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Citations de Alain Roussel (21)


Il imaginait des rires, des confidences, les rêves que l’on fait à haute voix devant la femme aimée, des livres qu’on ouvre sur les éclairs de la pensée et qu’on ne referme qu’avec regret, deux hommes face à face qui discutent, attendant l’heure du vitrier quand, aux alentours de minuit, le rire prend des allures de mystère traqué et de verre cassé, peut-être aussi des draps soulevés par la houle sous le soleil discret d’une lampe de chevet, ou le regard d’une femme étrangement belle s’obstinant à inventer la mer dans la vaste crique d’un fauteuil ouvrant ses bras immenses à l’espace de la chambre.
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Ainsi, j'ai pénétré les mots…


Extrait 2

Des significations usuelles, il ne reste que la cendre. Attisé par le vent, l'esprit s'envole de flammes en flammes, relançant la quête toujours plus loin, toujours plus haut. Du moins c'est ce que je voudrais. Cette activité intense m'a ouvert à la vision. Je vois des choses que je n'avais jamais vues. J'entends des choses que je n'avais jamais entendues. La pensée, dont la mienne n'est qu'un fragment, rayonne. S'il y a de ma part une recherche sur la langue, elle relève de la poésie et non de la linguistique. À quelques exceptions près, je n'ai qu'une attirance restreinte pour les travaux de ces spécialistes qui relèvent de l'autopsie. Je les ai lus ou essayé de les lire. La plupart du temps, dans leurs livres, les mots s'ennuient à mourir. Ils voudraient être ailleurs. Les seuls qui m'inspirent, dont j'ai l'impression qu'ils me rendent plus intelligent à chaque lecture, qu'ils m'emmènent en voyage, ne sont pas vraiment des linguistes, à peine des sémiologues (ou autrement). Il y a en eux une sensualité des signes qui les rend fréquentables. Je pense tout particulièrement à Roland Barthes, avec L’Empire des signes et à Umberto Eco.
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« J’appréhende le monde non pas tel qu’il est, mais tel que je suis. »
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En effet, des maisons, d’abord dispersées dans une sorte d’incohérence, puis de plus en plus nombreuses et rapprochées, se rassemblant le long d’une phrase latente qui n’attendait qu’un signe pour se dérouler indéfiniment, ponctuèrent la trajectoire des chaudronniers du néant jusqu’à la gare où ils descendirent.
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« Les sentiments ont-ils une odeur ? »
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Fin d'après-midi, l'été
  
  
  
  
J'ai grimacé avec le doute
devant les promesses du monde moderne
et ses misérables lampions pour éclairer l'impasse
le nouveau monde était déjà si ancien
en fin d'après-midi l'été
je partais à la cueillette des sensations
par les rues bordées de platanes et de marronniers
il fallait connaître les bons coins
assis à une terrasse de café
j'assistais l'été à la lente agonie du jour
dans le décrépit des façades
du côté de la gare du Nord ou de l'Est
mais les plus belles flaques de lumière
je les trouvais dans les yeux des passantes
mon regard n'avait pas le temps de s'y baigner
mais cela suffisait pour me rafraîchir la vision
Paris avait soudain la douceur des collines
le fruité des lèvres inconnues arrachées aux affiches
comme un goût de framboise poivrée
et je repartais dans le soir flottant
portant ailleurs mes rêves exotiques
je menais ma jonque par les rues de Paris
voile noire dressée au moindre vent
l’œil aux aguets
je me laissais guider par les réverbères
du côté de Saint-Germain-des-Prés de Mouffetard
ou parmi les récifs de quartiers réputés dangereux
mais je ne craignais rien
ma vie avait déjà fait naufrage
j'avais appris à me rendre invisible
et je cherchais le feu dans la nuit du cristal.
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« Ô ma Lise, malicieuse, licencieuse, je monte aux cieux. Du vol de huppe de mes doigts je soulève ta jupe, voluptueuse relique, je te reluque, nues tes cuisses, nue l’anse où je m’élance, où je sens, où je hume l’anis – avec un je-ne-sais-quoi d’un parfum de thé – jusqu’au vertige, jusqu’au râle, dans le grand lit à spirales qui m’aspire. Tu es nue, oui, tu es nuit, inouïe, alors je viens boire le vin, tabou, de ta bouche et te mordiller tendrement l’or, l’orée à l’aube, le lobe de l’oreille sur l’oreiller, en te disant des mots doux : c’est ainsi qu’un homme aime une femme ! »
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La poignée de porte est devant moi, arrogante, et je ne sais quoi dire. S'offrant docilement à ma main, en même temps elle me toise, lance un défi à ma pensée sur laquelle elle gouverne à mon insu, accaparant toute mon attention comme si elle détenait le secret de l'univers. Je parviens à peine à la décrire. Du côté visible, cela ressemble à une tige métallique plate pliée à l'angle droit et dont le côté le plus long, celui sur lequel on appuie, est parallèle à la porte. L'apparence générale évoque un pied palmé, une patte de canard. Il fallait bien qu'elle se fît modeste, boitant un peu, pour ouvrir à l'homme qui se prétend parfait tous les espaces ! Dois-je insister ?
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Ainsi, j'ai pénétré les mots…


