Alain Olivier, auteur du livre « Good Luck Frenchy », en entrevue avec Denis Lévesque (épisode du 17 septembre 2020) : https://dedicaces.ca/2020/06/28/good-luck-frenchy-par-alain-olivier.
- Épisode intégral : https://videos.tva.ca/details/_6192085461001.
Je marche dans les champs, pas à pas, humblement. Je contemple un paysan, les pieds dans la boue, qui laboure, à l’aide d’un buffle énorme, le sol de sa rizière. Ce sont ensuite des paysannes, repiquant le riz face contre terre, tellement penchées en fait que j’en ai presque mal au dos à leur place. Puis, je croise des enfants qui me saluent d’un beau «Hello!» bien franc, suivi aussitôt, dès que je leur réponds, d’un «Thank you!» à peine compréhensible. J’examine de petits choux, autour desquels volent des piérides, caresse les feuilles des plants de haricots qui viennent à peine d’émerger, observe les cochons chinois qui se vautrent dans la boue, les poules qui picorent, les canards qui cancanent, des buffles, encore, conduits par des garçons assis sur eux à califourchon, des mulets. Un paysan procède à un petit brûlis, son épouse fait sécher du fumier dans la cour, des fillettes portent des branchages dans leur sac à dos de paille tressée, d’autres, du fourrage pour le bétail. C’est beau, immensément beau.
Aînée d’une famille de 4 enfants, elle est la seule fille de la tribu.
Ses parents l’ont conçue en dehors de la sainte liaison du mariage, trahis par Dieu le père ou simplement l’oubli du préservatif.
Le village de Saint Glemnor, situé entre terre et mer, balayé par les vents d’ouest et jauni à la saison par les genêts envahissants, se souvient de cette folle journée.
Si l’on pouvait faire la cartographie intérieure du voyageur que je suis, qu’y verrait-on? L’enfant bercé par les vagues du lac Saint-Jean n’y est plus seul. Auprès de lui, on trouve la petite Hawa au ventre ballonné, le jeune Thanh aux yeux couleur de jais, Emma au grand nez aquilin, Kouassi, Pilar, Dieudonné. Il y a du thé vert, du tocai friulano et du bissap, de la paella, du couscous et du poulet kedjenou. On y pratique l’animisme, le bouddhisme et l’islam, on y parle italien, créole et attié. La papaye y voisine avec le bleuet; le néré, avec l’épinette; la girafe, avec l’orignal.
Suis-je pourtant plus riche que mon grand-père? Je n’en suis pas si sûr. Mais notre univers n’est plus le même. Nous serons mulâtres ou nous ne serons plus.
Entre la Polynésie et les critiques sur la soupe de la mère de Natéo, son père était en boucle sur les événements de Mai 68.
Le 16 mai était une date gravée dans sa mémoire, elle ne la quittait pas, elle l’obsédait.
Dès qu’il évoquait cette date, son visage se transformait, il rayonnait.
Il contemple le vieil arbre qui étale ses branches au milieu de lacour, ébloui par la lumière qui scintille entre ses feuilles, et essaie deretourner loin, très loin, dans sa mémoire...
Et si l’on permettait aux éléments opposés de chacune de ces équations de dialoguer, plutôt que de se dresser l’un contre l’autre ? Que trouverions-nous entre les deux pôles ?
Tout en sirotant ma bière, je me suis fait la réflexion queCharles Darwin aurait eu bien du mal à reconnaître la ville denos jours.