Les gens sont humains. Ils commettent des fautes. Mais ils compartimentent, ils rangent leurs transgressions dans une boîte, pour pouvoir continuer à bien agir dans une autre.

La Confédération n’offre aucun recours à ses citoyens contre la rapacité des grandes entreprises. Son peu de poids politique est tourné vers l’extérieure, il permet à l’humanité d’afficher une unité de façade dans ses relations avec les autres puissances sentientes. En interne, elle n’est jamais parvenue à faire l’unanimité de toutes nos sous-cultures autour d’une constitution. Nous n’arrêtons pas de nous chamailler. Un visiteur de passage dans l’espace homsap peut rencontrer tout type de système politique et économique, du culte écolo au fascisme. Sur certains de nos mondes les plus divisés, plus de cinquante gouvernements différents se partagent le pouvoir, et se bombardent parfois allègrement les uns les autres depuis l’orbite. Voilà pourquoi, aujourd’hui encore, nous sommes témoins de génocides au sein de la Confédération ; voilà aussi ce qui explique la persistance de cette forme d’esclavage financier avec lequel Santiago a grandi, alors qu’on devrait aligner ses bénéficiaires contre un mur et les exécuter.
Règle numéro un : un bon menteur croit toujours à ses propres bobards, ne serait-ce que pendant les quelques secondes nécessaires pour les proférer.
Ces gens-là vendaient tout ce dont leurs clients avaient besoin pour s'entretuer. Ils ne s'embarrassaient ni de scrupules ni de retenue. Le bien ou le mal leur semblaient des notions complètement étrangères. On ne comptait plus le nombre de mondes que des luttes intestines avaient conduits à l'auto-annihilation ou renvoyés à l'Âge des Ténèbres, avec le concours des produits Bettelhine. Et si les ruines fumaient encore, ils entraient en scène et offraient de reconstruire, en échange d'une participation majoritaire dans tout ce qui renaîtrait des cendres.
Une partie d’elle-même résistait, sachant qu’une fois de retour dans le vaste monde, elle se retrouverait infiniment plus seule qu’ici, en compagnie d’un autre monstre.
[dans Démons invisibles]
Les tyrannies et les dictatures étouffent parfois si bien leurs peuples, que le chaos, né des rancœurs et des haines longtemps muselées, survient immédiatement à la disparition de la source de la répression.
Vous voulez que je vous dise pourquoi l’humanité ne s’est jamais laissée entraîner dans un conflit interespèces sérieux ? Parce que ça reviendrait à sortir dîner, alors qu’on a le réfrigérateur plein à la maison. Pourquoi goûter à la cuisine exotique ailleurs, tant que nous n’aurons pas exploré toutes les super méthodes pour nous entretuer ?
L’expérience aidant, j’ai développé une classification assez pointue de mes ennemis. Ceux qui, entre deux coups tordus, se prétendent vos amis sont les pires ; ils sont persuadés d’agir pour votre propre bien, jusque dans les privations qu’ils vous infligent.
Les humains sont comme ça, ils ne peuvent pas s’empêcher de penser qu’un endroit leur appartient, simplement parce qu’ils y vivent.
– En fait, je suis là pour permettre aux Riirgaans d’exploiter une faille. Les IAs-source qui gèrent l’habitat ont accepté la présence d’observateurs, mais d’une seule espèce, obligée, par traité, de partager ses découvertes avec les autres. Le choix s’est porté sur les humains. Les “miens”, les Riirgaans, ont émis le souhait d’avoir tout de même des yeux et des oreilles sur place. Ils ont tiré quelques ficelles et négocié leur propre accord avec la Confédération, obtenant ma nomination comme consultant indépendant. Les IAs-source connaissent mon statut juridique, mais soit, contrairement à la Confédération, elles font passer la biologie avant la citoyenneté, soit elles s’en moquent. Je suis donc un humain, sans être humain.