- Maintenant, cherchons les loups ! déclara-t-il avec enthousiasme.
- Bonne idée ! où va t-on capitaine ?
- Vers le fond de la Clarée, entre le col des Muandes et celui de la Paré.
Les prunelles émerveillées du jeune montagnard se mirent à refléter une suite ininterrompue d'alpages, de lacs, de pierriers, de combes, de crêtes et de barres rocheuses.
Que serait une existence n'obéissant qu'aux lois de la sagesse ?
Pour la première fois, il observa le versant opposé de la vallée et s'arrêta sur le drapé nuancé de sa forêt qui s'élançait vers un ciel haut perché dans l'azur.
L'air, curieusement léger, participait de la pureté du paysage et de la multitude des chants ailés égayant ses silences. Seules entorses à la beauté : leur camionnette, en contrebas, et le petit bouton-d'or de la voiture de Juliette.
Elle se leva, prit une direction désormais commune et alla se ressourcer à sa cascade préférée.
Au retour, elle se montra attentive au clapotis de la rivière et à la multitude de sons composant le silence matinal. Les branches saluaient son passage sous de joyeux froissement d'ailes. Le pont, l'église puis l'auberge : retour brutal d'une galaxie lointaine où son cœur avait élu domicile.
« Le monde, ce soir, a rendu les gens un peu meilleurs ! » conclut-il, persuadé qu’un nombre incommensurable de drames seraient évités si on apprenait aux enfants dès le berceau à lever les yeux vers les largesses de la Terre, plutôt que de les river sur les jouets qu’ils ne possèdent pas encore !
Si l'idéal de certains éleveurs repose sur un cheptel bien grassouillet et sur la stabilité du chiffre d'affaires, celui des prédateurs réside également dans la survie de leur famille, de leur espèce. Tous ont des petits à nourrir. Juliette, une fois encore, comprenait ces motivations similaires et néammoins inconciliables.
L'automne oeuvrait à pas feutrés, laissant les choses immuables sombrer dans la désuétude. Érosion des feuilles et de la passion, au profit d’une sérénité menacée. Si les éclats d’âmes se faisaient discrets, ceux de la nature jouaient avec brio leurs dernières cartes dans un festival de couleurs et de lumière.
Quelle folie l’avait jusqu’alors privée de détourner le regard et de s’octroyer quelques minutes de pure gratuité ? Elle pensa qu’au terme d’une vie, il se pourrait que ce soient de tels non-évènements qui pèsent vraiment dans la balance est constituent les seuls instants de bonheur authentique.
On passe la moitié de sa vie à s’interroger sur l’avis de nos semblables à notre égard ; et si, au fond, ils ne pensaient rien du tout ; ou rien qui vaille la peine qu’on s’en soucie ! La paix « est probablement à ce prix...
Allait-elle, comme ses semblables, ne plus chercher à améliorer le monde, mais se contenter d'ajouter à l'inutile une sérénité toute personnelle ?