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Citations de Albert Caraco (59)


Les promenades de Paris les voilà devenues pour moi lieux de pèlerinage. Madame Mère il n'est endroit où je ne la retrouve et mon ravissement s'allie à la tristesse, la Ville me parait une forêt de signes, ce que j'avais perdu tout me le remémore et me le rend par une espèce de miracle incessamment renouvelé, telle façade que je n'avais jamais vue s'impose à mon regard et sollicite mon ressouvenir, je croyais oublier Madame Mère et sa présence est plus réelle que jamais, la morte est plus vivante que du temps qu'elle vivait. Quelle surprise! quel enrichissement! et quelle révélation pour un sceptique!
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Je savais bien que, morte, Madame Mère, revivrait en moi, moi qui jugeais son agonie interminable à partir de ce mois de Mai, moi qui formais des vœux pour qu'elle expirât au plus vite, avant l'horrible déchéance précédant la fin, quand elle ne se levait plus et souffrait de languir couchée. Alors je n'osais pas la regarder, de peur que cette image ne se substituât à mille autres, je maudissais notre morale qui nous oblige à révérer ce qu'il vaudrait mieux abréger. L'aimable femme méritait de mourir doucement et non de se défaire au milieu de ses médecins impuissants et glacés...
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Heureux les morts ! et malheureux trois fois ceux qui, pris de folie, engendrent ! heureux les chastes ! heureux les stériles ! heureux même ceux qui préfèrent la luxure à la fécondité ! car à présent les Onanistes et Sodomites sont moins coupables que les pères et les mères de famille, parce que les premiers se détruiront eux-mêmes et que les seconds détruiront le monde , à force de multiplier les bouches inutiles.

Le monde est laid, il le sera de plus en plus, les forêts tombent sous la hache, les villes poussent, engloutissant toute chose, et partout les déserts s'étendent, les déserts sont aussi l'oeuvre de l'homme, la mort du sol est l'ombre que les villes jettent à distance, il s'y joint à présent la mort de l'eau, puis ce sera la mort de l'air, mais le quatrième élément, le feu, subsistera pour que les autres soient vengés, c'est par le feu que nous mourrons à notre tour.

Nous sommes déjà trop nombreux pour vivre, pour vivre non pas en insectes, mais en hommes ; nous multiplions les déserts à force d'épuiser le sol, nos fleuves ne sont plus que des sentines et l'océan entre à son tour en agonie, mais la foi, la morale, l'ordre et l'intérêt matériel s'unissent pour nous condamner à la peuplade : il faut aux religions des fidèles, aux nations des défenseurs, aux industriels des consommateurs, c'est à dire qu'il faut des enfants à tout le monde, n'importe ce qu'ils deviendront adultes. Nous sommes poussés dans les reins au-devant de la catastrophe et nous ne pouvons maintenir nos fondements qu'en allant à la mort, jamais il ne s'est vu de paradoxe plus tragique, jamais il ne s'est vu d'absurdité plus manifeste, jamais la preuve que cet univers est une création du hasard, la vie, un épiphénomène et l'homme, un accident, n'a reçu de plus générale confirmation. Nous n'avons jamais eu de Père au Ciel, nous sommes orphelins, à nous de le comprendre, à nous de devenir majeurs, à nous de refuser l'obéissance à ceux qui nous égarent et d'immoler ceux qui nous dévouent à l'abîme, car nul ne nous rédimera si nous ne nous sauvons nous-mêmes.
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En vérité, la source des idées religieuses et
morales est en l'homme, la chercher hors de l'homme
est un non-sens, l'homme est un animal métaphysique
et qui voudrait que l'univers n'existât que pour
lui, mais l'univers l'ignore et l'homme se console de
cette ignorance en peuplant l'étendue de dieux, dieux
faits à son image. Ainsi nous parvenons à vivre en
nous payant de raisons creuses, mais ces raisons si
belles et si consolantes tombent à rien, quand nos
yeux s'ouvrent sur la mort et le chaos, dont nous
vivons enveloppés et toujours menacés. La foi n'est
qu'une vanité parmi les vanités et l'art de tromper
l'homme sur la nature de ce monde.
