AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Alain Corbin (141)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Une histoire du silence : De la Renaissance..

Quel beau livre que celui-ci, et comme je suis étonnée qu'il ait eu, sur Babelio, si peu de critiques, en général mitigées...



Peut-être cela vient-il d'un malentendu, dû à Alain Corbin lui-même, car effectivement, comme le fait très justement remarquer Henri-l-oiseleur dans sa critique, cette "Histoire du silence" n'en est pas une, et son titre prête à confusion.



Historien des émotions, Alain Corbin retrace ici non pas une histoire du silence au sens chronologique et factuel du terme, mais plutôt une histoire intérieure, une forme d'écoute intime du silence, un vagabondage qui nous conduit à la rencontre de cette "présence dans l'air" qu'est pour lui le silence ; présence palpable dans certains lieux, dans certains livres, dans la peinture également, comme dans les interactions sociales ; présence centrale et indispensable au cheminement spirituel, à l'oraison, au recueillement, quand le silence devient "le coeur qui écoute, l'intériorité absolue, (...) le dépassement de la parole"...



"Histoire du silence" est un livre érudit, qui déconcertera certainement quiconque y cherchera une oeuvre d'historien (encore une fois, le titre est mal choisi), mais qui vaut également par l'ampleur et le choix des citations et des références culturelles, comme par la finesse de son approche et de son analyse.



Un livre sensible autant qu'il est savant, avec lequel j'ai passé un bien bon moment...
Commenter  J’apprécie          407
Le miasme et la jonquille

Après avoir lu  « Mémoires » de Jean-Noël Hallé ( 1754-1822), premier médecin de Napoléon, ardent promoteur de la vaccination, et de l’enseignement de l’hygiène, Alain Corbin, a souhaité travailler sur un ouvrage consacré à l’histoire de la perception olfactive du milieu du XVIIIe siècle à la fin du XIXe siècle. En exploitant une abondante documentation , il retrace l’évolution des sensibilités et des attitudes face aux odeurs, certaines symbolisent le sale, le malsain, le péché, le danger, la mort, la pauvreté , d’autres, l’harmonie, le sain, la bonne santé, la pureté, la vie, l’aisance.



En ce siècle des Lumières, et ceux à venir, les odeurs nauséabondes ne sont plus tolérées, les parfums capiteux sont proscrits car ils occultent l’air putride , en revanche, les effluves légères deviennent à la mode.

Cette évolution aura une répercussion importante sur la société et les comportements , sur l ‘urbanisation, le mode de vie.

Ouvrage éloquent avec un vocabulaire riche, savant, quelque peu prolixe certaines fois – une lecture avec un dictionnaire à portée de main - un champ lexical foisonnant. A relire , à compulser de façon plus opportune quand l’occasion l’exigera.



Commenter  J’apprécie          380
Le village des

Lu en suivant les conseils de mon directeur, je ne savais pas du tout à quoi m'attendre en commençant cette lecture si ce n'est qu'il était question de massacre mais massacre de qui, quand, comment et pourquoi ? C'est ce que je voulais absolument découvrir et pour tout vous dire, je n'ai pas été déçue. Non, il ne s'agit pas d'un immense massacre, d'une guerre qui aurait fait des milliers de morts mais il s'agit de a tuerie d'un seul homme -oui, d'un seul - mais laissez moi un peu vous en dire plus et vous comprendre pourquoi cet ouvrage mérite d'être lut pourquoi cet abominable crime est rentré dans les annales de l'Histoire.



Nous sommes dans un petit village au doux nom de Hautefaye en Dordogne alors qu la France de Napoléon III es en guerre contre la Prusse. 16 août 1870, Alain de Monéys, un jeune noble respecté dans le village aurait été surpris en train de clamer "Vive la République" en plein lieu de foire. Pour ces paysans, cela est inacceptable d'autant plus que son cousin, Camille e Maillard aurait également tenu des propos similaires quelques mois plus tôt non loin de là. Vous l'aurez bien compris, pour ces paysans et artisans (bref, ce qui appartiennent aux classes les moins aisées, il ne faut pas toucher à leur Empereur, même si ce dernier a récemment augmenté les impôts de vingt-cinq centimes mais ils préfèrent cela que de se faire envahir par la Prusse).

Cette histoire qui aurait très bien pu s'arrêter là éveilla une telle colère chez ces derniers qu'ils s'y mirent à trois-cents (et pas seulement des gens du village mais également des gens des bourgs voisins qui ont pris Alain de Monéys pour un prussien) pour molester, frapper et torturer ce jeune noble jusqu'à ce qu'ils se fassent brûler comme l'on aurait fait rôtir un porc. Même les enfants s'y sont mis pour mettre le feu au bûcher.



Bref, voici en gros un bref résumé de cette barbarie mais ce que je ne vous dis pas, c'est combien furent arrêtés (vous vous imaginez, même le maire de a laissé faire cet abominable spectacle qui s'est non seulement déroulé sous ses yeux mais s'est même passé, à un moment, sur ses terres), s'ils furent jugés, condamnés et comment s'est déroulé la suite de cet drame, ce supplice comme se plaît à l'appeler l'auteur.



