Du coup, dès qu'il est à la maison, son instrument ne le quitte plus. [...] Assise dans le salon, au rez-de-chaussée, sa mère n'en perd pas une miette. Quelques fois, à pas de loups, elle se déplace jusqu'au bas de l'escalier, afin d'écouter Boris dans de meilleures conditions. Ayant l'ouïe fine, il a fini par s'en rendre compte. D'ailleurs, il n'a pas besoin de prêter l'oreille : il devine quand elle se rapproche ainsi de lui et peut alors se payer le luxe, tel un amant romantique, de lui donner la sérénade sans qu'elle sache qu'il ne s'adresse qu'à lui. Si plus tard, à l'image de beaucoup d'êtres humains, il se lance dans la tâche désespérée de définir le bonheur, nul doute qu'il proposera cette formule : le bonheur consiste à jouer de mieux en mieux toujours du violon pour une personne qui apprécie votre jeu chaque jour davantage.
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