Quand il se leva pour aller reposer la photo noir et blanc, où l'on voyait réuni ses parents, sa soeur et lui, il eut un moment d'hésitation. Ses doigts glissèrent sur ces visages familiers. Par ce geste anodin, il cherchait à donner corps à un souvenir flou, à retrouver physiquement le sentiment qui l'habitait alors. Il n'était qu'un bambin d'à peine quatre ou cinq ans, émerveillé par la vie, par l'abondance des choses à découvrir. Autour de lui, les personnes, les animaux, les plantes foisonnaient, bougeaient, croissaient, périclitaient. Les sensations confinaient à l'ivresse. Le soleil dardaient ses rayons à la chaleur implacable ou réconfortante. Le vent se faisait brise légère ou tempête glaciale. Les registres de couleurs, de formes, de textures étaient extraordinaires. L'esprit débordait l'univers, le temps transcendait l'éternité, l'espace surpassait l'infini. Et la terre... Terre mettait tout à portée de la plus infime existence, déversait mille manières d'offrandes... Il suffisait d'être, pour tout obtenir.