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Critiques de Alberto Moravia (262)
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Le Conformiste

Cela fait plusieurs années que je repousse cet instant de vérité.

Peur de ne plus aimer comme cela arrive si souvent. Pire, peur de me détester d'avoir succombé, hier, à si peu de charme.

J'avais bien noté, sur un cahier bleu Héraklès, qu'il méritait les cinq étoiles. Mais cela n'était pas fait pour me rassurer. Bien au contraire.

Pourtant il n'a fallu que quatre-vingts pages pour m'apercevoir que toutes mes appréhensions étaient ridicules.

Le prologue m'a percuté comme un 38 tonnes en pleine vitesse.

Bon sang, quel écrivain !

J'éclatais de rire, échoué au bord de la route, ayant fait plusieurs tonneaux.

Je n'avais rien ! pas une écorchure ! Vous voyez ce genre de choses qui font saigner le lecteur : erreurs de ponctuation, adjectifs malencontreux, dialogues abscons, répétitions lancinantes, blabla interminable...

Rien de tout cela. Alberto Moravia venait de me proposer un beau voyage : La vie de Marcel.

Marcel enfant que ses petits camarades de classe raillent et maltraitent pour son excessive féminité.

Marcel qui prend plaisir à tuer des animaux.

Marcel toujours enfant qui croise la route d'un prêtre défroqué et pédophile.

Marcel adulte, bien installé dans la société fasciste, devenu fonctionnaire au ministère de l'intérieur.

Marcel qui se marie pour faire comme tout le monde, avec une fille qui ressemble à toutes les autres, avant de rencontrer, femme mariée, celle qui est l'objet de ses rêves.

Marcel qui va participer à un assassinat politique en bon soldat qu'il souhaite rester.

Si ce roman devait être un tableau, ce serait une œuvre de Balthus. Pleine de sensualité, d'interrogations, de refoulements.

Si c'était une musique, ce serait "Montaigu et Capulet" de Sergueï Prokofiev empli d'exaltation et de tragique.

Si c'était un mot, un seul : Sexe

Ne vous méprenez pas.

Le sien porte un masque, parfois une voilette et souvent un scalpel.

Mais jamais exhibitionniste.

Cinq étoiles sans aucune hésitation.

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Le Mépris

Émilie a cessé d'aimer Richard. Elle oppose désormais à son mari une attitude pleine d'indifférence et de froideur. Pourquoi ce mépris alors que ce dernier s'est endetté pour acquérir un appartement sensé lui plaire, acceptant pour le financer un travail de scénariste qu'il n'aime pas ? Richard s'interroge. Richard est déstabilisé. Et ce n'est pas l'écriture de son nouveau scénario, une adaptation de l'Odyssée d'Homère, qui va le distraire de ses problèmes. Au contraire. L'écrivain doit imaginer un Ulysse en but au désamour de Pénélope.



L'incommunicabilité entre les êtres, voilà un sujet cher à Moravia. Il est traité dans ce roman avec une analyse magistrale de la psychologie des personnages et du comportement spécifique de leur milieu. Ainsi l'héroïne, en quête de stabilité et de protection masculine, incarne le drame d'une petite bourgeoise en prise avec une évolution des moeurs qui la dépasse. Un décalage et une incapacité de s'adapter à la réalité propres pour Moravia à la bourgeoisie italienne des années 1950.



Challenge MULTI-DÉFIS 2021
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L'Amour conjugal

Roman d'amour et de création littéraire, les deux étroitement mêlés, L'amour conjugal porte une réflexion sur la beauté, le sentiment amoureux, Alberto Moravia glissant, avec son écriture raffinée, indolente et précise dans le détail, de nombreux faux-semblants dans l'histoire d'une tranche de vie d'un couple, Silvio et Léda.



Lui tente d'écrire un roman où il mettrait en place une histoire d'amour modélisée sur la leur, elle, l'encourage en le privant notamment de rapports sexuels durant son travail d'écriture afin qu'il puisse s'adonner tout entier à sa création.



Moravia prend tout son temps pour installer ses personnages, avec des descriptions détaillées de la beauté de Léda, mais aussi de ses imperfections dans ses mimiques, il situe l'histoire dans la chaleur estivale de la Toscane où le couple erre, le soir, le long d'improbables sentiers qui les conduisent chacun dans des directions opposées, elle, vers celle d'un adultère inéluctable, lui, vers le renforcement de son égoïsme et l'apparition inopinée de la jalousie.