En retraçant les grandes lignes historiques de cette époque de troubles que connaissait la France à ce moment-là, Alain Corbin amène le lecteur à comprendre (mais non pas à accepter et à pardonner) comment une tel acte de "cannibalisme" (pour reprendre les propos de l'auteur) a pu avoir au siècle dernier (si on se réfère à la date de publication de cet ouvrage). A découvrir !
Commenter  J’apprécie          353
Terra incognita

Le titre « Terra incognita, une histoire de l’ignorance » paraissait très ambitieux au regard de la modeste taille de l’ouvrage. De fait, le sous-titre « une histoire de l’ignorance » est trop mis en avant au regard de ce qu’est ce livre et de son contenu. Il s’agit en fait d’un état de l’évolution des connaissances humaines à propos de la Terre de 1755 à la fin du dix-neuvième siècle.



Alain Corbin rappelle qu’au dix-huitième la cartographie du globe était certes bien avancée, mais il manquait encore de vastes espaces au cœur des continents ou aux pôles. Et, si les savants de l’époque ignoraient certaines zones géographiques, les connaissances scientifiques sur ce qui a formé et continue de façonner notre Terre étaient absentes, ou résidaient dans des théories influencées par les religions plus que par l’analyse physique.



Peu à peu cette ignorance de ce qu’est notre planète a reculé. L’observation des séismes, comme celui qui a ravagé Lisbonne en 1755, a amené à s’intéresser aux forces qui conduisent aux éruptions. Les explorateurs ont commencé à étudier les volcans, les nuages ou les glaciers.



Des théories parfois farfelues ont été bâties pour expliquer les phénomènes météorologiques, les abysses ou les pôles. La datation de la création de la Terre a donné lieu à controverses, avec des écarts énormes. Pendant longtemps on a cru qu’il existait une mer libre de glace aux pôles (dans l’esprit des partisans de cette thèse, les températures auraient été plus clémentes aux pôles). L’idée de classer les nuages (cumulus, nimbus…), d’observer le sens des vents, les pressions atmosphériques, et de, de là, déduire des évolutions climatiques, n’est que très récente. Ce qui nous semble évident, comme les mouvements des glaciers sous l’effet des températures, les forces telluriques, la circulation de l’eau depuis la source des fleuves jusqu’aux océans, sont des constructions progressives datant des deux ou trois derniers siècles.



L’objet de cet essai est vaste. L’auteur présente les avancées scientifiques – et les fausses pistes – en utilisant parfois des termes précis relevant du monde scientifique. Il glisse de-ci, de-là, des références littéraires, pas toujours à propos. Le choix de découper artificiellement la période et de reprendre chacun des sujets abordés à trois reprises conduit à des redites et à un manque de clarté. La lecture s’en ressent. Elle est assez ardue pour qui n’a pas un grand bagage scientifique. Des détails viennent toutefois parfois rendre le propos plus intéressant, comme les conséquences de l’éruption du volcan indonésien Tambora en 1815. Pendant presque trois ans les contemporains observèrent des « brouillard secs », qui obscurcirent le ciel, parfois pendant des jours, le climat s’en ressentit. Mais en ces temps où les nouvelles circulaient lentement, personne ne fit le lien entre un volcan lointain et des circulations de poussières en altitude. Alors que le même type d’éruption en 1883, avec le Krakatoa, pourtant bien moins importante, fut parfaitement comprise : l’information avait été diffusée en quasi temps réel.



Ce livre demande pas mal de connaissances scientifiques et d’attention pour en apprécier pleinement tous les sujets abordés.

Commenter  J’apprécie          260
La Fraîcheur de l'herbe

La fraîcheur de l’herbe, rien que le titre, c’est une invitation à la tentation, à l’émotion. Qui n’a jamais succombé à se laisser bercer dans la douceur et la fraîcheur de l’herbe en été, mordiller un brin d’herbe, humer l’odeur de toutes les senteurs estivales ?

Le mot herbe évoque à chacun des sensations, un besoin presque charnel.

Cet essai nous fait l’apologie de cette substance indispensable dans le visuel de l’humain. Que ça soit en ville ou la campagne, ce vert doit régner. Organisé ou pas, il est, un élément essentiel. Un besoin. Pourriez-vous imaginer un espace de vie sans un seul brin d’herbe, certes le bitume s’impose maître dans les villes, mais il y a toujours, un jardin, un parc, un mur végétal, quelques balconnières pour nous rappeler ce bien précieux à notre visuel.

L’auteur par le biais des textes d’auteurs bien connus de tout à chacun, nous expose le « pouvoir » incroyable de l’herbe. Sage, folle, ou mauvaise, à toutes les époques, elle est présente dans la littérature. Un élément qui sied bien aux âmes vagabondes, poètes et autres doux rêveurs. D’ailleurs, les poètes sont souvent de très grands marcheurs, ils ont ce besoin de se fondre dans l’espace, se perdre par les chemins.

C’est un pur plaisir de lire cet essai, de découvrir combien ce petit bout de végétal vert, est bien plus important, essentiel à l’humain. De très beaux extraits qui démontrent que l’herbe est plus qu’un élément du paysage, il devient le décor de biens de tentations, une source de sensations, un apaisement, un berceau, pour ne pas dire une thérapie.

