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Citations de Alain Nadaud (17)


Un livre, ça n'a l'air de rien, et c'est en effet peu de chose. Ca tient dans la main, on en fait ce qu'on veut, cela ne s'oppose ni ne résiste. On peut même le lancer au loin, par-dessus le mur, ou prendre le parti de le glisser dans sa poche, en attendant. Et pourtant, tout bien considéré, il n'est en aucune façon réductible à cet objet inerte qu'il donne l'impression d'être. Avec lui, on fera donc un bout de chemin, comme on accompagne un ami au caractère un peu fantasque, avec lequel on peut s'attendre à tout…
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Est-il donc vrai que l'amour forme l'horizon indépassable de toutes activités humaines tant qu'on en est privé, pour redevenir cette chose banale, et si commune, dès qu'on est assuré d'en jouir à sa guise ?
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Les livres retracent donc, parfois symboliquement, aussi bien le parcours d'une civilisation que l'histoire de leur propriétaire. Car chaque volume contient en fossile l'être même que nous étions à l'époque où nous l'avons lu, même s'il n'évoque pas, en raccourci, ce que l'on a soi-même vécu. Rien de tel que d'en articuler les titres pour passer en revue sa propre existence passée, puisque chacun a laissé en nous sa marque, encore vivace. (...) Voilà sans doute ce qui nous retient de les jeter : parce qu'ils sont une partie de nous-mêmes, et qu'on ne peut les arracher de soi sans se faire mal aussi un peu, dans les moments de plus grande détresse: là où justement on ne s'appartient plus. (...) A l'inverse, il y en qui ont gardé, comme une pierre blanche et diffuse en eux, la clarté de ce matin d'hiver où on les a acquis.(p.86-87)
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L'expérience qu'il avait acquise en matière de cartographie était en bien des points semblable au talent du musicien qui, à la seule lecture d'une partition, et sans ouvrir les lèvres ni avoir même à fredonner, entend les voix entrecroisées du quatuor à cordes chanter en lui. [...]
L'aveugle ne reconnaît-il pas la consistance des objets en les effleurant des doigts ? De même, il lui suffisait de suivre un trajet du bout de son index sur une carte : aussitôt lui était donné l'impression de fouler le vert tendre des prairies, de longer les méandres d'une rivière, de passer entre les traits resserrés des cols ou des gués, de gravir l'ocre pâle des versants escarpés, de calculer le temps qui lui restait à marcher avant de faire étape dans une grange ou une crique, de se caler le dos contre une une roche couverte de mousse à proximité de la chevelure inlassablement déroulée d'une cascade.
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« La religion est le trou noir de l'intelligence, par où sa lumière et sa clairvoyance s'engouffrent pour disparaître à jamais. » (p. 270).
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« Pur sophisme que d'imaginer comment les religions monothéistes, en rendant toujours plus abstraite l'idée de Dieu, collent davantage à la vérité. Or, par une sorte d'effet pervers en retour, à force d'en épurer le concept, sans s'en rendre compte elles ont eu tendance à dissoudre dans ce trop d'absolu l'objet qui jusque-là leur avait servi de référence. À force d'avoir accumulé dans le dieu unique tous les superlatifs qui étaient à sa disposition, l'humanité s'est coupé l'herbe sous le pied, a tari les ressources de son imagination, a brisé le ressort de toute fiction, n'a plus trouvé matière à relancer un récit qui s'est épuisé de lui-même. Les religions monothéistes en sont ainsi réduites à contrebalancer par la théorie la fâcheuse impression que Dieu a en effet cessé de parler aux hommes, a pris ses distances, est retourné à sa parfaite et souveraine indifférence.