C'est à Silvio que Moravia confie la narration de cet épisode de la vie de ce couple, c'est donc Silvio qui exprime ses propres sentiments, qu'il s'agisse des imperfections de son histoire d'amour ou de l'échec dans l'écriture de son roman. Ainsi, c'est toujours le point de vue de l'homme qui est développé, pour celui de la femme, Silvio doit se contenter de suppositions, d'extrapolations qui le conduisent vers un délire dans le sauvetage de son couple.



Au coeur de ce huis clos conjugal, s'insère un troisième personnage, celui qui sera l'amant d'une nuit, peut-être de plusieurs, Moravia opposant sans les développer trop cette fois, la répugnance du barbier et le besoin sexuel de Léda.



Le dialogue final, au dernier chapitre, entre Léda et Silvio, est très puissant, un vrai dialogue de faux sourds, où le livre raté, comme, semble-t-il, leur amour, devient une planche d'un salut hypothétique de celui-ci.
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L'ennui

D'abord une longue préface de Gilles de Van, intéressante en ce qu'elle situe L’ennui dans l'ensemble de l'oeuvre de Moravia et développe cette métaphysique qui domine dans ce texte, mais qui aurait dû plutôt figurer en postface car elle présente l'inconvénient, majeur à mon sens, de résumer brièvement l'intégralité de l'histoire, privant ainsi le lecteur de laisser aller son imaginaire jusqu'au bout en compagnie du héros, Dino.



Celui-ci, personnage central, est intéressant à bien des niveaux. Il rejette sa mère dont il a besoin pour son aide financière dont il prétend n'avoir que faire mais qui lui est nécessaire. Il est en interrogation permanente sur chacun de ses actes, sur ceux des personnes qu'ils côtoie au point d'imaginer des motivations et des situations pour chacune d'elles.



Et précisément, c'est dans les bras d'une jeune fille, Cecilia, qu'il ira au bout de ses interrogations, de ses frustrations, de son rejet d'une société bourgeoise dont il a besoin, de l'analyse de son ennui, de son amour. Tout le roman se structure autour de la négation de tout besoin, du rejet de presque tout, de l'indifférence à tout, et, en même temps du besoin quasi-permanent de tout ce qui est ainsi rejeté.



La personnalité de Cecilia est passionnante et Moravia lui donne, sous sa plume sans concession, une dimension physique et onirique qui ne peut laisser indifférent. Elle aime l'amour, elle aime faire l'amour, elle jouit merveilleusement tout en étant indifférente à tout ce qui l'entoure. Elle est simple, sans cruauté, se partage entre deux hommes naturellement, sans y voir le moindre problème ce que ne peut comprendre Dino.



Les dialogues entre eux sont à la limite de l'absurde et les réponses de Cecilia au questionnement pernicieux de Dino sont d'une simplicité qui le déroute dans leur absence de sens.



L'ensemble du roman est baigné dans cette atmosphère hors norme où le réel côtoie l'irréel, particulièrement dans les pensées de Dino, jamais dans celles de Cecilia.



Un très bon roman d'un écrivain talentueux tant dans l'art de son écriture, de ses phrases élaborées que dans son développement de cette thématique de l'ennui, de l'argent et de la finalité de la vie.

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Le Mépris

Hum... C'est une belle analyse de la mésentente au sein d'un couple.

Nous sommes dans les années cinquante. Richard est scénariste à Rome. Il est marié depuis deux ans à Emilie qui a abandonné son travail de dactylo. Battista est un riche producteur qui lui propose d'écrire un scénario pour produire un film sur l’Odyssée d'Homère. Bien qu'il préfère écrire sur le théâtre, Richard saute sur l'occasion pour assurer les traites de l'appartement qu'il a acheté pour faire plaisir à Emilie. Mais celle-ci devient indifférente à ses attentions, alors qu'elle s'intéresse au producteur...

.

Alberto Moravia a une très belle écriture, et produit une superbe analyse psychologique d'un couple en déconfiture.

Richard pense qu'Emilie l'aimait, et, par de petits indices, des attitudes, un ton, s'aperçoit qu'elle "cesse" de l'aimer. Une question obsessionnelle revient dans son esprit :

Pourquoi a-t-elle cessé de m'aimer ?

Elle répond par de l'indifférence ou des paroles vagues, et ça le travaille encore plus...

.

Ce qui est intéressant, c'est que j'ai opéré des basculements de pensée, trois " phases".

D'abord, je trouve qu'Emilie n'est pas correcte, et humilie son mari.

Ensuite : mais non, c'est lui qui exagère à être lourd, harceleur et même violent : pauvre Emilie, pourquoi reste-t-elle ?