Quand j’ai croisé ce titre, j’ai moi-même ressenti, cette douceur que l’herbe peut nous apporter, une certaine sérénité. Rien que l’odeur de l’herbe coupée, les senteurs des foins l’été, c’est un petit goût du paradis sur terre. Les longues balades dans les prairies fleuries, et les roulades du haut d’une colline, des heures à se prélasser dans l’herbe à lire ou à rêver, que de mieux que ce luxe si naturel et si paisible. Bien qu’il soit habité de mille petites bestioles, l’auteur en fait part, il est vrai que l’herbe est aussi un terrain de jeux, de vie pour le règne des insectes.

J’ai croisé bien des auteurs que j’apprécie comme Victor Hugo, Emile Zola, Philippe Delerm, Philippe Jaccottet pour ne citer qu’eux.

L’essai s’ouvre sur une inquiétude quant aux générations futures, qui n’ont pas le même rapport avec ce végétal, certes, mais finalement en arrivant à la fin du livre, le constat n’est plus aussi dramatique. Puisqu’on tolère les mauvaises herbes, on interdit les désherbants, on laisse les herbes entre les pavés, ou au pied des arbres, on instaure du végétal dans le paysage urbain en toiture ou mural. Le goût de l’herbe n’est pas encore en perdition. Il suffit de voir, les pelouses envahies par les citadins dès que le soleil pointe son bout de nez. Ce besoin de nature, ce besoin de faire corps avec la terre, il n’est pas encore aboli. On est sans doute loin de l’époque des parterres sans tondeuse, ni cordeau, mais on est sans doute pas encore à l’apogée de ce besoin du végétal, muse des écrivains cités dans ce présent ouvrage.

Commenter  J’apprécie          250
Histoire buissonnière de la pluie

Les Filles de noce attend déjà depuis un moment sur mes étagères, et pour moi Alain Corbin était l'historien de la féminité, de la virilité, de la prostitution, de la sexualité, du corps. Parmi les essayistes d'histoire culturelle, je le rangeais, en gros, dans la même catégorie que Georges Vigarello. Mais grâce à une critique de kuroineko, j'ai découvert un autre pan de son travail, qui concerne l'évolution des sensibilités.





Cette Histoire buissonnière de la pluie possède un avantage certain : elle est courte. Corrolaire : elle est très succincte, et ce d'autant que, sur une centaine de pages, elle en contient une trentaine présentant des extraits de textes d'écrivains, français pour la plupart. Un ou deux auraient à mon sens largement suffi. Par conséquent, c'est parfait si on dispose de très peu de temps et qu'on tente pour la première fois la lecture d'un essai d'histoire culturelle, mais réellement frustrant lorsqu'on n'en est pas à son premier, et qu'on connaît déjà un peu Pastoureau (la star française de l'histoire culturelle ^^), Vigarello, Perrot, pour ne nommer qu'eux. C'est également frustrant quand on a déjà eu l'occasion d'écouter Alain Corbin parler de ses travaux : on en attend plus !





De plus, un tel essai historique, c'est plein de promesses, tellement la pluie est un phénomène qui suscite des réactions négatives de la part d'une grande majorité de personnes en Occident, et ce encore en notre période de réchauffement climatique. Bref, les gens font la gueule quand il pleut, et s'en plaignent ouvertement, y compris à d'autres gens qui, comme moi, n'aiment pas le soleil : il est entendu que tout le monde déteste la pluie et adore le soleil - bizarrement, en pleine période de canicule, les discours changent, mais pour très peu de temps. La nature revient vite au galop et on a la mémoire très très courte (et après on se moque des poissons rouges...) J'avais donc très envie de comprendre comment on en était venu à assimiler la pluie à un phénomène naturel négatif, alors qu'il est tout aussi vital que le soleil.





Alors oui, on comprend quelques un des motifs de ce désamour qui sévit depuis fin XVIIIème - début XIXème, puisque c'est à cette époque qu'Alain Corbin situe un changement dans les sensibilités. On comprend que les aristocrates sont contrariés parce qu'ils planifient des sorties qui nécessitent qu'il fasse soleil, et que les bourgeois n'aiment pas se salir. du côté des paysans, on voit bien qu'elle peut être une bénédiction autant qu'un malheur, mais je doute que ça ait beaucoup changé au cours des siècles - je ne vois donc pas très bien ce qu'on apprend de ce côté-là... Côté littérature, Alain Corbin associe la pluie au spleen via Baudelaire, et curieusement dans un même élan, m'a-t-il semblé, à une humeur morose. Mais c'est là, il me semble, oublier de parler plus avant de la mélancolie, et donc de la dépression, qui fait fuir le soleil et la journée, et préférer le temps gris et la nuit.





De façon générale, je n'ai pas forcément trouvé très pertinent de consacrer toute une partie de l'essai à des ressentis personnels, essentiellement via des extraits de correspondances et autre littérature : on en tire difficilement des généralités sur l'évolution des sensibilités. Sans conteste, le chapitre très intéressant de ce livre, c'est pour moi celui qui porte sur la politique. La façon dont Louis-Philippe a a fait de ses sorties officielles sous la pluie un instrument de communication, le présentant comme le roi qui supporte vaillamment avec le peuple les mêmes désagréments, est proprement édifiante. le chapitre consacrée à la religion et les pratiques invocatoires n'est pas mal non plus ; mais deux ou trois chapitres réellement instructifs, c'est peu. Il manque de plus une bibliographie à la fin, ce qui m'étonne de la part d'un historien patenté.





