Citations de Alain Serres (203)
Le tapis indien
Il existe près de Jaipur
Un tigre bleu
Qui dort sur un tapis à poil court.
Quand on lui marche sur la queue
Il ne crie pas « au secours ! au secours ! »
Parce que la jeune fille qui l’a tissé
Ne savait ni dire
Ni écrire
« au secours ! au secours ! »
Plaignons caressons
Ce tigre en pure laine de mouton
Sur lequel on s’essuie les pieds
Sans qu’il ne puisse protester.
Je crois qu'il ne faut pas considérer les enfants comme des cibles, mais bien comme des personnes en construction qui ont besoin des mêmes vitamines que leurs aînés pour animer leur réflexion intérieure, la vision de leur place parmi les autres ou sur la planète.
L'imagination et le mélange des cultures sont désormais des épices dont on ne peut plus se passer !
A chacun sa poudre secrète, sa touche magique.
C'est ainsi que naquit le "mi-kong", un mélange d'eau, de farine, de miel et d'une poignée d'épices diverses choisies au hasard des pillages de caravanes... Cuit sur des pierres chaudes, il constituait le premier pain d'épices que les hommes ont peut-être inventé pour apaiser leur envie de posséder le monde entier.
Pour savourer des graines ou des bourgeons parfumés, des poudres de racines rares ou des morceaux d'écorce envoûtants, les hommes ont traversé les terres et les océans.
Je ressens le besoin de parler aux enfants de leurs droits sans démagogie, leur dire la haine du racisme mais sans discours, leur murmurer qu'apprendre à reproduire le monde à l'identique comme on les y encourage trop souvent n'est pas digne de l'histoire des humains. Le besoin de leur parler de tous ces ailleurs que j'ai la chance de découvrir en Amérique du Sud, en Afrique ou en Asie... leur parler des mots République et Résistance, c'est à dire d'Histoire bien sûr, mais aussi de Butor ou de Michaux qui résistent, eux, à d'invisibles dictateurs qui ne seront jamais jugés à La Haye... Leur apprendre à lire activement entre les lignes de leur propre imaginaire...
[La revue des livres pour enfants n°270 - la naissance de la maison d’édition Rue du Monde]
Si tes parents
pensent
que les fées
n'ont jamais existé
et n'existeront jamais...
... raconte-leur que toi, tu crois
en Mélusine Prune-de-Lune,
au Père Noël qui repeint l'arc-en-ciel...
... et aux parents
qui redeviennent des enfants
juste en lisant les six lettres
du mot E N F A N T !
Si tes parents
te répètent sans cesse
que tu ferais mieux
de lire des livres
utiles pour l'école...
... dis-leur qu'aimer les livres, c'est très utile à l'école !
Et que d'ailleurs ta maîtresse
en lit souvent à toute la classe,
avec de grands yeux brillants !
Si tes parents détestent
quand une bestiole
se promène dans un livre
avec une crotte sur la tête...
... explique-leur que tu as déjà vu pire
dans la Rue-de-la-Vérité :
un homme dormir près d'une poubelle, pour de vrai.
Tous les efforts, les doutes, les investissements et les soins apportés à la réalisation du livre doivent passer inaperçus, s'effacer derrière l'histoire et les images ! Ils sont là pour les servir discrètement.
Quand quelqu'un dira: "Ce livre est beau", il parlera sûrement de l'ensemble de l'ouvrage, de l'histoire qu'il raconte, de ses illustrations, son papier, sa couverture... sans distinction. Il aura l'impression générale d'avoir fait une belle rencontre.
Certaines nuits,
je pense à la vie.
Je soupire en me disant
que c'est triste,
les saisons.
Alors je pleure
une larme que
personne ne voit
parce qu'elle reste en moi.
Elle m'arrose.
PARTOUT
Je suis un enfant de partout
un enfant de Paris, de Cotonou,
un enfant de l’ombre des montagnes
des plis rouges d’un pagne.
Je suis un enfant des nids de moineaux,
de Mulhouse, de Baltimore,
des petits bateaux de la baie de Rio
et pire encore
je suis un enfant de quelque part
né de l’amour entre la chance
et le hasard.
Un enfant avec un nom,
un prénom,
mais un enfant qu’on appelle Terrien
parce que, sans moi,
cette planète n’est rien.
Je suis un enfant de partout/Rue du Monde, 2008
L'avion
Un avion a atterri
cet après-midi
sur cette page blanche
de mon livre ouvert
Il a dessiné de ses huit roues
comme une mèche de cheveux
au beau milieu de la feuille
puis lentement s'est rangé
en bas
à gauche
près du n° 36
36 passagers sont descendus
Ils m'ont parlé en 36 langues
de 36 millions d'enfants
que je ne connaissais pas.
Et mon livre traduisait,
et mon livre jubilait.
"Beaucoup de mystères demeurent encore sur l'histoire, la puissance ou la vie du ginkgo. Les humains ne sont certains que d'une chose : ils savent qu'ils ont encore besoin de lui, et pour longtemps."
N°9
C'est un très vieux
garagiste,
tout en bleu,
qui sait réparer les moteurs
mais pas les petits vieux.
Il sait maintenant
que tous les êtres vivants
sont fragiles
comme des plumes
et que chacun d'eux
a besoin des autres.
Même quand,
à force de marcher,
par tous les froids et par tout les soleils,
on devient robuste comme la pierre.
L'histoire de la vieille aztèque
Voilà dix ans que la vieille Indienne prépare, avec infiniment de soins, la divine boisson de l'empereur Moctezuma. Le roi des Aztèques boit jusqu'à quarante tasses de chocolat par jour. Et il en faut aussi pour les invités des nombreuses fêtes. Le servir n'est pas un travail, mais un honneur qui exige beaucoup d'elle.
Et depuis l'arrivée de l'Espagnol, elle s'applique encore plus. Le piment, les graines de rocou qui donnent une ombre rouge à la boisson, les épices juste ce qu'il faut d'eau de source, la vieille femme explique tout au visiteur espagnol qui, depuis des semaines maintenant, l'observe sous sa tente en remplissant des carnets. Elle livre toute sa science, mais elle sourit : elle est sûre qu'il ne parviendra jamais à faire mousser le chocolat comme elle. Il a beau toucher le moulinet de bois, le dessiner, le soupeser ou l'emporter dans son pays lointain, les mains qui le font tournoyer n’appartiendront jamais qu'à elle, la vieille Indienne de Tenochtilàn.
Un poème
s’est assis sur un banc.
Est-ce assez
Pour changer la vie
de l’homme
qui passe ses nuits ici
Et si le poème
s’assoit ainsi ?
de pays en pays,
les hommes
connaîtront-ils
enfin l’embellie. ?
Michel Lautru
"Dans les vertes collines d'Afrique du Sud, le lait a un gout sucré de liberté."