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nous sommes ici bas les dupes de nos écorcheurs
et quand nous croyons obéir à Dieu, nous obéissons
à des hommes, des hommes qui nous mènent au
chaos et qui ne nous préservent de la mort, des
hommes ignorants, des hommes impuissants, mais
qui nous en imposent, au nom de ces traditions qu'ils
nous imposent. Car nos autorités ne savent rien, ne
peuvent rien, ne valent rien, ne nous évitent rien et ne
s'entendent plus qu'à nous bercer de menteries, à
seule fin de maintenir l'acquis des privilèges et de
perpétuer leur établissement.
Albert Caraco
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Le monde, que nous habitons, est dur, froid, sombre,
injuste et méthodique, ses gouvernants sont ou des
imbéciles pathétiques ou de profonds scélérats, aucun
n'est plus à la mesure de cet âge, nous sommes dépassés,
que nous soyons petits ou grands, la légitimité paraît
inconcevable et le pouvoir n'est qu'un pouvoir de fait.
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L'homme se passe de la femme, la femme non, la femme pend à l'homme et l'homme s'imagine à tort qu'il la poursuit, alors qu'elle l'appelle. Les couvents d'hommes valent mieux infiniment que les couvents de femmes, les hommes n'ont besoin d'amour, la chair ne les tourmente pas avec la même force, l'homme ne souffre pas d'être homme, mais de manquer d'argent ou de puissance, la femme souffre d'être femme et puis de n'être pas aimée. Les beaux dehors, les ris, les jeux, les bagatelles et les grâces, l'écume de la mer profonde et sous l'écume un monde noir où nous ne sommes plus à nous, mais à l'espèce.
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Je n'en veux pas aux médecins, ce sont de pauvres hommes à l'égal de leurs malades et qui se rendent insensibles par devoir, mais j'aurais souhaité parfois que leur profession ne fût ouverte qu'à des saints en espérance et que la vue de nos souffrances ne les endurcît au point d'en arriver à les accroître. Le plus étrange est qu'ils prêtaient à rire, au moment où l'on eût pleuré de bonne grâce : ils représentaient au chevet de la mourante non pas la vie, mais le néant du monde en proie à sa grimace, ils ne savaient pas même consoler celle qu'ils ne pouvaient guérir.
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Ma Mère fut l'unique événement de ce que je n'ose appeler mon existence, sa victoire est totale et je n'ai de chair qu'autant qu'il en faut pour me sentir esprit. Ma Mère est devenue l'autel, où malgré moi, j'allais offrir à ce principe, dont elle ne savait pas qu'elle était ici-bas l'annonce. Car chaque femme porte en soi l'image de ce moi profond, auquel nous n'accédons qu'en renonçant au nôtre.
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Les êtres nobles aiment rarement la vie, ils lui préfèrent les raisons de vivre, et ceux qui se contentent de la vie sont toujours des ignobles. La vie qu'a-t-elle de si désirable, lorsqu'elle n'est sublime ? Les joies du corps, ce n'est pas sans étonnement qu'on voit les plus laids et les plus malsains les goûter avec un surcroît de rage et s'y ruer avec une fureur que les abus n'épuisent, les nations vaincues abondent en vilains de l'espèce insatiable, ces bêtes se rattraperont la nuit des servitudes que la journée leur impose. Seigneur ! épargnez-nous de ressembler aux larves !
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Nous nous montrâmes hypocrites, nous nous jouâmes de ses peurs et de ses espérances, ce fut la comédie la plus horrible, nos mœurs nous l’imposaient et nous n’osâmes les heurter de front, je le déplore, cet assassinat spirituel et j’eusse préféré l’euthanasie, j’aurais voulu que l’on ne trompât la malade et qu’elle mourût de son gré dans les commencements de l’agonie, je n’ai que ce remords. Pauvre Madame Mère, victime de la charité, qui ne la sauva de la déchéance, nous l’assommâmes de médicaments auxquels sa tête ne put résister, elle vécut, hélas ! de quelle vie, auprès de quoi l’assassinat physique est une grâce.
