Deux erreurs courantes empêchent de comprendre quoi que ce soit à l’islam. La première, c’est de croire que l’islam existe ; la seconde, de croire qu’il n’existe pas.

Transformer les évènements en occasion d'aimer, c'est reproduire au quotidien le miracle de Cana. C'est changer l'eau de la vie ordinaire en vin de vie éternelle. Il vaut la peine de s'exercer sur des petites choses. Un embouteillage, en soi, ça n'a pas de goût. C'est nous qui choisissons, presque par réflexe, d'en faire un sujet d'agacement, voire d'énervement. Mais c'est vrai pour tout le reste : les enfants qui crient au lieu de jouer sagement, le petit frère qui s'embête et qui alors décidé de venir m'embêter à mon tour, le bus qui prend son temps alors qu'il fait si froid à l'arrêt, l'ami qui annule à la dernière minute ce dîner que j'attendais avec impatience, tout çela aura le goût que nous lui donnerons : toutes ces situations nous donnent des gens à aimer davantage ; toutes nous procurent des occasions d'aimer, et donc d'être heureux. Il suffit de chercher un instant, et c'est un exercice auquel on devient meilleur si on en prend un peu l'habitude.
Quand le monde qui nous entoure nous fait peur, l'espérance chrétienne ne nous dit pas de rester là à pleurnicher parce que tout va mal, ni de sourire bêtement parce que tout irait bien ; elle ne nous invite pas à attendre que Dieu détruise ce monde-là pour en construire un autre ; elle nous pose une question très simple : comment faire de tout cela une occasion d'aimer davantage? (...) Transformer les événements en occasion d'aimer, c'est reproduire au quotidien le miracle de Cana. C'est changer l'eau de la vie ordinaire en vin de vie éternelle.
On raconte, dans la tradition ancienne des moines d’Égypte - les « Pères du désert: que le diable, déguisé en pauvre, était venu frapper à la porte d'un monastère pour tenter les frères. Il frappe, pas de réponse. Il frappe à nouveau, sans plus de succès. Il frappe, il appelle; derrière la porte, on lui répond enfin: « Que veux-tu ? » « Je suis un pauvre (un pauvre diable ?), dit le diable. J'ai besoin de votre aide. » On lui répond: « Laisse-nous, nous sommes en train de prier. » Alors le diable se réjouit: « Inutile d'entrer, remarque-t-il. Je suis déjà à l'intérieur.
Le pardon passe toujours par la vérité. Appeler un chat un chat, et un mal un mal. Il n'y a rien à attendre de la mièvrerie quand elle a lieu aux dépens de la vérité.
Espérer, dans la pratique, ce n'est pas seulement croire que nous sommes capables d'éternité : c'est vivre en préférant l'éternel au reste, en faisant passer l'éternel d'abord, avant l'urgent, avant tout le reste qui nous paraît si important sur le moment. Espérer, c'est accepter d'adopter le point de vue de l'éternité : non pas un point de vue froid et lointain, mais au contraire, le point de vue de l'amour. Comme nos vies changeraient, si nous savions ordonner nos priorités en fonction du poids d'éternité de nos actions : l'ambition, le souci de gagner de l'argent, l'envie de se faire reconnaître se retrouveraient très vite au bas de la pile. On découvrirait que préparer un gâteau pour une voisine isolée, à qui cela fera plaisir, construit bien plus l'éternité que son poids de farine, d'œufs et de sucre ne le laisserait croire.
Il se sentait heureux, pourtant, mais dans le même temps, il découvrait qu’il avait envie d’un bonheur plus grand, il se découvrait au creux de l’estomac une immense fringale de bonheur, avec son appétit d’adolescent toujours affamé. Il y a un bonheur dont il ne soupçonnait pas jusque-là l’existence, dont il vient de sentir le parfum avec l’odeur du figuier, et il sait que toute sa vie désormais, il courra derrière ce parfum. Il vient de s’apercevoir que son cœur, dont il commençait tout juste à explorer les contours, est fait pour l’infini, et que seul un bonheur infini pourra le rassasier.
Deux vieux frères du couvent des dominicains de Lille, morts depuis, avaient l'habitude de se chamailler constamment, trouvant un certain plaisir et un certain équilibre à vivre toujours comme chien et chat. Un jour, à la vaisselle, l’un des deux dit à l'autre, qui avait prêché à la messe un peu plus tôt, et avait parlé de l'amour:
- Tu parles toujours de l'amour. Mais qu'est-ce que tu y connais ? Tu l'as déjà fait, toi, l'amour ?
Et l'autre de répondre, du haut de ses quatre- vingt-dix ans:
– Pas encore, mon frère !

Pourquoi est-elle donc si spirituellement féconde, cette expérience amoureuse ? Pourquoi ne pouvons-nous pas totalement l'ignorer, pour devenir de véritables fils d'Israel » à la suite de Nathanaël ? Pour deux raisons essentielles, il me semble.
Tout d'abord, tomber amoureux, être amoureux est une expériemce qui fait toujours sortir de soi. C'est un peu paradoxal, parce que c'est en même temps une profonde expérience de l'unité de soi, où on expérimente plus intensément qui on est. Mais, même si peuvent y entrer du narcissisme et de l'égoisme, me voilà bien obligé d'admettre ou de découvrir qu'il y a quelqu'un d'autre que moi. C'est d'ailleurs pour cela qu'être amoureux, même si c'est parfois très agréable, a toujours une dimension inconfortable: elle oblige à sortir de chez soi, àsortir de son confort. Il y a, au demeurant, des conforts un peu glauques, des conforts où l'on est malheureux, des conforts où on crève de solitude, mais ils restent des conforts tout de même, et il est difficile et même douloureux d'en sortir. On devient si vite un vieux garçon, perclus d'habitudes qui se changent vite en manies. On devient vite, d'ailleurs, un vieux garçon spirituel, où Dieu vient servir de prétexte à notre confort, à notre mise à l'abri du monde. Mais la spiritualité qui isole, qui donne une excuse pour ne pas sortir de soi, n'est qu'une apparence de spiritualité

Bien des chrétiens se réjouissent qu'enfin, on se préoccupe de la part du christianisme dans l'identité de la France ; mais ils restent mal à l'aise en constatant que ce regain d'intérêt ne vient qu'en réaction à la présence de l'islam. On soupçonne qu'il s'agit moins de sympathie pour la foi chrétienne, pour Jésus, pour l'amour fraternel ou pour la messe, que d'antipathie pour l'islam. Se sentir instrumentalisé n'est jamais très agréable ; et quand l'instrument en quoi on vous transforme est une arme, l'impression n'en est que plus amère. Quand il m'arrive, en France, de marcher dans la rue en habit religieux, je ne me sens jamais si mal que lorsqu'un passant m'arrête pour me féliciter d'oser ainsi me montrer, de n'avoir pas peur de ma foi, avant d'ajouter : "Parce que c'est vrai, il faut qu'on vous voie plus, vous les catholiques ; aujourd'hui, on ne voit plus que les musulmans !" Je préfère, et de loin, qu'on chantonne sur mon passage un vieux slogan publicitaire, "Chaussée aux moines" ... Qu'on se moque de moi, très bien ; mais qu'on ne transforme pas ma foi au Dieu d'amour en étendard de rejet et de méfiance. Car si l'on s'emploie à "réaffirmer les valeurs chrétiennes face à l'islam", voire "contre l'islam", le risque est grand que lesdites valeurs, dans l'opération, n'aient plus grand-chose de chrétien.