Extrait 1

Ainsi, j'ai pénétré les mots à la recherche de la « substantifique moelle ». Mais pas seulement. Je n'ignore pas que la cabale phonétique a souvent été utilisée pour dissimuler volontairement aux profanes un sens caché. J'ai lu Paul de Gourcy, Grasset d'Orcet, Raymond Roussel, Fulcanelli, sans oublier Brisset que je préfère mille fois à ses rieurs. J'ai même relu ce grand précurseur qu'a été Platon pour la langue grecque avec son Cratyle qui reste un chef-d’œuvre du genre. Si je cherche un sens caché, c'est surtout celui qui échappe à toute préméditation, à toute volonté de cryptage. Je cherche bien davantage, par une méthode basée sur des connotations phonétiques et des allusions graphiques, à inventer un sens, à donner du sens à ma pensée, à ma vie, dans une perspective à la fois ouverte et ramifiée. Je frotte des lettres, des syllabes, à l'intérieur des mots, libérant l'étincelle.
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le silence qu'on assassine, à qui l'on veut arracher l'être en le considérant d'une manière toute négative comme une absence de sons, alors qu'il a, dans l'inaudible, ses propres articulations, et qu'il se nuance, engendrant des émotions diverses
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Les mots jaillissent des mots…



extrait 2

en même temps je déferle avec elles [phrases-océans], frêle
esquif ballotté par tous les courants et dont la voile frissonne
au moindre vent. Je repars avec elles par le ressac, regagnant
le large, soudain loin des rivages, dérivant peut-être vers des
îles oubliées ou encore inconnues, rêveur utopique d’une
nouvelle géographie de la pensée. Mais les mots peuvent
aussi jaillir des choses. Il arrive que cela commence comme
ici, par un regard jeté par la fenêtre. Il y a cette présence, là
dehors, qui se révèle à mes sens et qui me renvoie à ma pro-
pre présence. Mon être peut s’en trouver illuminé ou obscurci.
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Aujourd’hui je suis divisée entre la loyauté que je dois
Au tabac d’en face, chose réelle au-dehors,
Et la sensation que tout est rêve, chose réelle au-dedans.

