, juste de la bière et des Pringles.
La ville [de New York] a distribué des compteurs Geiger portatifs. Ces trucs sont même devenus assez branchés, pendant un certain temps. Pour se déplacer en ville, les jeunes gens hype se laissaient guider par le cliquetis-crépitement des compteurs suspendus à leur cou comme les appareils photo des touristes. On s'en servait même pour draguer. Méthode très populaire : on s'approche d'une jeune femme, on consulte l'écran de son compteur Geiger et on dit :
Ouah ! J'ai trouvé un point chaud !
Le modèle de base, c’est un lit de camp à peine amélioré ; mais au sommet de la gamme, on a des espèces de demi-cercueils étincelants, de véritables cocons d’évasion, avec des écrans tactiles pour vous guider dans le rêve et des capteurs pour vous y maintenir. Immersion totale.
Un monde plus vrai que nature.
Ça, c’est le baratin des vendeurs.
Les détails techniques, je ne les connais pas. Je ne suis pas très fort en informatique. En plus, ces lits-là, je n’y dors pas souvent.
Et jamais dans le modèle de luxe.
Bref, certains ont compris tout de suite qu’il y avait du pognon à se faire. Mais comme ça nécessitait une bande passante gigantesque, ils ont construit un réseau parallèle, baptisé la limnosphère, dans lequel ils ont tout transféré. Et nous, on s’est retrouvés avec l’Internet à l’ancienne, chiant à mourir. Un Internet à l’abandon, évidemment ; les riches n’en ont plus rien à foutre, depuis qu’ils barbotent dans la limnosphère. C’est comme Internet, mais en mieux, beaucoup mieux, puisqu’on peut carrément y vivre.
La quantité d'ordures que vous laisserez derrière vous sur cette terre excédera largement toutes les bonnes choses que vous y aurez accomplies. Pour chaque grame de patrimoine, une tonne de rebuts.
Le chauffeur s’arrête devant l’immeuble, sans couper le moteur.
La tour Trump. Un hôtel, autrefois. Des façades vitrées aveuglantes. Le Trump en question, c’est Donald, bien sûr. Décédé depuis longtemps. Quand les gamins se sont installés dans Central Park, ils ont commencé par déboulonner la statue de Donald Trump et l’ont affublée d’une robe. La dernière fois que je l’ai vue, elle trônait sur le toit d’un bus à impériale pour touristes, condamnée à faire le tour du parc pour l’éternité.
Tous les cimetières sont pleins, depuis longtemps.
Il se peut que Dieu pardonne, mais Il exonère rarement.
Les esprits sont simples et faciles à décrypter. Les esprits coupables, quant à eux, sont incroyablement fascinants, à condition de se retrousser les manches.
Quarante-cinq ans, ce n'est pas bien loin de cinquante. Et cinquante ans, il le sait bien, c'est le moment où vous arrêtez de regarder devant vous en vous demandant quel genre de personne vous allez devenir pour commencer à regarder en arrière en vous demandant comment vous avez bien pu devenir la personne que vous êtes. ( p 91 )
S'il y a bien une chose que nous avons retenue de ce monde si arrogant jadis, c'est que dès qu'on découvre un truc miraculeux, on peut en détourner l'usage dans la foulée. Pour vous permettre de sucer la bite d'un cheval, par exemple. Dans un univers simulé.