Je pense que c'est un petit essai à prendre pour une petite pause culturelle qui ne force pas à réfléchir et détend. Mais même dans cette perspective, je pense qu'Alain Corbin aurait pu aller un peu loin. Il manque pas mal de points qui ne sont pas du tout abordés. Reste donc à s'attaquer plus sérieusement à l'ouvrage publié en 2013 que Corbin a dirigé, et qui s'intitule La pluie, le soleil et le vent : Une histoire de la sensibilité au temps qu'il fait.





Il m'est venu soudainement venu l'envie d'écouter Daft Punk en boucle (j'aime pas trop Daft Punk) pour écrire cette critique. Bizarre, uh uh.
Commenter  J’apprécie          240
Sois sage, c'est la guerre

Je suis toujours passionnée par ce qu'on appelle les souvenirs d'enfance. Il me semble en effet que ces souvenirs -là sont en grande partie reconstruits, bien qu'ils aient souvent la netteté et le piqué des photos anciennes.

Le fait qu'ils soient à la fois une reconstruction et un vestige du passé est encore accentué par le récit de l'adulte qui les aligne et les fait résonner avec ses connaissances, quoi qu'il en dise. En effet Alain Corbin, professeur émérite d'Histoire à la Sorbonne, auteur entre autres de "Le miasme et la jonquille" pillé par l'auteur du Parfum, explique au lecteur qu'il restitue les images gardées de son enfance en faisant abstraction de ce qu'il a appris ensuite. Cela paraît difficile, car l'ouvrage,très beau dans sa clarté et sa fluidité, prendrait alors la forme d'associations libres, ce n'est évidement pas le cas de ce beau petit livre.

Donc Alain Corbin narre à partir de ses premiers souvenirs ce que fut la guerre , l'exode, le retour à la maison normande, les hivers froids mais exempts des privations des gens de la ville. Il évoque la figure de son père, qui quitta à 19 ans sa Martinique natale pour faire des études de médecine, et en filigrane la façon dont cet homme de couleur devint un médecin de campagne non seulement accepté dans le Bocage, mais manifestement respecté. Les rapports entre sa mère et son père, entre ses parents et les paysans, ses parents et la jeune fille qui fut leur domestique avant de mourir de façon absurdement révoltante, faute de secours adaptés à la suite d'une blessure, la colère du père à ce sujet, la rite de moisson de l'"herbe aux lapins", les déplacements difficiles dans des véhicules à gazogène cahotants, la teinte d'une robe d'été portée par la mère, les menus récurrents sur la table familiale, les bobos de l'enfance et leurs traitements de l'époque, tout cela fait défiler devant nous comme une bande ancienne d'actualités, le ton emphatique du speaker, et le côté ampoulé du texte en moins. Aussi je remercie M. le Professeur Corbin d'avoir ouvert pour nous les pages de son album de famille intime, pour nous restituer avec grâce et légèreté, mais aussi profondeur et émotion non dite les goût, le parfum, les odeurs et les couleurs d'un monde disparu.
Commenter  J’apprécie          240
Le village des

Après avoir lu le médiocre roman Mangez-le si vous voulez de Jean Teulé, je m'étais promis de lire cet ouvrage d'Alain Corbin pour mieux appréhender les raisons du massacre d'Alain de Moneys. Confronter les deux points de vue du romancier et de l'historien m'a été utile dans la compréhension de ce sordide événement. Et, je me dois le dire, le succès remporté par Teulé pour Mangez-le si vous voulez, est injustifié et il confirme le compte-rendu de lecture que j'avais fait de l'ouvrage : les faits relatés ne sont pas contextualisés. De plus, d'après l'analyse de Corbin, les informations livrées sont erronées. Si le maire de Hautefaye a bien déclaré "mangez-le si vous voulez" en parlant d'Alain Monéys, les participants du massacre n'en ont rien fait. Ni les tartines à la graisse de la victime, ni les testicules grillées ne sont des faits avérés. Non pas que j'aurais aimé que cela soit vrai mais juste par souci de vérité. Et je trouve cela bien dommage d'autant que Teulé ne pouvait décemment pas se documenter sur cet épisode de l'histoire de Hautefaye sans avoir lu Le village des cannibales. Evidemment un roman est par définition est oeuvre fictive et l'on ne peut blâmer Teulé d'avoir voulu adapter cet événement, mais à écouter son entretien pour les éditions Julliard, on se rend vite compte que son roman est une coquille vide... J'ai bien conscience que le travail de romancier n'est en aucune mesure comparable à celui de l'historien mais je soupçonne Teulé d'avoir écrit ce roman pour des raisons mercantiles et si ma réaction est si véhémente, c'est parce que je suis attachée à l'auteur et que j'ai vraiment été déçue. Cela dit, je reconnais volontiers que c'est grâce à Teulé que j'ai découvert cette passionnante étude d'Alain Corbin et je m'empresse après cette longue parenthèse, de me pencher sur l'analyse de l'historien.



