Le Média - Le 6 nov. 2019
Emission " La grande H, de Julien Théry. Invités, Simontetta Cerrini, Alain Demurger
Les Templiers : De la Croisade au procès dÉtat
Deux des meilleurs spécialistes de l'histoire des templiers, Simonetta Cerrini et Alain Demurger, sont ici réunis par Julien Théry (lui-même historien du procès qui mit fin à l'existence de l'ordre) pour aborder un sujet fascinant, source inépuisable de fantasmagories depuis des siècles.
La fondation de la "Chevalerie du Temple", fruit de la Croisade et des nécessités de la défense des Etats latins de Terre sainte contre les Sarrasins, constitua une vraie révolution au début du XIIe siècle. Jusque là, en effet, il n'était pas imaginable que des voeux religieux soient compatibles avec l'exercice d'une activité guerrière (répandre le sang constituant une source majeure d'impureté).
La combinaison entre les deux grands idéaux du Moyen Âge, le service du Christ et la prouesse chevaleresque, assurèrent cependant très vite un très grand succès à l'ordre. L'afflux des donations lui permit de constituer un immense patrimoine foncier, dont les revenus servaient aux besoins de la guerre en Palestine, tandis que d'autres ordres religieux-militaires naissaient sur le même modèle (L'Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem bientôt "militarisé", les Chevaliers teutoniques, et beaucoup d'autres moins connus).
L'engagement de la Chevalerie du Temple, cependant, ne suffit pas à enrayer la reconquête musulmane. Jérusalem fut perdue dès 1187 et la dernière place-forte chrétienne, Saint-Jean d'Acre, en 1291. L'ordre du Temple se replia dès lors à Chypre, d'où son état-major, autour du grand-maître Jacques de Molay, se mit à préparer de nouvelles offensives.
En 1307, les accusations d'hérésie lancées contre les templiers par le roi de France Philippe IV le Bel et l'arrestation-surprise de tous les membres de l'ordre présents dans son royaume ouvrirent une crise sans précédent dans les relations entre l'Eglise et la monarchie française. Le procès truqué qui s'ensuivit représente la première grande manipulation d'Etat dans l'histoire de l'Occident.
Montage Nathalie Heydel et Aurélien Laplace. Une émission de Julien Théry.
+ Lire la suite
Les templiers ont agi en tant que propriétaires de bateaux qu'ils utilisent pour leur propre compte ou qu'ils louent à des tiers. Ils transportent des hommes, des marchandises et des espèces monétaires (le « portage »). Il serait pourtant erroné d'assimiler le Temple à une banque, même s'il est vrai que celui-ci fournit certains services commerciales du temps (portage, prêt).
2009 - [PBP n° 964, p.176]
N'oublions pas que tout croisé en route pour la Terre sainte part avec l'espoir de visiter les lieux sacralisé par la présence de Jésus, de la Vierge et des saints ; pereginus, pèlerin, est le nom le plus souvent donné par les textes du temps aux croisés. Louis IX visita tous les Lieux saints, encore aux mains des chrétiens (Nazareth par exemple).
1759 - [PBP n° 964, p. 36]
Le 13 octobre, donc, avec une excellente coordination et à la surprise
totale des intéressés, les agents du roi arrêtèrent tous les templiers présents sur le territoire du royaume. Parmi eux figuraient les principaux dirigeants de l'Ordre, dont le grand maître Jacques de Molay.
Ces dignitaires étaient arrivés récemment de Chypre (où le siège de l'Ordre avait été installé depuis la perte de la Terre sainte) pour répondre à une convocation du pape. Clément V résidait alors en France, retenu depuis son couronnement par les discussions avec le roi.

On dispose d'exemples ... qui prouvent que les templiers ont admis des femmes comme sœurs dans leur ordre. Rappelons au préalable que l'ordre de l'Hôpital, l'ordre teutonique, les ordres ibériques admettaient des sœurs qui vivaient dans des couvents séparés. Dans les cas du Temple, il semble qu'il ait existé ce qu'on appelle une structure double, à l'image de ce qui se pratiquait dans l’ordre de Fontrevaud : deux établissements, l'un masculin, l'autre féminin, liés et dirigés par une abbesse.