Enfin, ce Battista me fait penser à DSK ou Harvey Weinstein, un fortuné qui saute sur tout ce qui bouge, et il manque de savoir-vivre à détourner Emilie de son mari.

Bref, Richard est vraiment maso de laisser les choses se faire ainsi, car il ne le fait même pas par intérêt, ce n'est pas la promotion canapé, il aime vraiment sa femme.

.

La comparaison Richard / Ulysse et Emilie / Pénélope est bien amenée. Ulysse est-il un héros antique, ou, comme le suggère le metteur en scène, d'après la version de James Joyce un homme dont les valeurs "modernes" ne s'accordent pas avec celles "antiques" de Pénélope, et qui part faire un long voyage pour prendre de la distance ?

.

Bref, la question est éternelle :

qu'il est dur de choisir un conjoint avec lequel on sera sûr de partager les valeurs, et être heureux toute la vie terrestre... Et au-delà : )

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L'Amour conjugal

Sylvio veut écrire un roman, un roman sur l’amour conjugal. Pour réaliser son projet, il s’installe en Toscane avec Léda, son épouse aimée. Mais le soutien de celle-ci ne suffit pas à nourrir son inspiration. Sûr de l’amour de sa femme, il imagine alors l’abstinence charnelle comme pendant de sa puissance créative et lui propose de faire chambre à part. Mais Silvio pense Léda soumise et éthérée là où elle est impétueuse et animale. Une erreur de jugement qui va lui faire connaitre les affres de la jalousie, d’objet utile à son épanouissement elle deviendra sujet agissant pour elle et par conséquent contre lui.



L’amour conjugal ou l’attachement indéfectible, concept bourgeois raillé divinement par un Moravia ironique et malicieux.


Lien : http://livreapreslivre.blogs..
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La Désobéissance

Luca Mansi se sent envahi peu à peu par un dégoût impossible à dominer. Comme si ses yeux d’enfants s’ouvraient, face à l’adolescence toute proche, devant le spectacle désolant de sa vie. Le tourment de son insignifiance le porte à se dépasser, à exiger de lui-même une forme de transfiguration. Alberto Moravia nous entraîne dans une crise adolescente mortifère. Peu à peu Luca se débarrasse de tout ce qui peut le rattacher émotionnellement à son existence. Il veut être libre de tout : libre de ne plus aimer ses parents, libre de devenir un cancre à l’école, lui qui était bon élève, libéré de ses passions, de ses centres d’intérêt. Dans un passage presque hallucinatoire il va enterrer ses économies dans un parc public. L’ultime, sur la voie de cette sorte de chemin rédempteur, c’est le refus de se nourrir. Le livre s’achemine vers un lent suicide, même si Luca réfute ce mot, cette idée. Pour lui c’est une désobéissance à la vie même. Enfermé dans son « jeu mortel » chaque abnégation de sa part le transporte. Elu d’un royaume sombre et délicieux, entre apathie et doux délire, il s’enfonce dans un néant inerte. Une planète figée où lui seul existe, pensée pure et intransigeante. Enfant solitaire, adolescent peu remuant, ses parents ne voient rien. Luca n’arrive pourtant pas à dominer ses pulsions sexuelles. Il résiste de toutes ses forces, en éprouve une honte, une bassesse même : voilà un autre combat à mener avec lui-même. Près de succomber, il triomphe pourtant : pâle gladiateur que ronge insidieusement la maladie. Moravia nous entraîne dans le cerveau torturé de Luca, lentement nous acceptons sa fin inéluctable. Luca tombe malade, Luca délire, Luca renait. La vie reprend ses droits malgré lui. La présence d’une infirmière avive ses pulsions et il cède. Comme au bord du gouffre, un pied au-dessus du vide, il décide de faire marche arrière, mais juste un pas. On devine, à la fin du livre, qu’il contemple l’abîme devant lui, même s’il a décidé de s’en éloigner, peut-être momentanément. Aux dernières pages, Luca "invente" une autre forme « de désobéissance ». En maître de la noblesse amère des sentiments, Moravia, dissèque ce pauvre cerveau d’adolescent comme peut-être le fait-il pour lui-même. Il nous conduit dans des contrées obscures, magnifiques, glacées et funestes ; Un voyage immobile au royaume du désespoir adolescent. Ce n’est pas de l’empathie que l’on ressent pour Luca, c’est une forme d’assentiment, d’acceptation de sa décision. Le feu de l’écriture est tempéré par un souffle distancié. La Désobéissance peut-être vue comme une étude, un délire, une aventure désenchantée, une forme de monstruosité. C’est une désincarnation.
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La Désobéissance

Comme je veux ! Quand je veux ! sont souvent les paroles de tout adolescent qui passe à l'âge adulte .



