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Critiques de Alain Giorgetti (10)
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Ce que la France n'a jamais dit à l'Algérie

Magnifique, en colère et susceptible de rendre compte de toutes les atrocités de la colonisation, discours fictif de ce qu'un président, courageux et lucide, pourrait prononcer en Algérie pour en terminer avec la domination. En détournant la rhétorique politique de ses impuissances ou de ses volontés de ne surtout pas traduire les mots en acte, Alain Giorgetti éclaire crûment toute une période - de la conquête à la guerre d'indépendance jusqu'à la domination patriarcale dans la mémoire - dont la France doit s'excuser, permettre enfin l'autonomie et l'appropriation de l'Histoire.
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Ce que la France n'a jamais dit à l'Algérie

Contre les justifications oiseuses et persistantes du colonialisme, un audacieux cheminement analytique et poétique vers la vérité acceptée et partagée.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/06/23/note-de-lecture-ce-que-la-france-na-jamais-dit-a-lalgerie-alain-giorgetti/



En imaginant ce discours de 65 petites pages, qui aurait pu être adressé en ce début de mois de juillet 2022, par le président de la République française, aux citoyens algériens directement et aux citoyens français un tout petit peu moins directement, Alain Giorgetti fait œuvre intelligemment brutale et profondément salutaire.



À l’heure où, contre toute évidence mais aussi contre tout bon sens simplement humain, on trouve en France non pas de moins en moins mais de plus en plus de thuriféraires authentiques du colonialisme « civilisateur », de cyniques reconnaissant plus que jamais le droit du plus fort à la richesse libre et sans entraves, ou au moins de « gens raisonnables » relativisant les méfaits de ces conquêtes et invoquant de bizarres « torts partagés », Alain Giorgetti mobilise en toile de fond une bonne part des recherches historiques les plus récentes, alliées aux témoignages directs plus anciens et – paradoxe apparent seulement – à une part de poésie, de langue française comme de langue arabe ou berbère, pour faire de la colonisation de l’Algérie et de la guerre (toujours entachée de son pudique et politique nom officiel d’« événements ») qui y mit fin ce qu’elle est au premier chef : un emblème des crimes passés, jamais ou très rarement reconnus (bonjour Léopold), et encore reconduits à la première occasion réelle de nos jours (bonjour la Birmanie, bonjour l’Amazonie, bonjour l’Arctique, bonjour beaucoup d’autres) lorsqu’il y a de l’argent à se faire et des puissances régaliennes à téléguider à ce seul véritable service.



Discours fougueux, soigneusement articulé néanmoins – et à la rhétorique finement ajustée (que ne renierait sans doute pas le protagoniste principal du « Acharnement » de Mathieu Larnaudie) -, « Ce que la France n’a jamais dit à l’Algérie », publié en mai 2022 chez Inculte, offre une rare occasion de saisir, au-delà des récits et fictions de relativisation, nécessaires évidemment (les travaux de Mehdi Charef comme ceux de Kamel Daoud demeurent ô combien précieux, par exemple), les aspects les plus fondamentaux de la lutte contre le colonialisme, avec ses diverses conséquences.



Imaginant cet aveu unilatéral finement documenté qui serait tout sauf une marque de faiblesse, Alain Giorgetti nous secoue et nous enchante, même au prix de quelques paradoxes bienvenus. Connaisseur des trahisons mémorielles inavouées (son « Pardonne pas – Sept roses rouillées à la mémoire de François Mitterrand » sur, entre autres, le sort de la sidérurgie lorraine sous Giscard-Barre et sous Mitterrand en témoigne en beauté) et des conséquences concrètes, même lorsqu’elles ne sont pas immédiates, du grand jeu néo-colonial (même lorsqu’il se essaie de se parer d’habits neufs) au Moyen-Orient (son bouleversant « La nuit nous serons semblables à nous-mêmes », retraçant les itinéraires menant d’une vie « normale » à une plage de sable sicilienne ou grecque, en témoigne à son tour), il nous offre un audacieux et flamboyant cheminement analytique et poétique, en compagnie aussi de Zhor Zerari, de Tahar Djaout, de Kateb Yacine ou d’Anna Greki, sur la route épineuse et pourtant indispensable de la vérité acceptée et partagée.
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La nuit nous serons semblables à nous-mêmes

Une petite merveille que ce roman qui nous dit tout à la fois la singularité de chaque parcours de migrants et l'universalité de ceux-ci. Alain Giorgetti, funambule des mots, se tient en parfait équilibre entre le manque total de précisions de lieu, de temps ou de personne qui ouvre à l'universalité et le souci du détail qui, à tout moment, replace le lecteur face au personnage, à l'endroit et à l'époque des souvenirs, constats ou espoirs évoqués.