Jouant leur survie, et pour ne pas relâcher leur emprise sur l'esprit des hommes, en l'absence de toute manifestation nouvelle et crédible de Dieu qui relancerait la croyance, les religions monothéistes en sont souvent réduites à perfectionner les mécanismes de la soumission, à jouer la carte du fanatisme. » (p. 266)
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« En fait, l'idée de dieu ne prospère que sur l'imperfection humaine ; elle vient chaque fois en renfort pour masquer et combler ce qui à l'homme fait défaut : manque de connaissances, manque de sécurité, manque d'amour... Loin de nous persuader de l'existence d'un principe supérieur, cette obsession du manque apporte la preuve que l'homme, en raison même de l'incomplétude où il se trouve dès la naissance, est un être en devenir. C'est justement à partir de cette temporaire imperfection, transformée par la religion en une insuffisance qui affecte le cœur même de son être, que prend corps "l'argument ontologique", mis au point par Anselme de l'abbaye du Bec-Hellouin, futur archevêque de Cantorbéry, célèbre pour être la première tentative de prouver l'existence de Dieu. » (p. 234)
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L’expérience qu’il avait acquise en matière de cartographie était en bien des points semblable au talent du musicien qui, à la seule lecture d’une partition, et sans ouvrir les lèvres ni avoir même à fredonner, entend les voix entrecroisées du quatuor à cordes chanter en lui. De même, par la seule évocation des symboles, par le déchiffrement des à-plats de couleur et des courbes de niveau, il avait la capacité de voir se dérouler sous ses yeux ces immenses paysages de plaines et de forêts. L’aveugle ne reconnaît-il pas la consistance des objets en les effleurant des doigts ? De même, il lui suffisait de suivre un trajet du bout de son index sur une carte : aussitôt lui était donnée l’impression de fouler le vert tendre des prairies, de longer les méandres d’une rivière, de passer entre les traits resserrés des cols ou des gués, de gravir l’ocre pâle des versants escarpés, de calculer le temps qui lui restait à marcher avant de faire étape dans une grange ou une crique, de se caler le dos contre une roche couverte de mousse à proximité de la chevelure inlassablement déroulée d’une cascade.
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(p. 216)

Sans la conscience du Rien, la conscience du Tout est impossible. (...) Le Tout dépendrait donc, intimement et par essence, du Rien pour ce qui est de son existence même et de la conscience qu'il en a.
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Quand bien même, en ses douze chants, son épopée paraît sur le point d'être terminée, il refuse de la donner à lire à quiconque qu'il ne l'ait auparavant mise à l'épreuve de la réalité ! Sa nouvelle idée ? Il tient à visiter les lieux qu'il évoque sans les avoir jamais connus, à arpenter les champs de bataille où, côte à côte avec les dieux, s'illustrèrent les héros des légendes de jadis. Tu sais pourtant avec quelle vigueur il a décrit les sites abordés par Enée au long de son périple... Eh bien non, cela ne suffit pas ! Voilà qu'il a pris le parti de se mettre en route pour aller contrôler sur place si tout est bien conforme à la vision qu'il en donne. Quand je pense aux innombrables comptes rendus que nous avons collationnés exprès pour lui - il n'y en avait jamais assez ! Rapports de marins, perspicaces dans l'art de se repérer à l'estime en vue d'une côte ou d'un amer, de chefs militaires, prompts à juger du point faible d'une défense ou experts dans l'art de produire un relevé de terrain. Sans oublier les innombrables recoupements que nous avons effectués pour mettre ces témoignages en conformité avec le texte d'Homère. hélas, tout ce travail en vain !
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Alain Nadaud
Un matin, on trouva Louis Legrand sans vie. Installé en face de l'étroite porte-fenêtre devant laquelle, lors de cette nuit glaciale et pure de décembre, il avait disposé son globe céleste afin d'en superposer les étoiles fictives à celles qu'il avait vues brilles d'un si vif éclat à travers la vitre.
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Par sa facture, ce buste est conforme aux canons habituels de la sculpture du 1er siècle av. J.-C., si l'on excepte la singularité de l'expression. En effet, la forme des lèvres entrouvertes et le pli prononcé des commissures forment un contraste saisissant avec les traits juvéniles du reste du visage. Même s'il se rapproche de modèles aussi célèbres que "Jupiter tonnant", figuré assis en majesté, la mine sévère, s'apprêtant à lancer son foudre du haut du ciel, ou que "Mars vengeur", portant le poids du corps sur sa jambe gauche pour mieux décocher son dard acéré, le rictus qui déforme la bouche tranche par son expressivité sur l'académisme en vigueur, à tel point qu'il fut sur-le-champ baptisé "Auguste fulminant".