Certains sont plus rebelles et refusent toute autorité , tout élément qui rappelle leur enfance .

Combien de jeunes regardent leurs jouets favoris , avec lesquels parfois ils ont dormis , avec dédain presque avec dégoût .

Ne demandent-ils pas à leur mère - elle n'est plus leur petite maman chérie mais leur mère tout simplement - de bazarder tous ces objets inutiles .

Combien vous enverraient un savon au visage si vous ouvriez , par accident , la porte de la salle de bain .

Quant aux câlins , se souviennent -ils encore combien ils en appréciaient la douceur et le réconfort .

L'école , il vaut mieux ne pas l'évoquer .



Ils marquent ainsi une résistance passive tel Luca .



" Luca avait le sentiment que le monde lui était hostile et que lui-même était hostile au monde ; et il lui semblait livrer une guerre continuelle et exténuante à tout ce qui l'entourait . " P. 19

Cependant , la révolte de notre héros est très grave .

Elle le conduit à vouloir même détruire sa vie .



L'évolution de chacun de nous passe par la découverte de soi , de nos états d'âme mais aussi de notre sexualité .

Les balbutiements naissent un jour , par hasard , chez lui .

Lors d'un jeu de bataille avec les petits dont elle s'occupe , la gouvernante éveille ses sens par des attitudes et des gestes polissons .

Il est très perturbé .

Il va en être malade , voire alité .

Sa vie , il la doit à sa sensualité qui se développe au contact des mains de fée de son infirmière privée .



L'auteur est influencé par sa propre histoire , si tôt dans sa vie .

Une tuberculose osseuse l'immobilise très jeune : Il subira des séjours dans des sanatoriums jusqu'à ses dix-sept ans .

Frustré , apeuré , fragilisé , pendant de longues années , il réussit , par la maîtrise de l'analyse psychologique à nous émouvoir et surtout à nous irriter par le comportement De Luca qui est le personnage principal de ce roman .

Il veut démontrer combien le désir , la vie sociale et la vie affective sont parfois difficiles à accorder .



Alberto Moravia est un auteur subtil qui bouleverse , oblige à réfléchir longtemps encore après la lecture de ce livre , grâce à un pouvoir de persuasion inouï et effarant .
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Moi et Lui

"Moi et lui" n'est pas une impolitesse de Moravia, mais simplement un ordre de priorité lorsqu'on sait que "lui" est le... sexe (!) du narrateur.



Ce dialogue à bâtons rompus entre Federico et son pénis oppose la "sublimation" de la création artistique, en l'occurrence l'écriture de scénarios pour le cinéma, à la trivialité de la chair, ou "dé-sublimation". Quand Rico obéit à son sexe, cela lui coupe l'inspiration. Et vice versa... si je puis dire.



Alberto Moravia, universellement connu pour "Le mépris", met ici en lumière l'altérité du corps et de l'esprit, le combat freudien du "ça" contre le "moi", dans un récit à la fois cocasse et profond. Cette manière d'illustrer une réflexion quasi philosophique par des situations de la vie courante n'est pas sans rappeler le grand Kundera. Ce roman publié en 1971 garde ainsi son originalité, même s'il n'est pas forcément à mettre entre toutes les mains, vous l'aurez deviné. « Non, Belle-maman, ça c'est l'histoire d'un type qui parle à son.... pigeon, aucun intérêt, vous n'allez pas aimer ! »



Une lecture à redécouvrir en ces temps où l'on parle beaucoup d'addiction sexuelle. Rien de nouveau sous le soleil...
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La Désobéissance

Luca, fils de famille bourgeoise, a quinze ans et de la colère à revendre. Bon élève, adolescent apprécié de ses parents, il ne trouve pas sa place dans un monde pour lui vide de sens. A l'âge où tout est mouvant, il perd ses repères, peine à en trouver d'autres qui conviennent à ce qu'il est et à ce qu'il veut. Il décide de se focaliser sur la reprise en main de sa vie, c'est-à-dire le détachement vis-à-vis des contingences, qu'il s'agisse de personnes ou d'objet. Pour Luca, le seul moyen de vivre, ou plus exactement, le seul moyen d'exister, c'est se rebeller, désobéir, refuser ce qu'on attend de lui.





Œuvre dense, parfois étouffante, La désobéissance décrit de façon très précise, presque clinique, le cheminement psychologique de Luca, cet adolescent replié sur lui-même, sa prise de conscience, sa colère, son détachement, sa chute dans l'isolement, ce sentiment d'être étranger au monde.