Fernando Pessoa. " Bureau de Tabac".
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Les lettres sont vivantes. Si elles se plient au sens courant et respectent généralement les règles de l’orthographe, elles mènent aussi leur existence avec indépendance et panache. Elles voyagent d’un mot à l’autre, fraternisent, conspirent, se combattent, se risquent souvent à des liaisons dangereuses dont nous ne savons rien. Dans ce texte, « Lettres d’amour », j’explore d’une façon ludique les relations tumultueuses entre la lettre l et la lettre r, par le biais d’une correspondance passionnée qu’elles entretiennent à notre insu, dans le secret de notre intimité mentale, pendant que nous vaquons aux occupations ordinaires de la pensée ou que nous nous laissons porter par la réflexion la plus métaphysique... (Présentation de l’auteur à Lettres d’amour)
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Il y a dans chaque figure du réel, ce que l'on connait, ce que l'on ne connait pas encore et ce qu'on ne connaîtra jamais.
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Les mots jaillissent des mots…



extrait 4

Mais la langue du monde n’est pas la parole des hommes.
Par les mots, je m’approche, je m’éloigne, je reviens, je
tourne autour d’un point innommable qui est dans les
choses. Il y a ce que je dis du monde et ce que je ne dis
pas, que je ne peux pas dire par incapacité de ma langue.
Comment exprimer l’être par le sens ? Comment traduire
l’indicible ?
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Les mots jaillissent des mots…



extrait 3

C’est une sorte de stupeur qui ne va pas sans une certaine
ivresse. Je suis dans l’émotion de la perception à l’instant
même où elle se produit, avant toute formulation par la
parole ou même par la pensée. Certes, les mots se mani-
festent presque tout de suite. Je vois cette forme ligneuse
qui s’élance du sol, s’enroulant sur elle-même en spirale
grimpante très resserrée, turgescente, avant de se ramifier
en bras disparates qui lèvent et agitent leurs multiples mains
ridées en une sorte de clameur frissonnante : je nomme l’ar-
bre, avec son tronc, ses branches, ses feuilles jaunies et le
vent qui souffle et qui secoue.
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Les mots jaillissent des mots…



extrait 1

Les mots jaillissent des mots, du fond de mon esprit, pour se
déployer en vagues successives ou qui se chevauchent, parfois
se dépassent, emportées par l’élan. Je les écoute. Je les regarde.
Je les touche. J’en goûte le sel par le mental. J’en respire en moi-
même l’écume. Ce sont des phrases-océans qui me traversent ;
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(…) je peux courtiser les choses par la parole, tenter des flirts impossibles, élever vers elles un chant vibrant et mélancolique, tel un troubadour en mal d’amour vers sa Dame absente, elles ne répondent pas à mes sollicitations et s’enferment dans un silence sans appel qui pourrait faire de moi un amoureux transi si je n’avais une grande capacité à réinventer le réel et à rêver, dans le sommeil et dans l’éveil, à jouer ainsi avec l’apparence des choses en alliant l’humour et l’insolence, aussi vrai qu’à l’instant même je fuis à toute allure dans mon appartement poursuivi par un saucisson sec à la musculature grise et patibulaire, avec des bourrelets (…)
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(…) la phrase m’entraîne avec elle au fil d’un courant puissant auquel je ne peux résister, c’est parti de presque rien, le murmure d’une source, un mince filet d’eau chuintant dans la rocaille, à peine audible, puis cela a dévalé les pentes en cascades, ce tumulte abyssale dans la langue, avant de s’élargir dans la vallée, avec ces rivières qui s’y jettent, la mémoire et l’imaginaire se mêlant à la voix obscures des choses pour parler en une seule phrase qui me prends à rebours et m’entraine (…)
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(…) je sentais intuitivement que quelque chose d’essentiel m’échappait, (…) que chaque chose, dans ce qu’elle pouvait avoir de plus intime, était innommable, les réverbères, les amarres, les bateaux, le quai, la fraîcheur de l’air, le pont, les phares des rares voitures qui passaient à proximité, les façades des maisons un peu à l’écart que l’obscurité rendaient mystérieuses, que j’étais moi-même innommable, marchant dans la nuit innommable, me demandant ce que je faisais là, mon innommable carnet à la main, celle-ci, avec ses doigts, tout aussi innommables, dans mon combat désespéré à vouloir malgré tout nommer l’innommable (…)
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