Tout être individuel possède, en plus, l'existence éphémère. Cette existence se manifeste par la présence d'un corps engagé avec les autres corps dans d'innombrables rapports générateurs de changements dans le corps, et, dans l'âme, d'états de conscience qui représentent ces changements. De ce deuxième point de vue, l'âme est un système d'idées et, d'une manière générale, l'idée du corps. Le corps transmet à l'âme la connaissance de certaines proportions de mouvement et de repos, en suite desquelles apparaissent en elle des idées, des sentiments, des passions. On ne doit pas dire que le corps constitue l'essence de l'âme et qu'il met en elle ces idées. Car l'âme est distincte de lui.
Chaque individu a donc un double mode d'existence. D'un côté, il est éternellement; de l'autre il est, comme toute partie du monde sensible, assujetti à la génération, à la corruption et à la mort. Une philosophie doit rendre compte de ce dualisme, dont nous souffrons.
Plus qu'aucune autre philosophie, la doctrine de Spinoza est une théorie de l'Être. Elle roule tout entière sur la notion de l'être, puisque le bonheur suprême auquel elle prétend nous amener n'est pas autre chose que la jouissance ou la possession de l'être.