J'ai trouvé dans la première partie de ce livre une analyse à la fois fine et très juste du désir de mort. La colère, le ressentiment, le renoncement sont criants de justesse, tout comme la rébellion contre le couple parental et la société bourgeoise. En revanche, j'ai été moins convaincue par la seconde partie qui s'intéresse au "remède", à la sensualité comme denier rempart contre le désir de mort. Le désir (et pas que sensuel) me semble un bien meilleur moteur de vie que son apaisement... (forcément, depuis le temps que j'ingurgite les livres de Tonton Sigmund !), mais ce n'est que mon avis.



L'écriture d'A. Moravia est fluide, belle, sensuelle, dense, et les idées qu'il développe, les sujets qu'il évoque, sont toujours d'actualité.



Une œuvre forte, un auteur à découvrir.
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Le Mépris

Je n'ai pas vu le temps passer. J'ai bien fait de lire "Le Mépris" aujourd'hui et non à vingt ans. Pour l'apprécier, il faut avoir vécu, je pense.

C'est un personnage en quête intellectuelle des raisons du désamour et du mépris de sa femme, que Moravia fait monologuer sur fond de l'Odyssée et de psychanalyse sommaire. Cette introspection minutieuse, déprimante et captivante est le fait d'une écriture incroyablement efficace mais qui ne manque pas de quelques notes de poésie, et qui force (ou facilite) l'identification tant à l'homme qu'à la femme. Les rapports hommes-femmes sont quelque peu désuets - il ne s'est pas écoulé plus d'un demi siècle depuis la sortie de ce roman sans modifier nos sociétés - mais c'est sans importance.

Il en ressort notamment que l'amour peut se passer de fidélité alors que la fidélité sans amour n'est rien, si ce n'est souffrance.
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La Désobéissance

Luca ne supporte plus l’autorité de ses parents et de ses professeurs. L’adolescent rejette leurs valeurs bourgeoises et lutte contre une vie quotidienne vide de sens. Refusant les contingences sociales, il décide de désobéir. Une attitude dont le couronnement ne peut être que le refus de l’injonction de vivre.



Mais Luca ne meurt pas, il découvre le désir charnel, la passion sans amour en contrepoint de son désir de mort. Bientôt, son refus de la normalité est battu en brèche par une sensualité exacerbée née de l’intervention d’une banale infirmière. Un apprentissage des sens, qui éteignant sa colère et sa révolte, le fera passer de l’adolescence à l’âge adulte.



La désobéissance, une œuvre sensuelle et personnelle où Alberto Moravia analyse magistralement la découverte de la sexualité, l’initiation à celle-ci comme un passage essentiel pour l’intégration et l’épanouissement de l’homme dans la société.





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Nouvelles romaines

Nouvelles romaines est un excellent recueil de nouvelles signé par Moravia qui fait voyager le lecteur au cœur de l'Italie des années 50.



Toutes ces histoires sont très courtes mais habilement construites et l'on prend beaucoup de plaisir à découvrir ses tranches de la vie quotidienne. Trente-six nouvelles qui se succèdent sur un peu plus de 300 pages comme des scènettes de vieux film en noir et blanc. On découvre différents personnages : du mari en passant par le voleur, du chauffeur de taxi au gérant d'un salon de coiffure..... Mais toute ont en commun la période d'après guerre.



La plume de Moravia est belle, soignée et apporte une fluidité au texte. On dévore ces nouvelles avec plaisir et si vous ne connaissez pas encore l'auteur, je vous recommande ce titre pour le découvrir.
Lien : http://missmolko1.blogspot.i..
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La Ciociara

Césira est la Ciociara, nom donné aux paysannes habitant les montagnes non loin de Rome. Suite à son mariage, elle a emménagé à Rome. A la mort de son mari, elle tient seule leur petit commerce d'alimentation et ne ressent pas les premières années de la guerre. Les choses changent après l'arrestation de Mussolini et les progrès des alliés. Césira décide de partir à la campagne avec sa fille Rosetta pour éviter la guerre. Les choses hélas ne se présentent pas comme espérées : son village est déserté, elles trouvent asile auprès de montagnards, pour enfin le drame :le viol de Rosetta par des éléments du Corps expéditionnaire français en Italie.

Alberto Moravia a vécu la guerre dans ces montagnes durant la guerre, et décrit bien les réactions des habitants : l'attente des alliés qui tardent à arriver et le fameux épisode des "Marocchinate" en Italie, peu connu chez nous mais bien tristement célèbre dans ce pays, le Corps français y a commis de nombreux débordements, surtout des viols.

