Aujourd’hui, n. 178, je comprends qu’on ne joue plus et que mon père ne fait plus semblant de mourir comme il a passé sa vie à le faire, sur les cours de tennis, ou partout ailleurs. Je comprends qu’il fait tout juste semblant de vivre, pour ne pas avouer déjà que tout est fini.
[Incipit]
La vie, ça va, ça vient. C’est bien connu, tout le monde le sait, tout le monde le dit, tout le monde le sent.
Après-midi n°184
Dimanche, jour du Seigneur, la semaine vient de se terminer et les Paternosters continuent de tourner. Une autre viendra, le lundi bactérie, le mardi en intraveineuse, le mercredi souvenir d’enfance, le jeudi amnésie, le vendredi à ne plus tenir, le samedi à tout ressasser et le dimanche à se demander s’il ne vaudrait pas mieux se mettre à prier. Et toutes les semaines comme cela, dans l’ordre ou le désordre, avec des annonces de morts et des pronostics déjoués, des microns de bonnes nouvelles et des piqûres de rechute. Il me faut maintenant y aller, il est tard, l’équipe du soir est arrivée, les visites sont terminées. Je n’ai pas envie de partir, de le quitter, il sera certainement là demain, au même endroit, mais avec lui, on ne sait jamais.
Alors voilà, sans le dire, sans le vouloir, j’ai mollement pensé qu’il serait plus simple que tu meures, pour ne pas être déçu par nous deux, pour nous sortir de là. Et j’ai réussi, regarde, on a maintenant une vraie excuse pour ne pas avoir la conversation du siècle.
Mais aujourd’hui, n°178, on ne joue plus, et la mort, la vraie, sent la merde à vous ouvrir l’âme en deux.
Derrière une crotte de gamin se cachaient les tonnes de merde familiale.