(...) on peut citer le cas du couvent féminin de San Giacomo in Campo Corbolini à Florence, signalé à partir de 1293 ; ou le cas de maisons hospitalières passées sous le contrôle du Temple.
Autre exemple surprenant : celui des moniales du couvent cistercien de Mülhen, qui on décidé de passer au Temple et qui, en 1324, douze ans après la suppression de l'ordre, refusaient toujours d'abandonner la règle du Temple au profit de celle des hospitaliers auquel leurs couvent devait revenir.
Ce qui fait dire à Simonetta Cerrini que les « derniers templiers furent en réalité des templières » !
2718 – [Points H404, p. 131/132]
Les instructions données par l'évêque de Paris étaient claires: dans le cours de la procédure contre les personnes, la torture pouvait être employée pour obliger les templiers à dire la vérité; cela visait ceux qui s'obstinaient à nier ou ceux qui avaient varié dans leurs dépositions. Ces menaces de torture ou ces tortures réelles, venaient après celles que bien des templiers avaient subies durant la procédure royale-inquisitoriale de 1307. Peu d'entre eux désiraient être partants pour un second tour!
... en histoire, il faut respecter la chronologie et l'ordre des faits.
1958 - [PBP n° 964, p. 171]
Règle et statuts du Temple ont ... été diffusés hors de l'ordre. Certains traits de la règle et des statuts de l'ordre de l'Hôpital (sur les chapelains, la tenue des chapitres, les dignitaires) supposent une influence du Temple. Plus directement, l'Eglise a donné aux ordres religieux-militaires des Porte-Glaives (en Livonie) et de Dobrin (en Prusse et en Pologne), fondés au début du XIIIe siècle, la règle du Temple. Quant à l'ordre teutonique, fondé vers 1190-1191 lors du siège d'Acre et transformé en ordre militaire en 1198, il a reçu la règle du Temple pour ce qui concerne sa vie conventuelle et son activité militaire, et la règle de l'Hôpital pour son activité d'assistance.
2717 – [Points H404, p. 107]
Dans les textes de l'époque, le terme equus ! « cheval » désigne tout cheval en général, mais de plus en plus le cheval de guerre ; mais il y a des mots plus précis. La triade de base est composée du destrier, le cheval du chevalier, le cheval de combat, que les écuyers tiennent à destre, à main gauche ; du palefroi, cheval des dames et des clercs, le cheval de voyage par excellence ; et du roncin (de « rosse », mot d'origine germanique), le robuste cheval de travail. Mais la réalité est plus vairée : le roncin sert en temps de guerre, de même que la mule, pourtant le plus souvent utilisés comme animal de bât.
2723 – [Points H404, p. 190]
Dans le dernier tiers du XIIe siècle, les principaux souverains d'Occident, les rois d'Angleterre, de France, de Castille, d'Aragon et de Sicile, sans qu'on puisse les taxer d'hostilité envers les ordres, ont cherché à réduire les privilèges concédés par le passé à ceux-ci dans leurs Etats. C'est le cas en Catalogne où le roi d'Aragon, également comte de Barcelone, veut se rendre totalement maître de la basse vallée de l'Ebre...
1820 - [PBP n° 964, p. 129]
J'ai dit que l'ordre du Temple n'était pas un instrument de promotion sociale ; tel on était dans le siècle, tel on restait au Temple. C'est dans l'ensemble vrai : la plupart des chevaliers de l'ordre sont restés des anonymes. Mais pour les dignitaires de l'ordre, majoritairement issus de ces milieux de petite et moyenne noblesse (ceci est le cas des maîtres de la province de Lombardie, tous issus de l'aristocratie militaire du Piémont), les hautes fonctions qu'ils exerçaient en faisaient de puissants personnages : Jacques de Molay, le dernier grand maître, était un petit noble comtois, mais il parlait d'égal à égal avec le pape, le roi de Chypre ou le roi d’Aragon ; avec le roi de France aussi sans doute, jusqu'à ce jour du 13 octobre 1307 ...
2719 – [Points H404, p. 134/135]