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La négligence de l'ange qui avait été préposé à la sauvegarde de sa bien-aimée? N'est-ce pas cette entreprise là, même dérisoire, qui lui avait permis d'oublier cette existence trop terre à terre, et comme engluée dans la boue des jours inutiles?
Et bien, de la même façon, il s'en allait construire, sur le modèle du premier, un au globe, mais céleste cette fois, où se déploierait, sur le canevas des étoiles fixes, la course aléatoire des planètes.
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Parfois, profitant de ce que le soleil était voilé, il roulait son globe en direction de la fenêtre qui donnait sur le cloître pour y voir se succéder le jour et la nuit en ses différents points, presque comme si la Terre en vrai en occupait la place; ou alors vers la porte vitrée qui s'ouvrait sur la terrasse et le verger.
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"Il s'était aperçu qu'il avait vécu dans un état de véritable sujétion vis-à-vis de l'écriture. Comme un prêtre fanatique. Un zélote. Un idolâtre qui se sacrifie à son idole, non pas faite de boit, de pierre ou d'os, mais d'encre et de papier : dans son temple, dont la bibliothèque labyrinthique imaginée par J.-L. Borges est le modèle, s'entassait la totalité des livres écrits depuis les commencements des temps, et à écrire jusqu'à la fin des siècles.

En arrêtant d'écrire, il avait coupé court à cette fantasmagorie. Il avait entamé une cure de désintoxication douloureuse, pleine de doutes et d'austérités, à laquelle rien n'était susceptible d'échapper. Peut-être la disparition de ses certitudes en la toute-puissance de l'écriture, de l'abnégation que supposait cette pratique, de cette morale même qu'elle induisait le rendaient-elles mieux apte à démonter les mécanismes insidieux et pervers de la croyance, à aborder de front la question de l'absence radicale de Dieu.

Pour retrouver le chemin de l'écriture après une déception pareille, il lui aurait fallu un enjeu de taille : à l'image par exemple de la lutte de Jacob avec l'Ange. Ou de ce Maldoror qui ne craignait pas d'outrager la figure même de Dieu."
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Oui, mon cher Varius, et avec l'assentiment d'Auguste, ne redoutons plus d'avoir recouru à la violence pour arracher le fruit ultime et splendide, pendant qu'il était mûr encore, même si, par une précaution que lui seul avait jugée légitime, Virgile s'était refusé à le laisser cueillir. Car, sans notre intervention, il aurait fini par pourrir sur la branche et choir à terre... Certes, nous sommes aussi responsables d'avoir abattu l'arbre qui l'avait porté pendant tant d'années. Mais, compte tenu de son dépérissement inéluctable, il serait bientôt devenu un rameau sec et cassant, tout juste bon à allumer le feu ; depuis quelques temps, par désespérance ou lassitude, ne s'était-il pas déjà condamné à ne plus refleurir ?
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On ne sait que peu de choses du père Louis Legrand, si ce n’est qu’il eut à souffrir de l’amour, au point, croit-on, d’en mourir de chagrin, que ses voeux furent forcés, et surtout qu’ils construisit deux des plus grands globes terrestre et céleste qui se puissent trouver en Europe à cette époque – dont l’un est aujourd’hui encore conservé à la bibliothèque municipale de Dijon.
On doit les quelques indications dont on dispose sur lui à l’écrivain Rétif de la Bretonne. Impressionné par les proportions de la mappemonde qu’on lui montra lors de son passage en cette ville, il consacra à cette dernière, ainsi qu’à son auteur, une dizaine de lignes en 1759, qu’il publia par la suite dans Monsieur Nicolas. Comme il le remarque justement, la perfection de ce globe était son seul défaut. Car, depuis les dernières découvertes de Newton, on savait que la boule sur laquelle nous vivons était loin d’être la sphère parfaite qu’il avait sous les yeux. C’est en effet au livre III des Principia Mathematica, ouvrage pourtant connu du public depuis 1686, qu’il avait été démontré que la Terre était renflée à l’équateur et aplatie aux pôles.
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