Je voudrais parler d’une expérience toute personnelle, que je crois particulière. J’ai été invité à présenter mon livre dans la petite ville de G. chef-lieu d’un département rural du centre. Or, cette invitation, pour être « littéraire » certes, n’était pas que cela ; je dirais bien qu’elle n’était pas innocente, peut-être parce qu’elle l’était trop : c’est ce que ce département, et cette ville même, sont le principal cadre où j’ai fait se dérouler mon récit. Je me doutais bien qu’aux lecteurs que j’y rencontrerais, j’aurais à rendre compte d’autre chose que d’une pureté de style ou d’intentions : que le substrat biographique de tout écrit viendrait soudain au-devant de la scène, masquant peut-être l’écrit ; bref, qu’un peu de réel – trop de réel – se glisserait entre moi et l’auditoire : ce qui serait en présence, là-bas à G., seraient-ce un écrivain et des lecteurs, ou, arbitrairement séparés par on ne sait quelle institution abusive, des témoins à titre égal d’une même réalité passée ?