Avec une maîtrise parfaite du souffle respiratoire du lecteur, l'auteur lui donne d'accompagner Adèm dans les seules certitudes qui soient : le jour succède à la nuit et chacun doit se relever et faire face au paysage.

Non seulement, Alain Giorgetti nous parle d'un instant qui dure une nuit, moins même, le temps d'une marée qui vient mourir sur un rivage mais, en même temps, par ce roman, il nous raconte la vie entière, le quotidien d'aujourd'hui, celui d'hier ou l'espéré de demain. Derrière le visage d'Adèm, couché sur la plage, cet enfant devenu trop tôt presqu'adulte, qui a froid, dont les yeux se piquent de sable, d'écume et de givre, les membres s'engourdissent et les pensées filent d'hier à demain en tentant de comprendre aujourd'hui, il y a tous les visages, chacun unique, de tous ceux qui ont migré, qui se déplacent de nos jours ou l'envisageront demain. Ces trajectoires singulières ont toutes pour dénominateur commun l'appartenance à une Humanité qui se dérègle, dysfonctionne, retarde sur l'instant T à vivre et pousse les assoiffés d'espoir sur les routes de l'exil, de la soumission acceptée aux passeurs et vers des rencontres dont il faut toujours se méfier alors même qu'elles sont chaleureuses et profondément humaines … parfois.

Au coeur de l'horrible, ce livre touche avec délicatesse et poésie à l'intime et au collectif de l'Être. Il aborde le temps comme un temps à vivre. Un vrai bonheur, une interpellation de première nécessité !



Merci à Babelio et aux éditions Alma pour cette très belle découverte.
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La nuit nous serons semblables à nous-mêmes

À hauteur d’adolescents, une exceptionnelle reconstitution poétique et réaliste d’une enfance, d’une fuite et d’un passage vers un monde réputé meilleur.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2020/02/01/note-de-lecture-la-nuit-nous-serons-semblables-a-nous-memes-alain-giorgetti/
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La nuit nous serons semblables à nous-mêmes

C'est l'histoire d'un Exil, un exil qui pourrait se situer dans n'importe quel pays, n'importe quel continent, une dictature qui pourrait toucher n'importe quel peuple, c'est le choix de fuir. C'est l'histoire de déchirures, de l'espoir de revenir, mais partir avant tout. Adèm est dans l'eau, dans la nuit, ses pensées racontent ses dernières heures passées, ses derniers mois, ces dernières années, sa vie. Sa soeur, sur la route avec lui. Sa mère, son père, l'oncle Virgile... qui lui a appris à nager, son village de montagne, la Zamti , John. Ce sont des souvenirs. C'est assez intemporel et paradoxalement très contemporain. Puis Adèm est seul sur les galets, incapable de remuer. Il poursuit son récit de souvenirs... jusqu'à la presque fin qu'il ne faut pas divulgacher.

Alain Giorgetti nous ramène à la réalité à la fin du récit. C'est brutal et attendu à la fois. Car si son récit est empreint de poésie, elle est là pour narrer une réalité. Pour expliquer nous dit-il à ses petits enfants d'où viennent tous ces gens, ces familles qui ont connu l'exil.

Merci aux éditions Alma et à l'opération Masse critique. C'est une découverte que je n'aurais probablement pas faite sans eux. Une découverte qualitative tant sur le plan de l'écriture que sur le thème.
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La nuit nous serons semblables à nous-mêmes

Tenter de définir les raisons qui font que je n'ai pas aimé un roman est souvent un tantinet compliqué pour moi. D'abord parce que j'ai bien conscience que mes arguments sont forcément subjectifs et, ensuite, parce que je mesure chaque terme afin de bien rester dans le commentaire d'une lecture sans sombrer dans une critique stérile et dépréciative. C'est encore plus vrai lorsqu'il s'agit, comme ici, d'un premier roman. Alors ? Qu'est-ce qui a fait que je n'ai pas accroché à ce roman alors que sur une trame comparable j'ai été complètement empoignée par "Le petit garçon sur la plage" de Pierre Demarty (Editions Verdier) ?

