Alain Carrazé

Peut-être la plus belle des images relationnelle entre la femme et l'homme.

Respect, assistance, humour, analyse et détermination toujours restaurés entre indépendances et retrouvailles.

Ici il n'est pas question d'amour mais uniquement de vibrations communes le temps d'une aventure dans un espace manichéen teinté d'humour, d'astuce et de désinvolture.

Emma Peel et John Steed prennent toujours du plaisir à se retrouver tout en préservant leur jardin secret une fois les festivités terminées.

Chacun rejoint un monde dont nous ne connaîtrons jamais le contenu.

Aucune visibilité sur la continuité de ces deux personnages en dehors de leurs divertissements antagonistes ne durant à peu près que cinquante minutes à chaque rencontre

L'originalité d'un partenariat temporaire fusionnant le besoin impératif et ponctuel de s'oxygéner à l'aide de codes immunisant deux électrons libres contre toute récupération sentimentale.

Aucun geste déplacé dans un vouvoiement éternel protégeant l'irrévocable décision de ne jamais s'investir dans la tourmente des sentiments.

Emma et John sont au dessus de tout ça. Ils ne se désirent pas mais s'apprécient sur une surface formatée uniquement pour se délasser sans subir le moindre engagement à long terme.

Nous croyons rêver, ou plutôt nous éveiller d’un cauchemar… Le Village a disparu et Le Prisonnier est libre ! Libre de parcourir à cheval, habillé comme un cow-boy de western, d’immenses étendues sauvages, dans un paysage évoquant le Far West ! Mais il est resté fidèle à lui-même et la scène suivante nous le montre jetant violemment son étoile de shérif, et son arme, sur le bureau d’un marshal… Après sa « démission », il s’éloigne à pied, sa lourde selle sur l’épaule.

Ode à la liberté, non-sense absolu, défense de l’individu menacé par une société totalitaire, « trip » psychédélique, voyage initiatique, parabole métaphysique ou allégorie religieuse, Le Prisonnier – et c’est là son originalité profonde – propose autant d’interprétations que de « spectateurs-individus » et les plus âgés d’entre eux reconnaissent que leur propre vision de la série a changé au fil des rediffusions.

Les méchants changent toutes les semaines, ainsi que ses compagnons de captivité, afin de montrer que même si la société semble évoluer en surface lorsque de nouveaux dirigeants arrivent au pouvoir, elle conserve néanmoins pour chaque individu son caractère carcéral. Cela est amplement souligné par le fait que le personnage principal n’a pas d’identité, puisqu’il est toujours désigné sous le nom de Prisonnier.

Tout le monde connaît le rôle moteur de la prison sous toutes ses formes dans les pays totalitaires, largement majoritaires dans le monde et sous toutes les latitudes. Mais on évite avec pudeur, et même terreur, de parler de nos sociétés dites libérales qui se « socialisent » à grande vitesse et deviennent peu à peu des sociétés perfides et grises qui s’en vont d’un pas véloce rejoindre les gros bataillons des pays ci-dessus désignés.

Évasion : toute la littérature fabriquée autour de cette notion héritée du siècle dernier s’est ingéniée à dépasser la forme souvent dérisoire qu’on lui imposait. Des esprits neufs – Jules Verne, H.G. Wells, Rider Haggard, John Buchan, C.S. Lewis, pour ne citer qu’eux – ont délibérément choisi de transformer en message chiffré le contenu du récit d’aventures.

Pour réussir, il faut travailler comme un damné – et encore le succès est-il loin d’être assuré. Bien peu de gens réussissent, à côté de tous ceux qui échouent.Chanter les louanges de la réussite, c’est au fond prôner l’inégalité humaine, ce qui n’est guère conforme aux idéaux de la démocratie !

L’entraînement journalier du Prisonnier et, surtout, sa remarquable combativité naturelle lui permettront de sortir victorieux d’une bagarre particulièrement brutale, mais, avant de prendre la fuite, ses agresseurs l’auront menacé d’une comparution devant « le Comité »…

Le Prisonnier, en fin de compte, réussira à s’échapper. Mais les gouvernants du Village auront quand même gagné.
Le Village était trop exigu, il ne leur suffisait plus.
Ils ont conquis notre monde.
Nous sommes tous des numéros.

Les complots dont ils parlent n’existent que dans le domaine du rêve, vous vous en doutez. Mais le Contrôle ne peut le savoir qu’après avoir tout vérifié. Ils finissaient par s’épuiser à force d’enquêter sur des plans d’évasion…