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Citation de PhilippeKadic


Après le Conseil, le Général me dit : « […] À partir de septembre de l'an prochain, nous fabriquerons chaque mois un Mirage et sa bombe. D'ici la fin de l'année prochaine, nous aurons ce qu'il faut pour tuer vingt millions d'hommes deux heures après le déclenchement d'une agression. »

J'allais lui demander : « Ça ne vous fait rien de penser que vous pourriez... » Mais je me rattrape pour adoucir la question : « C'est impressionnant de penser que l'on pourrait tuer vingt millions d'humains. »

Il me répond tranquillement : « Précisément, nous ne les tuerons pas, parce qu'on saura que nous pourrions le faire. Et, à cause de ça, personne n'osera plus nous attaquer. Il ne s'agit plus de faire la guerre, comme depuis que l'homme est homme, mais de la rendre impossible, comme on n'avait jamais réussi à le faire. Nous allons devenir un des quatre pays invulnérables. Qui s'y frotterait s'y piquerait, et s'y piquerait mortellement. La force de frappe n'est pas faite pour frapper, mais pour ne pas être frappé.

AP. — La bombe a bel et bien frappé, à Hiroshima et Nagasaki.

GdG. — Elle n'aurait pas frappé, si les Japonais en avaient possédé une. Et il fallait bien qu'elle frappe la première fois. Pour mettre le Japon à genoux, il fallait lui fournir la preuve que cette bombe était une réalité terrifiante et imparable. Et il fallait que cette bombe mette fin à la Seconde Guerre mondiale, pour que la perspective de son emploi dissuade d'en entreprendre une troisième. Sans quoi, on n'aurait jamais à ses vertus
« Il faut juger tout ça à l'échelle de l'Histoire. Les bombardements de Dresde et de Leipzig ont fait plus de morts que les deux bombes atomiques. Les trois cent mille morts d'Hiroshima ont épargné bien davantage de Japonais, qui auraient été écrasés sous des bombes ordinaires. Et surtout, ils ont épargné les dizaines de millions de morts d'une autre guerre mondiale, qui n'aurait pas manqué de suivre de peu la précédente. Les morts par bombardements classiques auraient été des morts inutiles. Les morts d'Hiroshima ont été des morts... nécessaires. (Il a cherché le mot, puis a fini par ne plus retenir que celui qui avait dû lui venir d'emblée.)

AP. — Et les morts de Nagasaki ?

GdG. — Ça, je reconnais que c'est plus discutable. Truman n'a attendu que trois jours pour lancer sa seconde bombe, sans avoir laissé aux Japonais le temps de se retourner. Il aurait pu leur envoyer un ultimatum de huit jours.

AP. — Des centaines de milliers de morts, des femmes, des enfants, des vieillards carbonisés en un millième de seconde, et des centaines de milliers d'autres mourant au cours des années suivantes dans des souffrances atroces, n'est-ce pas ce qu'on appelle un crime contre l'humanité ? »

Le Général lève les bras. Ce n'est pas son problème : « Nagasaki n'est peut-être pas très défendable. Mais, sans Hiroshima, l'armement nucléaire n'aurait pas fait plus d'effet qu'un revolver à eau. Truman a eu du cran. Il en fallait. »
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