Ce qui m'a frappée dès l'ouverture du livre c'est la densité de la mise en page : de longs paragraphes compacts, aux lignes serrées, sans respiration, sans dialogue, qui donnent une espèce d'uniformité étouffante au récit. Celui-ci se déroule selon le flux de pensées, de réminiscences, de questions, qui traversent l'esprit d'un jeune homme échoué sur une plage après un naufrage. Au rythme du ressac, il ressasse son histoire : un pays sous la dictature, les parents assassinés par l'armée, la nécessité de fuir, l'espoir de retrouver sa soeur et de s'installer avec elle dans un nouveau pays, la peur et le froid... Cette rumination mentale est traduite par la répétition des scènes passées et des sensations présentes, imposant une sorte de stagnation du récit qui elle-même correspond à la situation du personnage. La forme adhère donc parfaitement au fond. Si parfaitement qu'elle m'en a paru redondante car trop ostensiblement "signifiante".

Ce travail sur la forme m'est apparu trop visible et lisible, un peu comme si l'auteur balisait minutieusement la lecture et orientait le lecteur dans une direction qu'il aurait a-priori définie. Cette sensation de limite du champ interprétatif m'a énormément gênée et a pour beaucoup contribué à ma déception. Le contenu des "Lignes de suite" présentes en fin d'ouvrage ont amplifié cette impression contraignante, comme si, à mon avis, l'auteur voulait s'assurer d'avoir été "bien" compris (j'ai failli écrire "bien lu"). Dommage que ce soit cette perception qui ait prévalu lors de ma lecture car certains passages sont vraiment émouvants. Quoi qu'il en soit ceci n'est que mon ressenti et j'invite chacun à se faire sa propre opinion !

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La nuit nous serons semblables à nous-mêmes

« Pour le moment, personne ne s’occupe de moi. Yeux écarquillés, bouche ouverte, je reste étendu sur le sol, face à la mer. Je suis là depuis longtemps, depuis des heures, depuis une éternité » p.13



« Je n’ai pas la moindre idée de ce qu’ils ont pu devenir, tous et chacun. Les autres, ceux que je n’ai pas vu couler à pic comme des pierres. Je ne sais rien. Je ne sais toujours rien, et personne ne vient. Je suis allongé face à la mer. J’assiste au dépeçage de la nuit, sous les couteaux habiles de l’aube. La lumière croît en moi, je décrois. Les forces du jour vont bientôt envahir toute la baie. Chaque rocher décantera les veines colorées de son anatomie. Les crabes et les bernard-l’hermite vont ressortir du sable, les algues vont se déposer un peu partout et une odeur d’iode et de poisson finira par chasser le vent monotone de la nuit. » p.235



Entre ces deux citations, un livre, une vie. La nuit nous serons semblables à nous-mêmes. Semblables à ce que nous sommes derrière les apparats du jour.

Semblables aussi devant les peurs, les espoirs. Semblables devant la solitude, devant la mort.

La nuit nous serons semblables à nous-mêmes, c’est l’histoire de l’humanité. Une goutte de plus qui vient gonfler la crainte de l’autre, cette inquiétude en crue depuis si longtemps.

La nuit nous serons semblables à nous-mêmes, c’est l’histoire d’un exil, c’est l’histoire de l’Homme qui a toujours migré dans l’espoir d’une vie meilleure.

La nuit nous serons semblables à nous-mêmes, c’est un dommage collatéral de nos modes de vie, un chiffre dans les journaux, une image furtive noyée dans les flots d’informations anxiogènes ou aliénantes de la télévision, une statistique.

La nuit nous serons semblables à nous-mêmes, c’est Adèm, jeune garçon ayant fuit son pays. C’est la vie qui se fait funambule, le sort qui hésite entre nouveau souffle et dernier soupir. C’est un naufrage parmi d’autres, un corps rendu par la mer, échoué sur une terre promise. C’est un jeune homme qui passe en revue sa courte vie pour ne pas se laisser aller à dormir, pour ne pas se laisser aller à mourir. Les moments doux alternent avec les raisons de l’exil. Les moments fous succèdent au long périple ayant laissé Adèm sur une plage de galets hostiles. Chaque pensée est une lutte, une esquisse de survie.



Premier roman d’Alain Giorgetti, ne comptez pas sur moi pour vous parler de sa qualité littéraire car je n’ai aucune compétence pour ça. Par contre pour ce qui est du ressenti nous sommes tous égaux et je me permettrai donc une remarque sur un point qui m’a gêné au début. Dans de nombreux chapitres, nous passons sans transition aucune de la vie insouciante et belle de la petite enfance d’Adèm et de sa sœur à la nuit angoissante et la douloureuse attente d’un secours éventuel sur la plage.