Ainsi que le présente la quatrième de couverture du livre, ce massacre est avant tout un crime politique. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, ce massacre n'est pas une affaire de droit commun. Elle n'engage pas la responsabilité de groupe, argument que les avocats des bourreaux d'Alain de Monéys ont tous avancés durant le procès. D'après Corbin, les raisons de ce massacre sont multiples et entremêlées : rappelons que cette analyse se présente sous un angle historique et politique. Au moment où l'Empire de Napoléon III vascille et que la menace de l'avènement de la République s'affirme, le Régime voit croître la haine des paysans envers les nobles, les curés et les républicains. Voyant d'un oeil mauvais l'instauration de la République, les paysans, finissent par considérer tout opposant à Napoléon comme des ennemis et à plus forte raison, les Prussiens représentent-ils une menace tangible contre l'ordre établi. Tout en précisant que la foiraille de Hautefaye réunit des paysans de plusieurs régions, Corbin démontre que le massacre n'est pas la manifestation d'un acte prémédité mais bien celle d'un groupe organisé : les gens ne se connaissaient pas forcément et nombre de personnes ayant participé à la mise à mort d'Alain de Monéys ne savaient pas qui il était, excepté le fait qu'il "était prussien". Corbin souligne également que l'absence de contrôle de gendarme et la faiblesse du maire ont participé à la perte du jeune homme. Celui-ci apparaissait clairement comme ce que l'auteur a appelé l'équation victimaire : Alain de Monéys = un noble + un républicain = un prussien (p.91).



Par ailleurs, Le village des cannibales n'en a que le titre : l''auteur relate en effet que "devant l'auberge, le maire aurait prononcé des paroles scandaleuses, peut-être sous forme de boutade. Son dire, abondamment souligné, va contribuer à étayer la rumeur de cannibalisme. Selon Jean Maurel, un couvreur de soixante-dix-huit ans qui réside à la chapelle saint-robert, les plus acharnés auraient dit à Mathieu (le maire), en parlant de la victime "alors arrêtée devant l'auberge" : nous voulons le tuer, le faire brûler et le manger." Le maître aurait répondu : "Mangez-le si vous voulez". Ces mots terribles semblent avoir rapidement été colportés ; la femme Antony les a déjà reproduits au procès, avant que Maurel ne témoigne. Reste qu'il s'agit d'un bruit sans grand fondement." p.104 et que "le comportement des paysans obéit une à une logique propre" p.105. Corbin en appelle à l'historiographie de la violence pour expliquer cet événement : il ne s'agit pas pour lui, tant d'une question d'affaires communales, de conjoncture économique ou encore de justice populaire mais bien d'un moyen d'exorciser la peur. Si le massacre évoque l'horreur révolutionnaire, le supplice d'Alain de Moneys n'en est pas moins une manifestation identitaire : celle des participants au foirail de Hautefaye. Une analyse sous l'angle de la psychologie des foules (peu importe l'objet du massacre, il faut anéantir l'ennemi) est évidemment acceptée, mais Corbin va plus loin : ce fait "constitue une voie d'accès priviégiée à certains processus majeurs qui relèvent de l'anthropologie historique." p. 121. La "place centrale occupée par l'imaginaire et les pratiques de cannibalisme dans des conduites dont la cruauté nous est devenue proprement insupportable" p.122 est exacerbée dans cette affaire qui "ne prouve en rien l'irrationalité de la paysannerie du Nontronnais, mais seulement la spécificité des modalités de l'analyse effectuée selon un système autonome de représentations publiques". p.165



En fait, cet événement ne relève pas d'une affaire criminelle et l'on comprend à la lecture de cette conclusion de l'historien :"Avant d'être désavoués par la société dans laquelle ils étaient immergés, ces paysans n'avaient su dire, autrement qu'en suppliciant l'ennemi, la spécificité de leurs représentations du politique, l'intensité de leur angoisse et la profondeur de leur attachement au souverain. De ce balbutiement, de cette pauvre esquisse d'une révolution identitaire oubliée, seule reste à nu la cruauté, dans le ressac du sentiment." p.166, les raisons de cette analyse.



Cette étude m'a passionnée car au délà du simple rapport d'un massacre sanglant, on parvient à saisir du bout des doigts, le processus complexe qui caractérise les manifestations d'ordre identitaire. Mais cette étude est si dense qu'il est difficile d'en rendre toute l'essence. Le chapitre 4 intitulé l'hébétude des monstres a particulièrement retenu toute mon attention. Pour conclure, je recommanderais particulièrement cet ouvrage aux lecteurs du Mangez-le si vous voulez de Jean Teulé car il apporte un éclairage intelligent sur ce sombre épisode de l'histoire des paysans du Nontronnais.
Lien : http://livresacentalheure-al..
Commenter  J’apprécie          244
La douceur de l'ombre : L'arbre, source d'émo..

Si vous êtes sensible à la lumière à travers les frondaisons, si le parfum des pins vous transporte, s’il vous est arrivé d’enlacer un arbre ……..alors alors ce livre est fait pour vous.

Le titre est déjà tout un programme : la douceur de l’ombre.



Bon maintenant attention c’est un livre tout à fait sérieux mais qui vous porte de branche en branche et tel le Baron perché vous n’aurez peut être plus envie de redescendre.

Alain Corbin va vous faire parcourir les plaines et les monts, l’antiquité et la Renaissance, la poésie et la peinture.

