Gault et Millau auraient eu la révélation de la Nouvelle Cuisine au cours d'un repas chez Paul Bocuse, qui n'avaient pas encore sa troisième étoile : "Il voulut nous en jeter plein les yeux, plein l'estomac : soupe d'écrevisses, loup en croûte etc. C'était parfait mais nous n'avions subi aucun choc". Les deux compères ont quand même l'idée de revenir le soir à l'Auberge de Collonges-au-Mont-d'Or : "Alors Paul Bocuse nous servit une simple salade de haricots verts accompagnés de tomates. Une splendeur, l'odeur du jardin, une saveur inoubliable. Ensuite, il apporta des rougets de roche peu cuits. Là encore nous fumes comblés de parfums oubliés. Nous venions de découvrir la Nouvelle Cuisine. elle existait, nous l'avions rencontré et nous ne le savions pas encore;"
En 1986, l'opposition à l'ouverture d'un Mac Donald à Rome fut le point de départ d'un mouvement qui rassemble maintenant près de 100 000 membres dans le monde entier, dont près de la moitié en Italie. Comme le rappelle Carlo Petrini, le président de Slow Food International, il y avait : "Au point de départ, une revendication d'un droit fondamental de l'humanité et que le gastronome défend : celui du plaisir, un droit naturel, physiologique, dont la négation a contribué à favoriser la situation mondiale actuelle."
Mais le mythe gastronomique ne prend tout son sens que si on le rapproche des autres mythes républicains auxquels nous croyons tels que celui de l'égalité chances et de la méritocratie. Comme le dit Ezra Suleiman : "toutes les sociétés se servent de mythes pour créer des "communautés imaginaires" et de symboles pour garantir l'unité nationale. Plus une société est fragile, plus le recours à une mythologie de l'unité sera important."
De toutes les passions, la seule vraiment respectable me paraît être la gourmandise. De toutes les passions, la plus compliquée, le plus difficile à pratiquer supérieurement, le plus inaccessible au commun, la plus sensuelle au vrai sens du terme, la plus digne des artistes en raffinement est assurément la gourmandise. (Maupassant)
Alors que les cuisiniers sont de plus en plus "créatifs", ou se croient tels, les Français sont de moins en moins actifs dans leur cuisine. De fait, au cours des dernières décennies la cuisine a changé de statut dans la société française (...) mais rien de tout cela, ni le règne de l'industrie agro-alimentaire sur la table, ni le modèle dual, avec ses aliment service la semaine et une pratique limitée de la cuisine n'est une fatalité. Il est possible de faire évoluer le système alimentaire et de faire émerger une autre ou une nouvelle gastronomie.
On ne mange rien sans le sentir avec plus ou moins de réflexion; et pour les aliments inconnus, le nez fait toujours fonction de sentinelle avancée qui crie: qui va là? Quand on intercepte l'odorat, on paralyse le goût. (Brillat-Savarin)