J'ai aimé le personnage de Cesira et son caractère fort, qui ne se laisse jamais décourager, elle trouve toujours la force de réagir, de survivre et d'encourager sa fille à regarder avec confiance l'avenir.

J'ai aimé la description des gens simples durant la guerre, leur évolution politique au fur et à mesure des événements, Le roman aborde la guerre, la pauvreté, la violence, les transgressions des règles que le conflit entraîne.

Tout est raconté par la principale protagoniste, nous suivons sans cesse ses réflexions et ses digressions.





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Le Conformiste

Tout d'abord, merci à moravia de m'avoir conseillé ce livre... Sa critique, remarquable et passionnée, m'a conduite à la lecture de ce roman poignant et magnifique.

Une belle écriture pour une histoire qui illustre, à mes yeux, la thèse controversée d'Arendt sur la banalité du mal. Banalité du mal en ce sens que Marcel devient fasciste non par méchanceté ou par fermeture sur soi, mais à travers une volonté féroce d'être comme tout le monde...

Ici, le conformisme, né d'une culpabilité d'être différent et d'un rejet du milieu social qui est le sien et qui pousse Marcel à vouloir entrer dans une autre classe sociale plus haute, débouche sur le fascisme et la mise en oeuvre d'un meurtre. Meurtre d'un antifasciste et de sa femme, dont Marcel était éperdument amoureux. Meurtre qui aurait dû, finalement être évité... Meurtre qui devait absoudre un autre meurtre commis pendant l'enfance de Marcel et qui, finalement, n'en était pas un...

Les thèmes de la culpabilité et de l'innocence se croisent, hantent la vie de Marcel dans sa recherche perpétuelle d'un ordre qui mettrait fin à ses angoisses et à sa mélancolie... Une existence inquiète, incertaine, tout empreinte de contradictions :



"En d'autres termes, grâce à des forces qui ne dépendaient pas de lui, devait s'opérer une transmutation complète des valeurs où l'injuste deviendrait juste, la trahison, héroïsme, la mort, vie. (...).



En somme, si le fascisme fait fiasco, si toutes les canailles, les incapables et les imbéciles qui siègent à Rome conduisent la nation italienne à sa perte, alors je ne suis qu'un misérable assassin. - Mais il corrigea aussitôt sa pensée en ajoutant mentalement : - pourtant, étant donné les circonstances, je ne pouvais agir autrement."



Les circonstances.... C'est-à-dire, la volonté d'être comme les autres... Obéir et fermer les yeux. Servir l'Etat, quel qu'il soit.
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L'homme qui regarde

Dans chacun des romans d'Alberto Moravia le sexe est une métaphore. Ici " L'homme qui regarde" est un roman spéculatif. Au couple père-fils , pour lequel Alberto Moravia a voulu pousser cette relation jusqu'à l'extrême, jusqu'à la concurrence sexuelle, il y adjoint la morale.

Le fils est celui qui doit subir. Par ailleurs c'est un intellectuel et ce sont toujours les intellectuels qui subissent.

En effet il échoue comme professeur autant que comme mari, et s'il ne mène pas à son terme sa contestation c'est parce qu'il n'y croit plus.

Le roman pose la question : que reste-t-il du père ? Mais c'est pour mieux la transformer en cette interrogation : que reste-t-il du désir ? Trame essentielle de ce livre.

Se condensent dans "L'homme qui regarde" (homme sans inconscient) des forces en tension entre passé et présent qui entravent la dynamique de la transmission du désir.

Le père n'écrase-t-il pas le fils en s'emparant de toutes les femmes ? provoquant la révolte de celui-ci, le poussant jusqu'à l'idée d'un parricide nécessaire (mais idéalisé).

Roman d'une grande virtuosité qui confirme que cet écrivain à sa place parmi les plus grands.
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Cosma et les brigands

Devant peut-être participer prochainement au club-lecture organisé par la médiathèque dans laquelle travaille mon mari (je dis bien peut-être car en ce moment, tout est toujours à noter avec une note d'incertitude ou "sous réserve de...") consacré aux éditions de l'Aube, j'ai découvert ce court ouvrage d'Alberto Moravia avec curiosité d'abord et au final, je ne sais pas trop quoi en penser.