Car l’arbre enchante l’homme depuis toujours. Il lui a parfois rendu un culte comme à une divinité, Platon en a fait le lieu d’élection de son Académie, Virgile l’a chanté avec ses plus beaux vers.

Objet parfois de superstitions ou d’effroi, l’arbre est le compagnon de toujours, fournissant l’abri, la chaleur, les fruits.

Alain Corbin passe tout en revue et s’appuie sur un nombre de citations ahurissant que l’on note au fil des pages pour ne plus les oublier.

Si l’on suit un peu le courant de l’histoire nous voici avec Ronsard mais très vite avec les romantiques, et là c’est un peu l’apothéose : Lamartine et les Cèdres du Liban, Chateaubriand et les frondaisons américaines et bien entendu Hugo !!

j’ai découvert que Bernardin de Saint Pierre était un fervent des arbres, l’auteur m’a confirmé l’amour absolu de Thoreau pour « la feuille, l’humus et l’arbre sauvage », l’intérêt des savants pour les arbres, Darwin et Elisée Reclus sont au rendez-vous. Voilà déjà un livre riche et l’on n’a pas encore envisagé la peinture !!



Bref un livre à garder par devers soi tout l’été, pour le feuilleter, pour réciter les poèmes que l’on y trouve et enfin pour comprendre comment nous avons fait de l’arbre notre confident, une source d’émotion ou de sagesse.

Un livre sérieux et complet tout de vert vêtu et qui vous procurera beaucoup de plaisir.


Lien : http://asautsetagambades.hau..
Commenter  J’apprécie          231
Histoire buissonnière de la pluie

Histoire buissonnière de la pluie a de quoi réconcilier avec la science historique tous ceux qui ne voient dans ses ouvrages que de gros pensums ennuyeux ou des défilés de dates à n'en plus finir. Alain Corbin s'est spécialisé dans l'étude des sensibilités, domaine aussi vaste que proche de nous de façon très directe.



Son court essai traite, comme le titre l'indique, de la pluie et des ressentis qu'elle suscite. C'est surtout à compter du XVIIIème siècle qu'on relève des approches personnelles du "mauvais temps" et des effets qu'il peut avoir sur l'humeur.

Les premiers chapitres s'attèlent à des ressentis individuels. Et l'auteur de citer divers diaristes et épistoliers plus ou moins célèbres à ce propos. Ainsi Baudelaire assimila pluie et spleen dans ses poèmes, certains peintres voyaient dans la pluie une autre façon de peindre la nature, quand Stendhal la détestait cordialement.



L'approche collective étonne avec les incidences politiques pour des rois et chefs d'État à partager la saucée avec les masses populaires venues assister à sa venue (en politique il faut faire feu de tout bois, même de la pluie).



Alain Corbin s'intéresse enfin à la relation entre précipitations et religion, voire religiosité. Avant que la science météorologique ne désacralise le ciel et ses aléas, la coutume voyait dans l'absence ou la présence de pluie, dans la survenue de tempêtes de grêle, un geste de Dieu ou du diable.



L'opuscule se clôt par des extraits de lettres, romans et études relatifs à la pluie. L'ensemble reste assez succinct et offre une petite balade instructive et légère sous les nuées en larmes. Alain Corbin écrit dans un style très plaisant qui n'enlève rien au sérieux historique; il rend son sujet accessible et permet d'appréhender autrement dans les textes ou les traditions l'importance de la pluie. A déguster par temps pluvieux au chaud derrière sa fenêtre, une tasse de thé ou de café à la main.
Commenter  J’apprécie          202
Une histoire du silence : De la Renaissance..

Sujet intéressant et difficile à traiter.



Les chapitres de cet ouvrage couvrent successivement : le silence et l'intimité des lieux, les silences de la nature, les quêtes du silence, apprentissages et disciplines du silence, interlude: Joseph de Nazareth ou l'absolu du silence, la parole du silence, les tactiques du silence, des silences de l'amour au silence de la haine, postlude: le tragique du silence.



Cet ouvrage de moins de 200 pages analyse les textures du silence et fourmille d'informations passionnantes sur ce trésor qu'est le silence. Craint par notre temps, ce livre montre comment il a été apprécié différemment au travers des siècles.



Bien des leçons à tirer de ce livre truffé de citations et de références. Une très belle source de sujets à approfondir.



Cette collection Champs de Flammarion est devenu une de mes principales sources de lectures.

Commenter  J’apprécie          200
De quoi avons-nous peur ?

Ouvrage collectif divisé en chapitres. Historiens, philosophes, écrivains, comédien, artiste, parlent de ce que la peur représente, sa place en chacun de nous ou au sein d'une société; d'où vient-elle, par qui vient-elle, pourquoi est-elle véhiculée ou pourquoi est-elle si présente.



Le sujet me semblait intéressant mais certains chapitres étaient difficiles à ma compréhension et donc rébarbatifs. Par contre, j'ai bien aimé les passages où un artiste de cirque parle de son métier, et un chapitre dans lequel l'auteur fait référence à de nombreux films de cinéma. C'était plus concret.
Commenter  J’apprécie          190
Historien du sensible

Pour qui aime l'histoire du XIXème siècle, il me semble qu'il s'agit là d'un livre vraiment passionnant. Alain Corbin, grand historien des sensibilités ( et de plein de choses bizarres ou étonnante de manière générale ) s'y entretient avec Gilles Heuré et revient sur son oeuvre si originale. Il sera donc question dans ce livre des odeurs à l'époque moderne et contemporaine, de la naissance du désir de rivages, d'un humble sabotier ornais du XIXème siècle qui ne savait ni lire ni écrire et dont Alain Corbin entrepris un jour de faire la biographie comme s'il se fût agit d'un homme très important. Il sera également question des cloches dans le paysage sonore au XIXème siècle.