Un simple retour à la ligne, est à mon avis, insuffisant pour marquer la rupture. J’ai parfois du reprendre ma page pour avoir une lecture plus fluide.

Sinon, quelques jolis moments de poésie sont parsemés par l’auteur dans ce monde de brutes chaque jour un peu plus d’actualité.



Une lecture à mettre entre toutes les mains car pour chacun de nous, un jour ou l’autre nous aurons une nuit où nous serons semblables à nous-mêmes…



Merci à frconstant pour la piste de lecture.
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La nuit nous serons semblables à nous-mêmes

Tout ce que nous savons d’Adem c’est son prénom. Nous ne connaissons ni son âge, ni sa nationalité.

Il nous raconte son histoire : la dictature, ses parents, la fuite avec sa sœur, les camps, le « navire » et puis l’eau, l’eau, l’eau...



Alain Giorgetti nous livre ici un magnifique premier roman sur l’exil.

L’idée de ne pas donner de détails sur son personnage principal le rend d’autant plus universel. Cet homme pourrait être n’importe qui, venir de n’importe quel pays. Du coup on parvient à se projeter, à se dire que finalement cette situation cela pourrait être un jour la nôtre.



Même si j’ai parfois eu du mal avec la syntaxe de l’auteur et en particulier l’usage abusif du point d’interrogation, je retiens une écriture très poétique.



Bref, un premier roman réussi dont on a pas assez entendu parler lors de cette rentrée littéraire.

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La nuit nous serons semblables à nous-mêmes

Le roman tout entier d’Alain Giorgetti est trempé de mer, de son fracas, de son éternel roulement, de son implacable puissance, de son érosion inéluctable si l’on y trempe trop longtemps. Il aspire, conduit, brasse et tue à petit feu, lentement. Il brûle la peau, les poumons, les yeux, glace et condamne, et surtout, il bruit de tous les morts du monde, à en devenir assourdissant. Bien souvent, en haute lecture, ballotté dans les paragraphes serrés, nous avons perdu de vue le rivage rassurant du chapitre depuis longtemps, nous n’avons aucune bouée de blanc, le moindre retour chariot pour nous accrocher et souffler, il faut partir avec, retenir son souffle et endurer. Le roman tout entier d’Alain Giorgetti est une marée qui avance.



Son personnage central, le jeune Adèm, est échoué sur le rivage, de nuit. La traversée qu’il a entamée avec sa petite sœur semble s’être mal terminée, mais nous n’en savons pas grand-chose, lorsque le récit commence. Il a froid, du mal à bouger, essaye de ne pas s’endormir et de rassembler ses forces pour se redresser, en attendant les secours. Par une naturelle et diabolique présence d’évocation, poétique, mais surtout narrative, l’écrivain n’a pas besoin de beaucoup de lignes pour nous transporter en l’instant dans ce corps immobile, épuisé et meurtri, en lutte contre la nuit qui va bien finir par se lézarder d’espoir et apporter un matin neuf, vibrant. Comme Adèm, nous ne savons pas où nous sommes, mais le danger guette et pour tenir, avant de savoir qui de la nuit ou du jour va triompher, il va falloir se rappeler d’où nous venons.



Adèm déroule alors le fil de sa courte existence, espérant que sa mémoire imprimera son histoire dans le vent, et que portée par l’invisible bienfaisance du recommencement, elle sera déposée sur le bureau du Strasbourgeois Giorgetti, dont la tâche immense sera de la recomposer au vol, alors qu’il attend lui aussi, minute par minute, que quelqu’un trouve Adèm et lui porte secours. Appelé au milieu de la nuit, Alain Giorgetti, qui prend suffisamment au sérieux les mythes et les signes pour s’en faire le prodigieux interprète, transcrit et reconstitue le destin d’une famille à travers le souvenir qu’en conserve religieusement ce fils doré, dont le cœur et les respirations ont su émouvoir le vent. Si c’est bien tout ce que peut la littérature, elle est néanmoins la seule à le pouvoir : la porosité d’une âme à une autre, doublée de la capacité de lui rendre justice, le tout nimbé d’un amour fou qu’il est impossible de contrefaire crève un passage dans les veines du lecteur, éclate cet autre, fictif, dans nos pupilles, contre notre poitrine pour qu’il s’y déploie et nous colonise, que jamais plus on ne puisse le désapprendre, l’oublier.



