En cette veille de Noël 1918, les Roquaises et les Roquais se rendaient en nombre assister à la messe de minuit.
La cérémonie se déroulait dans la ferveur et les chants de la chorale. Le curé monta en chaire tenant les feuillets de son homélie. Il s'éclaircit la voix puis commença :
- Mes frères et mes sœurs, remercions le seigneur... Soudain, un homme se leva en criant:
- De quoi, curé ? De quoi faut-il le remercier ? D'avoir laissé mourir mes deux fils, d'avoir laissé faire ce carnage ?
Le prêtre tendit la main en signe d'apaisement.
- Pierre, je sais combien c'est dur pour toi, mais...
- Ce Dieu dont tu nous vantes la bonté, où était-il pendant ces quatre années ? Parti en vacances avec son fils et le Saint-Esprit, pendant que les hommes crevaient au fond des tranchées ! Dis plutôt que la preuve est faite, ce gars n'est qu'une illusion, un conte pour endormir le peuple. Combien ici, ont prié, supplié que leurs enfants reviennent de la guerre, et pourtant combien d'entre eux sont restés sur le carreau ou sont revenus mutilés, brisés à jamais ? Alors, non, pas de merci, jamais... jamais !