Pour ceux qui voudraient découvrir ce grand historien de manière plus accessible, il s'agit d'un livre simple et accessible au style moins difficile que les livres habituels de Corbin.

Seul reproche, mais ce n'est pas vital, le livre a paru il y a plus de 20 ans et ne comprend donc pas certains thèmes étudiés plus récemment par le grand historien (les arbres, le silence, le plaisir féminin...).

En tout cas, passionnant !
Commenter  J’apprécie          180
Une histoire du silence : De la Renaissance..

Beau titre et beau sujet. Cependant ... on ne trouvera dans ce livre que peu de pages faisant réellement l'histoire du silence dans la société humaine "de la Renaissance à nos jours". Le classement thématique choisi par l'auteur organise l'essai selon des sujets comme l'intimité, l'amour, la nature, qu'il n'analyse pas en historien. Le titre est donc trompeur car "Histoire du silence" n'est pas un livre d'histoire mais un fourre-tout superficiellement pensé. Est-ce une méditation sur le silence ? Parfois. Elle se présente comme une compilation de citations d'auteurs sur la question, certaines fort belles, un copié-collé, une anthologie de fragments cousus ensemble à la manière des centons. On ne décèle ni une thèse particulière que soutiendrait Alain Corbin sur le silence, ni une volonté anthologique affirmée, car alors, son livre serait bien plus gros et surtout bien plus complet. La grande qualité de ce livre réside donc dans les citations qu'il propose (d'un nombre limité d'auteurs). Il se laisse feuilleter agréablement.
Commenter  J’apprécie          180
La véritable histoire des femmes

Tout d'abord, je pensais que c'était un essai sur l'histoire des femmes, en fait ce sont des articles publiés dans le magasine Histoire. Il est bien construit, puisqu'il classe les différents thèmes selon un ordre chronologique.



Tous ces articles sont faciles d'accès, certains intéressants d'autres moins, mais l'avantage c'est qu'on peut passer au suivant.



Cela m'a permis de me noter des petites anecdotes de misogynie de part les périodes, d'apprendre des petites choses, mais pas tant que cela ...



C'est dans l'ensemble, sympathique comme lorsqu'on lit un magasine mais en tant que livre, ce n'est pas ce que j'attendais par rapport au titre.



Merci toutefois à Babélio et aux éditions nouveau monde pour cette masse critique.

Commenter  J’apprécie          140
Le ciel et la mer

Ce tout petit essai au titre évocateur regroupe trois conférences données par Alain Corbin en 2004.



Il aborde les différentes perceptions, au fil de l'histoire, du temps qu'il fait et revient sur le concept de météo-sensibilité, notre capacité à subir ou à nous adapter au climat.



Ensuite, il nous parle de l'attrait de l'homme pour la mer et le littoral et de l'émergence des bains de mer à partir du 18e siècle, d'abord à vertu thérapeutique puis pour le plaisir.



Enfin, il distingue l'eau douce de l'eau salée et les différentes perceptions que l'on en a eu au fil du temps. L'eau douce en mouvement est synonyme de sensualité, de féminité, de bonne santé quand l'eau stagnante du marais est maléfique et vecteur de maladie.



Pour l'anecdote, j'ai acheté ce livre à Port-Louis il y a deux ans, dans une petite librairie-café, un jour de pluie torrentielle. Et cela en dit long sur l'importance de la météo et du temps qu'il fait, qui occupe nos souvenirs et alimente nos discussions en pays tempérés.



Le ciel et la mer, éléments immenses et changeants, ont ceci de commun qu'ils nous amènent à la contemplation, se faisant souvent le miroir de notre intimité et de nos états d'âme.



Un très court texte pertinent et intelligent, très touffue, aux multiples notes de bas de page. A vrai dire, je ne m'attendais pas à cette approche, très historique et j'ai été un peu désarçonnée par l'érudition de l'ouvrage. Republié en 2019, je regrette que le texte n'ait pas été remis à jour ou augmenté, notamment par rapport aux références citées et au contexte d'urgence écologique.



Etes-vous météo-sensible ? le soleil vous rend-il joyeux ? La pluie vous donne-t-elle le cafard ? A moins que ce ne soit l'inverse.



Bon vent !



Commenter  J’apprécie          130
La douceur de l'ombre : L'arbre, source d'émo..

J'ai vu l'auteur dans La Grande Librairie, et ses explications m'ont terriblement excité ! L'histoire est habituellement une histoire des événements politiques, sociaux, économiques, etc., mais rarement une "histoire des émotions". Et entreprendre un volet d'une telle histoire par le côté de nos rapports aux arbres, quelle intuition géniale et séduisante !
Commenter  J’apprécie          134
Les Cloches de la terre : Paysage sonore et..

