Cette histoire commença par trois enterrements et s’acheva sur un cœur brisé : le mien. L’été 1914, j’avais dix-neuf ans et j’étais à moitié asthmatique, à moitié pacifiste et à moitié écrivain. A moitié asthmatique : je toussais moitié moins que les malades, mais deux fois plus que les bien portants. A moitié pacifiste : en réalité, j’étais trop mou pour militer contre les guerres. J’étais juste contre le fait d’y participer. A moitié écrivain : le terme écrivain est prétentieux. Même quand je dis “à moitié écrivain” j’exagère. J’écrivais des livres sur commande. C’est-à-dire que j’étais un nègre. (Dans le monde de l’édition on qualifie de “nègre” celui qui écrit des livres que d’autres signent.)
(Incipit)
Nous ne sommes jamais très loin de ceux que nous détestons. Pour cette même raison, nous pourrions donc croire que nous ne serons jamais au plus près de ceux que nous aimons.
Souvent, si étrange que cela semble, les pauses entre les attaques sont pires que les attaques elles-mêmes.
Un bon auteur doit suivre son propre chemin, très en marge de celui qu’ont ouvert les classiques. Un auteur ne devrait jamais s’intéresser aux livres qu’il veut imiter, mais à ceux auxquels il ne veut pas que ses œuvres ressemblent.
Nous conservons la douleur dans des boîtes. Il est surprenant de voir de quelle façon un simple mot peut les ouvrir et nous jeter leur contenu à la figure. Les deux syllabes du mot “Congo” transformèrent l’homme qui se trouvait en face de moi. Des doigts invisibles étirèrent la peau des joues vers le bas comme si la fermeté de la gravité s’était soudain accrue. Ses pupilles se dilatèrent. Le duc voyait un paysage privé et épouvantable. Je ne désirais pas lui faire de mal.
Ne redemandez jamais à un avocat si ses clients sont coupables. Si Jack l’Eventreur était mon client, je défendrais ses intérêts. Mais nous ne devrions pas mêler la vocation de défendre quelqu’un à la possibilité de croire en lui. Ce dernier point appartient à la sphère privée. Et mes convictions les plus intimes sont contre la peine de mort. Quand l’Etat tue, il nous assimile au pire des assassins.
Mais le paysage qu'un homme voit, les yeux tournés vers l'extérieur, est généralement le reflet de ce qu'il cache, les yeux à l'intérieur.
Seul un homme qui naît ou un homme qui meurt peut être aussi seul que je le fus cette nuit, au phare.
Nous ne sommes jamais très loin de ceux que nous détestons. Pour cette même raison, nous pourrions donc croire que nous ne serons jamais au plus près de ceux que nous aimons.
(Incipit)
Qu'avait-il pu arriver ? Une nouvelle guerre de portée mondiale qui aurait interrompu le transit naval jusqu'à la fin des hostilités ? Peut-être. Mais, bien que nous les hommes nous ayons tendance à rejeter la faute de nos peines sur les grandes hécatombes -cela rehausse notre importance en tant qu'individus-, la vérité s'inscrit toujours en lettres minuscules.