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Quand je regarde ceux qui jurent que la vie est un délice, je ne les trouve ni beaux ni bien nés, ni raisonnables ni sensibles, ni fins, ni sages, ni profonds, mais très semblables à ce qu’ils encensent.
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Ce mois de Mai fut de beaucoup le plus tragique, ce fut alors que je perdis Madame Mère et non pas vers les débuts de Septembre, car ce n'était plus elle. Nous eumes là notre dernier moment d'intimité, je lui tenais les mains de la main droite, la gauche appuyée sur son front: c'est qu'elle respirait encore avec une certaine aisance. Le même jour je m'étais rendu chez Lamy-Trouvain, après avoir couru le Bois, en proie au mouvement irréfléchi de l'affliction que je combattais, il faisait une chaleur surprenante et le soleil n'a plus brillé depuis avec la même force jusqu'au jeudi 12 septembre, quand elle fut incinérée.
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Il n'est pas raisonnable de toujours souffrir, à moins que la douleur ne nous amende, les morts que nous pleurons n'en savent rien et si nous nous rendons inconsolables, nous deviendrons la proie de notre complaisance. [...] Allais-je pleurer sur moi-même et me substituer en pensée à la morte ? Tous les inconsolables en arrivent là, je sens que je vaux mieux que mes regrets...
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Il est bien rare qu’une femme se rende auteur d'une œuvre remarquable, mais il est fréquent – avouons-le – qu'elle la suscite, l'ombre où la femme se dérobe est une source de grandeur et plus que la lumière où trop de femmes cherchent à paraître.
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Nous devons le respect aux femmes, nous leur devons infiniment de politesse, ceux qui les blâment tombent sous leur coupe et ceux qui les déchirent ne manquent de se traîner à leurs pieds: nous les honorerons pour mieux les éviter, nous les encenserons pour mieux les repousser et nous les diviniserons pour mieux les écraser sous leur symbole.
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Elle avait tant souffert d'être orpheline, elle avait tant pleuré sa mère qu'elle voulut en quelque sorte se venger de la fortune et n'avoir qu'un enfant pour le choyer avec une fureur outrée. Elle m'a dégoûté de toutes les tendresses à m'accabler de ses embrassements et dès avant le milieu de ma vie je ne voulais plus être baisé de personne, je suis gavé jusqu'à la mort de procédés aimables, je suis rassasié de mignardises, c'est une force et je l'en remercie, je n'irai pas mendier les caresses, à l'instar de tant d'hommes mal aimés qu'une ombre de sourire amorce.
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Les villes, que nous habitons, sont les écoles de la mort, parce qu'elles sont inhumaines. Chacune est devenue le carrefour de la rumeur et du relent, chacune devenant un chaos d'édifices, où nous nous entassons par millions, en perdant nos raisons de vivre. Malheureux sans remède nous nous sentons bon gré mal gré engagés le long du labyrinthe de l'absurde et nous n'en sortirons que morts, car notre destinée est de multiplier toujours, à seule fin de périr innombrables.
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NARCISSISME

Un tel s'émeut délicieusement à contempler ses propres formes. Il a dans une chambre, le long des murs, plusieurs placards munis de glaces et s'il les ouvre tous, il se verra multiplié par cinq ou six amants faits à sa ressemblance et caressé par cinq ou six mains à la fois, Narcisse auprès de lui n'était qu'un avorton, il en arrive à croire qu'il a cinq ou six mentules également sensibles. Quand il décharge, c'est un dieu, que venez-vous lui proposer après cela la plus charmante des maîtresses ? Il vous repousserait du pied.
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Dieu ne nous aime pas et n'est pas un objet d'amour, le Mysticisme n'est au fond qu'un Narcissisme et le Dieu personnel n'est qu'une absurdité, le besoin qu'ont les misérables de se sentir consolés prouve l'abaissement des misérables et non pas l'évidence des figures qu'ils supposent. Le Dieu des philosophes me suffit, je suis moi-même une personne et je ne cherche de personne ailleurs qu'en moi, je consens à ma mort perpétuelle et l'idée de salut me paraît un délire, être sauvé n'est qu'un viol métaphysique. Madame Mère préférait le Classicisme à toute forme de Messianisme, elle avait saintement raison.
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