Cosma est le fils du célèbre joaillier Dragotis. Ce dernier devant conclure une affaire de la plus haute importance sous peu, il confie à Cosma d'aller rencontrer les mandataires afin de le mettre au courant du monde des affaires. Cependant, si Cosma s'avère enthousiaste de la confiance que lui accorde son père, il se montre bien trop naïf en accordant également sa confiance au coursier en charge de l'affaire, Ataman et à son chauffeur Torta. Cependant, eux-mêmes vont, dans un imbroglio assez fantasque, se laisser abuser à leur tour, en croyant commettre le crime parfait. A trop en faire et surtout à trop à dire, même à des personnes que l'on croit sûres, l'on finit souvent par se perdre et cela, nos deux malfrats vont l'apprendre à leurs propres dépens car, si ils vont effectivement rencontrer sur leur route, la bande de brigands sur qui ils comptent bien mettre accuser en amont de leur futur crime, cela ne va pas se dérouler exactement selon leurs plan...



Un ouvrage, mi récit mi conte extrêmement bien écrit (je connaissais déjà un peu les autres écrits de Moravia donc je savais que je ne serai pas déçue par la qualité de l'écriture bien que cela relève d'une nouvelle traduction, d'où le rôle primordial de tout traducteur dans tout écrit traduit d'une langue à une autre) et qui se lit très rapidement. Cependant, la fin m'a laissée un peu sur ma faim (j'aurais aimé que l'auteur poursuive un peu plus dans l'intrigue) mais comme tout conte qui se respecte, aprèe tout, c'est au lecteur de se faire sa propre morale et c'est un peu le cas ici donc, je dirais que c'est un pari réussi mais qui ne m'a cependant pas complètement satisfaite et j'en ressens une certaine frustration ! A découvrir pour les plus curieux !
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Les Indifférents

« La vie le cernait de toutes parts comme une forêt épaisse et broussailleuse. Aucune lueur dans le lointain, rien ‘’impossible…’’ »



Je crois que c’est la dernière partie de ce roman qui emporte le tout. Ce noir qui domine sous cette pluie battante, la nuit tombée, était pour moi le pendant de ce soleil de Meursault. Impossible de me détacher de cette comparaison entre les deux romans dès le départ de Michel vers l’appartement de Léo. Je n’avais pas l’impression d’une noirceur des âmes mais plutôt d’âmes sans vue, des aveugles. Rien ne les éclairait, rien ne leur donnait à voir pour se diriger vers un autre avenir, vers une vie. Ils étaient nés pour vivre passivement car jamais il ne leur avait été donné la lumière, le chemin. L’ombre les étouffait. Comment mettre ces trois êtres mous face à ce Léo, ce fauve sans la majesté ni la droiture mais la force sauvage et brute, sans avoir cette impression qu’il leur sera impossible de trouver une voie. Ils sont encagés dans leur vie et vont se faire bouffer. Les plus jeunes essayeront de trouver une sortie mais n’est-il pas déjà trop tard ? Ils sont absorbés par « une ombre humide, une ombre de caverne ».

J’ai trouvé cette galerie de personnages incroyable, l’écriture fine et juste qui fouille les derniers recoins des têtes embrumées de Carla et surtout Michel. Cette bourgeoisie indifférente avait donné naissance à des monstres mollasses.



« Sa propre image le persécutait ; il se voyait tel qu’il était réellement, seul, indifférent, misérable. »

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Promenades africaines



Moravia n’aurait surement pas aimé la 4· de couverture où il est dit : « A quatre vingt ans, l’auteur du Mépris et d’Agostino a voulu tout voir et tout comprendre de l’Afrique noire «

Moravia est bien trop intelligent pour vouloir tout comprendre d’un continent. D ‘autant plus que ce qui l’intéresse en Afrique, c’est son mystère, comparable aux mystère du féminin.



C’est un voyage antitouristique et imprudent que Moravia entreprend 3 ans avant sa mort, lui qui avait beaucoup voyagé, en Inde avec Pasolini, et en Afrique, déjà : depuis le Zaïre, les collines de Tanzanie, le Ruanda , le Burundi et retour au Zaïre, où il longe le fleuve Ruzizi, « découvert » par Livingstone, et enfin le Gabon.



Il se demande : c’est quoi l’Eden et aussi, c’est quoi cette nostalgie de l’Eden , dont Adam et Eve furent chassés alors qu’ils avaient mis le monde à feu et à sang en vue du profit ?

Comment revenir à cet état idyllique, en tête à tête avec les bêtes sauvages ?

Où ? Dans les parcs nationaux ?

Ce sont, analyse Moravia, des marchandises comme les autres, car pour revenir au paradis terrestre, il faut payer. Et les lodges, avec robinetteries, poignées, portes et fenêtres de première qualité, luxueux, et voulant paraître artisanaux en singeant la nature et en jouant sur notre désir d’Eden reproduisent un monde capitaliste.