Le roman tout entier d’Alain Giorgetti confine à la voyance. Le contact s’établit, et nous marchons Adèm, nous pleurons, mangeons Adèm, nous le redressons, lui qui n’y arrive plus et enfin, nous comprenons tout. .. Lire la suite : https://pamelaramos.fr/resistance-a-la-nuit-alain-giorgetti-et-son-roman-refuge/
Lien : https://pamelaramos.fr/resis..
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Massif

Aux bords écartés de la forêt vosgienne, un vent de colère et de folie se lève soudain lorsque la convoitise vient briser l’illusion d’un bonheur : puissance de la langue au service d’un flot magnifiquement insensé.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2024/03/26/note-de-lecture-massif-alain-giorgetti/



Le « Massif » du titre, c’est un coin de celui des Vosges, une vallée entourée de moyenne montagne et de forêt où subsiste une nature encore primale. Rien d’idyllique en soi, sans doute, mais un terrain hautement propice pour découvrir, lorsque l’on a été traumatisé et ballotté de mal en pis, à peu de choses près, comme Nicolas, l’apaisement et l’amour inouï en la personne de la joliment mystérieuse Hélène.



Mais le « Massif », c’est aussi une communauté villageoise tissée de hiérarchies abjectes et de corruptions, où derrière les vagues souvenirs bucoliques, l’argent règne en maître, au nom de ce qu’il a déjà acheté et de ce qu’il pourrait encore et toujours acheter. Monde en petit dans lequel la puissance des 4 x 4, la sûreté du coup de fusil et l’absence totale de sens moral – ou alors extraordinairement dévoyée – font figure d’armoiries et de quartiers de noblesse. Monde en petit où l’on est aux ordres, ou alors opposant, obstacle, caillou dans la chaussure du prestige local et du profit tout à fait terrestre et terrien.



Lorsque le frottement entre Nicolas, Hélène et la convoitise mafflue des frères Kocher, incarnation putride et fière d’elle-même du système local et de ses ramifications pas toujours attendues, devient choc, puis étincelle, le feu prend aux poudres : la colère se lève, ouragan irrépressible, et à son tour, « massif ». C’est cette colère aveugle et sourde, légitime ou non, mais en tout cas terminale ou presque, amplifiée bien au-delà des limites connues lorsque les illusions s’évanouissent et que les secrets apparaissent pour ce qu’ils sont, tragiques et honteux, que nous raconte Nicolas pour nous offrir ce roman électrique et halluciné.



Publié en 2023 chez Alma, le deuxième roman d’Alain Giorgetti est un tour de force littéraire. Réussissant le pari un peu insensé de confronter l’espoir fondamental, l’amour fou incarné dans des êtres et dans une nature, préservée et omniprésente – mais toujours et encore à la merci d’une quête sans fin de profit échelonné – à la colère monumentale, certainement folle elle aussi, qui naît de l’échec, de la honte et de la fausse fatalité salement orientée.



Ce flot puissant, et tous les rapides qu’il révèle au fil de l’eau déchaînée, ne surprendra pas en soi les lectrices et les lecteurs de son premier roman, « La nuit nous serons semblables à nous-mêmes », qui avait su aussi inventer la langue nécessaire pour raconter des flots bien différents, ceux de la Méditerranée des réfugiés, ni celles et ceux de son essai hybride et redoutable, « Ce que la France n’a jamais dit à l’Algérie », à la véhémence savamment contrôlée, ni même celles et ceux de sa nouvelle « Pardonne pas – Sept roses rouillées à la mémoire de François Mitterrand », dans le deuxième numéro de la belle revue La Moitié du Fourbi, où il montrait déjà qu’il savait ce qu’implique la trahison en matière de retour de flamme.



On retrouve donc avec bonheur (et terreur) dans « Massif », dans un registre bien différent d’imaginaire au plus près du terrain (un registre qui lorgne par moments avec fougue du côté de la Fanny Taillandier de « Farouches » comme du Wu Ming 2 de « Guerre aux humains » – et dans les deux cas, pas seulement par la présence des sangliers), une langue rare, puissante, ramifiée, capable de transcrire et de donner à ressentir toutes les nuances d’une colère face à la destruction d’un idéal, dans toutes ses composantes, colère qui, derrière l’opprobre bien-pensant et la folie apparente, a bien tout, alors, d’un « vent qui se lève » face à l’abjection des nantis et des repus.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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