Ce que j'aime chez Alain Corbin, c'est que le travail de l'écrivain tient une place importante dans la rédaction du livre, même s'il s'agit d'un travail de recherche universitaire. Il s'agit ici d'un voyage proposé dans les campagnes françaises du XIXe siècle avec comme fil rouge le rapport des communautés paysannes à l'objet de la cloche (en fait, Alain Corbin a ciblé quelques régions et non l'ensemble du pays) de la révolution, qui par définition se pose en une violente rupture, jusqu'à "la belle époque".



Il nous montre que la cloche est plus qu'un outil religieux, que sa fonction dépasse le symbolique par son omniprésence dans le quotidien des communautés, non seulement par sa puissance sonore (on ne peut que deviner l'intensité du son des cloches avant la Révolution grâce aux comptes qui indiquent leurs poids, leur nombre, leurs prix). Car la cloche rythme le quotidien des hommes, donne des repères spatiaux, éloigne les mauvais sorts. Il s'agit d'un objet de "prestige" intimement associé à la communauté dans ses pratiques (les traditions diffèrent encore énormément d'un village à l'autre), sujet à la rivalité entre communautés. C'est toute une relation dont l'auteur réussit à retisser chaque maille à partir de l'étude des comportements dans les "affaires de cloches" qui ont marqué certaines bourgades durant le XIXe siècle.



Car Alain Corbin se base sur un ensemble de documents écrit dont les plus importants sont les "affaires de cloches" qui débutent lors des destructions et fontes de cloches à la Révolution, entrainant ainsi la colère de ces populations (ça pose aussi la question de la diffusion des idées "révolutionnaires" hors des villes). Il emploi aussi des "enquêtes campanaires" faites par des érudits français du XIXe siècle, qui, comme les auteurs romantiques, témoignent d'une certaines nostalgie, d'une volonté de retrouver un passé révolu, révélant ainsi le sentiment d'une rupture culturelle dans le temps. Enfin, arrivent les témoignages les plus surprenants de la fin du XIXe siècle, dans lesquels la cloche devient "assourdissante", insuportable. D'où les propos liminaires de l'auteur sous le titre : "l'exploration de l'inactuel".



Ce livre est une prouesse. Il m'a fait découvrir l'histoire des sensibilités avec l'une des plus belles plumes de l'historiographie française. Mais je pense que cela vient de la proximité même d'Alain Corbin à ce sujet, en effet, il introduit son propos par le récit d'une "affaire de cloche et de sirène" à Lonlay-L'Abbaye entre 1940 et 1958, son village natal (il nous montre habilement que ce passé n'est pas si loin de nous).
Commenter  J’apprécie          120
Une histoire du silence : De la Renaissance..

Alain Corbin dit clairement que cette Histoire du Silence aurait demandé plusieurs tomes.Ce grand professeur , spécialiste de l’histoire des sens, a voulu écrire un livre abordable par un public plus vaste que le cercle restreint des spécialistes..Alain Corbin est très connu dans le monde entier. Il aborde l’Histoire de façon originale qu’il raconte l’histoire d’un savetier anonyme dont il fait presque un héros, qu’il parle des odeurs dans Le Miasme et la Jonquille ou de l’histoire de la virilité ou des émotions.Alors le silence a-t-il une Histoire?Oui et ce n’est pas seulement l’absence de bruit qui crée le silence. Le sujet est certainement trop vaste pour se résumer à un livre de format classique.L’érudition prend le pas sur la poésie et le sacré, à travers un florilège de citations souvent magnifiques et pas forcément très connues. Cela donne un livre compact qui semblera difficile et touffu à certains lecteurs.Pourtant ,c’est une invitation à aller plus loin dans notre perception du silence , je dirais même des silences. Alain Corbin, un historien majeur .Je vous invite à le découvrir mais il vous faudra un peu de courage intellectuel.







Commenter  J’apprécie          110
Une histoire du silence : De la Renaissance..

Etrangement, cette histoire du silence - peut-elle faire autrement? - est bavarde. Elle cite beaucoup les grands auteurs. Elle parle du silence de Dieu, de celui de la nature, de celui de l'art, de celui de l'amour, mais au fond elle ne dit pas, elle fait silence sur ce qu'est véritablement le silence. Cette histoire est une histoire sans objet, puisque le silence n'est rien. Est-il la simple cessation de parole? Est-il plus? Les auteurs cités s'y perdent, tâtonnent, cherchent dans le désert, lieu silencieux par excellence, mais le silence échappe. Tantôt il unit, tantôt il sépare. Tantôt il pèse, tantôt il libère. Tantôt il révèle, tantôt il cache. Le silence, semble-t-il, n'a pas d'histoire. Il est hors temps. Son histoire, comme ce livre, ne peut donc être qu'une approche hésitante de la part des humains qui n'ont d'autre choix que de dire le silence et donc de le violer.
Commenter  J’apprécie          110




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Alain Corbin (732)Voir plus

Quiz Voir plus

Les Chefs-d'oeuvre de la littérature

Quel écrivain est l'auteur de Madame Bovary ?

Honoré de Balzac
Stendhal
Gustave Flaubert
Guy de Maupassant

8 questions
11036 lecteurs ont répondu
Thèmes : chef d'oeuvre intemporels , classiqueCréer un quiz sur cet auteur

{* *}