Et , suivant le cours de cette pensée d’une rare intelligence, les gorilles ont sans doute été devant le même choix que le premiers hommes et seraient arrivés au compromis suivant : « tu ne me chasses pas de l’Eden, et , moi, en échange, je renonce à devenir un homme. »

Malheureusement, les hommes s’emploient à détruire ces ilots protégés où se refugient les gorilles, « les agriculteurs affamés de terre cultivable essaient par tous les moyens de détruire la forêt de haute altitude pour y planter leurs bananiers et il ne fait pas de doute qu’un jour ils y parviendront. »

Même si le gorille parfois se doute qu’il a fait un mauvais calcul en essayant de rester dans le paradis terrestre, les efforts, dit Moravia, d’une Diane Fossey, pour revenir en arrière, pour tenter de parler et de communiquer avec lui, « témoignent plus d’un désir inconscient, chez elles, de retourner dans l’Eden que d’une disposition du gorille à en sortir. »

Exit l’Eden, et sa nostalgie, reste la réalité tellement imprévisible, et aussi inéluctablement sacrifiée : Moravia étant trop perspicace pour se contenter de rêver, il déplore, chiffres à l’appui, la déforestation abominable de la forêt primaire , alors que c’est elle qui produit les pluies bénéfiques : « si vous rasez une forêt au Gabon, le désert, toujours aux aguets, à deux mille kilomètres au Nord, avance au rythme de 45 kilomètres par an sur un front de 3 400 kilomètres ! » . La forêt est un magasin génétique, or la transgabonaise qui reliera Libreville aux mines d’uranium et de manganèse doit abattre cette forêt. La grande forêt, mystérieuse, majestueuse, avec ses okoumés, ozigos, ebano, aiolé, ioma, apo, niové, bilinga, duka (Moravia soupire « Quels beaux noms !) a été abattue depuis longtemps ,envoyée en Europe et a cédé la place à une brousse de plus en plus épaisse, mais pas mystérieuse.



Pas de rêve possible : autant Céline a eu tort en parlant du « trou infect » de Fort-Gono,( dit Moravia) maintenant que Libreville est une des capitales les plus prospères de l’Afrique nouvelle, autant il ne sert à rien de nier le néo capitalisme qui exploite l’intérieur des terres mais le laisse sous développé.



Puis, hommage au docteur Schweitzer, musicologue, théologien, historien du christianisme, protestant, et, ouf, médecin. Moravia visite les différentes ailes, la salle ultra moderne de radiographie, le bureau du médecin. RAS.



Enfin, retour au Zimbabwe avec les chutes Victoria, : Moravia développe son intuition première : ce que Livingstone a « découvert » était bien entendu connu des africains qui appelaient les chutes « Mosi-oa-Tunya, c’est à dire fumée qui tonne » .

Pourquoi Livingstone, missionnaire, explorateur, géographe et donc exempt de visées conquérantes, a t il changé un si joli nom ?

La question mérite d’être posée, même si elle reste sans réponse, dans ce livre tellement honnête, brillant, exposant jour par jour et pays après pays la pérégrination périlleuse de Moravia.

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La Désobéissance

Comment survivre à l'adolescence quand le corps subit la déferlante hormonale qui le fait quitter le pays de l'enfance pour accéder à celui des êtres capables de donner la vie. Comment comprendre ce séisme qui secoue tout l'être, le fait se rebeller contre l'insouciance, renier la sécurité du giron maternel pour entrer dans l'âge adulte.



La mutation est douloureuse. Passer de l'innocence à la responsabilité est un chemin chaotique, parfois dangereux. Certains sont tentés de refuser la vie plutôt que la perpétuer. Il suffit d'un rien pour basculer.



Puis le chemin se découvre. Le jeune adolescent comprend que ce corps qui a expulsé la vie après l'avoir fait prospérer dans la chaleur de ses viscères est en fait la source. Il est temps de se mettre en danger, de se rebeller, de retrouver un corps capable de ce même miracle, capable d'héberger et faire prospérer la vie. Il est temps de retourner à cette source pour s'abreuver à la vie. Il est temps de retourner à ces entrailles pour se survivre à soi-même. Après viendra l'apaisement.



Formidable roman d'initiation vu d'un point de vue masculin. Luca est un jeune garçon qui subit la mutation de son corps. Il perçoit inconsciemment qu'obéir c'est disparaître. Il perçoit que pour exister il faut aller vers l'interdit. Se rebeller, désobéir pour naître à la vie, quand obéir c'est naître à la mort.



"La vie, c'est s'abîmer dans cette chair et en sentir l'obscurité, le ressac et le spasme comme des choses bénéfiques et vitales "



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